lundi 9 octobre 2006

Mortel transfert


"... Mais surtout, jouez pas au con... Surtout."

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Avec l'échec de son précédent film, Jean-Jacques Beineix éprouve le besoin de passer à autre chose. Il remplace Claude Berri à la présidence de l'ARP (association des auteurs, réalisateurs et producteurs), milite activement contre la mondialisation dans le domaine audiovisuel et tourne des documentaires. Neuf ans vont s'écouler avant de voir le cinéaste repasser derrière la caméra et produire un sixième long métrage de fiction, soit presque une décennie pour "apprendre à endurer" selon la phrase tirée de l'œuvre de Tchekhov* qu'il aime citer. Pour ce retour, c'est à une nouvelle adaptation qu'il s'attelle, celle du troisième ouvrage, paru en 1997, du professeur de lettres devenu romancier sur le tard, Jean-Pierre Gattegno.
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Psychanalyste parisien distingué, Michel Durand compte parmi ses patients l'attirante et provocante Olga Kubler. La jeune femme a suffisamment troublé son médecin pour qu'il produise un faux témoignage lors d'une affaire de vol ordinaire dans une bijouterie. Car en plus d'être un peu perverse et assurément cleptomane, la jeune femme entretient avec son riche et médiatique époux promoteur des relations sadomasochistes qu'elle évoque très librement pendant les séances avec son analyste. A force, ces révélations scabreuses n'intéressent plus du tout Durand, au point de le plonger dans un court mais profond sommeil. C'est en se réveillant de l'une de ces siestes professionnelles, brève mais agitée, que le thérapeute découvre le cadavre d'Olga, étranglée sur le divan. Durand doit désormais gérer plusieurs priorités. Se débarrasser du cadavre, tenter de découvrir l'assassin, répondre aux questions de l'inspecteur Chapireau, un ancien camarade de lycée, retrouver la fortune volée par Olga à son mari et réclamée par ce dernier. Et, accessoirement, trouver une bonne raison de n'avoir pas honoré l'invitation de sa récente amante, l'artiste-peintre Hélène Maier.
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Polar fantasmatique et comédie noire (ou peut-être est-ce l'inverse ?!), Mortel transfert est assez peu beineixien... à moins que l'on se soit toujours trompé sur le compte du cinéaste. Comme le roman éponyme dont il est tiré, le film revisite, en les actualisant, les univers d'Hitchcock et de Chandler auxquels le réalisateur de 37°2 le matin semblait étranger ou, du moins, éloigné. Le résultat est plaisant et bien rythmé, à la fois intelligent et drôle, proche du Passage à l'acte de Francis Girod, adapté du premier livre de Jean-Pierre Gattegno**, "Neutralité malveillante", qui se situait également dans le milieu psychiatrique. Le renouvellement visuel apporté par Benoît Delhomme participe grandement à la qualité du film. Belle prestation, quinze ans après celle dans son personnage de Zorg, de Jean-Hugues Anglade et de l'acteur de Srdjan Dragojevic et d'Emir Kusturica, Miki Manojlovic. On regrette cependant de ne pouvoir apprécier Hélène de Fougerolles plus longuement... dans la partie animée de son rôle !
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*"Pour les artistes, l'essentiel, ce n'est ni l'éclat ni la gloire ; l'essentiel, c'est d'apprendre à endurer." ("La Mouette")
**Raoul Ruiz a, depuis, porté à l'écran son quatrième roman, Une Place parmi les vivants. Il a aussi été un moment question de voir Beineix adapter le dernier en date, "Longtemps, je me suis couché de bonne heure".

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