Dans
Paris, c'est d'abord la chaleur d'un lit partagé à 3, puis l'aparté sur
le balcon de l'un d'entre eux se présentant au spectateur comme le
narrateur officiel du film. Déroutant. Ensuite, immersion en flash-back
mais sans voix-off, dans l'intimité amoureuse du frère du narrateur, où
s'opère l'éclatement de son couple. Ça se passe en hiver, à la campagne
sur fond de "l'espace-à-deux-c'est-confiné". Ainsi se succèdent des
scènes de ménage au cours desquelles la communication saute en jump-cut,
comme un disque rayé. Le jeu des conjoints qui s'éconduisent est
théâtral, l'amour est désaveu. De retour à Paris, on est content d'être
de retour dans la chaleur d'un lit, même dans celui de l'aîné en mal
d'aimer, ou dans celui version canapé que le cadet occupe et que le père
matinal vient squatter. On est plus à l'aise ici, entre ces deux frères
complémentaires et en présence d'un père inquiet de voir ses petits
quitter le nid pour y revenir les plumes en vrac. Les sentiments du
paternel s'expriment avec une maladresse gorgée de tendresse. Entre les
deux frères, la communication est fluide, et c'est leur échange touchant
qui viendra clore le film. Enfin à ce trio d'hommes vient se greffer la
mère, le temps d'un petit tour, et puis s'en va. Une autre femme
pourtant va intégrer leur monde, et ce, sous les traits de la sœur. Une
sœur dont on apprend l'existence antérieure puis la mort tragique, et
qui semble réincarnée en la présence de l' "ex-future" du frère cadet.
Celle-ci rapplique un soir dans l'intimité familiale, s'immisce dans la
chambre des deux jeunes héros, au cœur de leur fraternité. La scène
d'ouverture du film, les deux partageant leur lit avec elle, fait sens :
le trio originel est reformé.
Dans
ce film, Paris est perçu par un œil impressionniste ; la ville se
dévoile par touches et en mouvement. Elle se découvre au fil des actions
des personnages, et dans la façon dont ils habitent ses trottoirs. Pour
le cadet, Paris est un lieu de rencontres et un formidable terrain de
jeu. La ville est ludique, beauté et mouvement, comme les femmes et les
monuments ; en référence au jeu de pose du jeune frère et de sa belle au
côté du dôme des Invalides. Au frère aîné, Paris offre son versant
sombre ; la Seine n'est pas un fleuve que l'on contemple mais une béance
dans laquelle on se jette ! Irruption de l'imprévu, hymne au passage
d'un état à un autre auquel la ville et Dans Paris invite.
Le
propre du cinéma est de fonctionner sur le même principe que dans la
vie, à savoir sur le mode de l'apparition et de la disparition. C'est
donc le propre d'un film et le cas de ce film en particulier que
d'intégrer ce principe dans son histoire, et son style. Le montage de Dans Paris
est renversant, il joue à faire apparaître, disparaître et réapparaître
les personnages sans continuité chronologique apparente. L'unité de
temps est fractionnée, le temps est épars. Le film en effet se déroule
au rythme de l'élan vital. Il donne à voir les variantes et sautes
d'humeur qui le teintent, par le duo de frères opposés par leur état. Au
cadet le mouvement, la légéreté, la joie de vivre, mais aussi la fuite !
Pour l'aîné en difficulté, c'est l'immobilité, l'hébétement, la
tristesse... et la maturité. Ils évoluent selon deux dynamiques
opposées, et l'aîné peu à peu, va sortir de son enfermement et
extérioriser sa souffrance par la parole, chant inclus.
Qui honore l'élan de vie des hommes, et le filme avec audace, soit avec
désir de renouveler la "grammaire du cinéma", s'inscrit dans la lignée
de la Nouvelle Vague. Soit. Mais rattacher ce film à un courant du
passé, c'est déjà en quelque sorte lui dénier sa singularité. Bien sûr
toute œuvre s'inscrit dans une lignée, mais les formes changent, plus ou
moins, et il s'agit de les interroger, de leur trouver une terminologie
adéquate. Dans Paris est un film à part, d'un cinéma en mouvement.
Critique rédigée par ADel
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