samedi 27 décembre 2008

In Bruges (bons baisers de bruges)


"... Une ville de conte de fées."

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Que ceux (et ils sont tr(op)ès nombreux1) qui n'ont pas reçu l'hivernale et singulière carte postale envoyée au cours de l'été dernier par Martin McDonagh lèvent la main ! Et se repentent. Car ils sont passés, sans probablement même le savoir, à côté d'un premier long métrage particulièrement original, drôle et surtout attachant. Le genre de buddy movie que l'on apprécie de (re)voir entre amis ou, paradoxalement, seul lorsque le blues parvient à nous saisir. Avec In Bruges (sur les rails de Six Shooter déjà avec Brendan Gleeson, court métrage honoré il y a presque trois ans par les Academy Awards), le dramaturge britannique d'origine irlandaise démontre qu'il possède un talent au moins aussi affirmé que son cadet Matthew Vaughn. Présenté en première au Sundance Film Festival 2008, cette production du duo Graham Broadbent-Peter Czernin (Piccadilly Jim) est citée dans trois catégories, dont celle de la meilleure comédie, des prochains Golden Globes.
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A la suite d'un contrat au dramatique et perturbant dégât collatéral, les deux tueurs à gages Ray et Ken sont expédiés par leur patron Harry Waters pour quinze jours de vacances forcées à Bruges. Si Ken en profite pour faire du tourisme culturel, son jeune et peu expérimenté collaborateur irlandais ne se résout pas aisément à cet exil dans la trop étrangère et paisible cité médiévale flamande. Tout à la fois impulsif et déprimé, Ken commence toutefois à cesser de ronchonner lorsqu'il obtient un rendez-vous avec la jolie Chloé, rencontrée sur le tournage d'un film. Pendant son absence, Ken reçoit l'attendu appel téléphonique de Waters, assorti d'une mission... nettement moins prévisible.
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Tout en faisant une astucieuse référence au Touch of Evil de Welles, Martin McDonagh ne cache pas l'influence qu'ont exercé sur lui des cinéastes comme Martin Scorsese ou Quentin Tarantino. Si In Bruges, évoquant volontiers le "The Dumb Waiter" du récent disparu Harold Pinter, ne rivalise pas avec Casino, Goodfellas et Reservoir Dogs, voire Pulp Fiction en terme... d'occurrence et de fréquence du vocable "f.ck"2, il constitue sans aucun doute l'une des meilleures surprises du cinéma en 2008. Spirituel et grave, simple et ingénieux, In Bruges, certes moins jubilatoire (et "f.cké" !) que le The Big Lebowski des frères Coen3, peut aussi bien se voir comme un pur et bon divertissement que comme une saisissante métaphore du purgatoire (remarquable scène au Groeningemuseum) ne se prenant évidemment pas trop au sérieux. Cette réussite cinématographique repose également et enfin sur la qualité d'interprétation, du formidable Dublinois Brendan Gleeson en premier lieu, de son compatriote Colin Farrell et de Ralph Fiennes qui donnent souvent à leur personnage des accents de dessin animé, et aux solides seconds rôles réunis par McDonagh. Si vous persistez à bouder ce film, cela sera alors forcément... par masochisme !
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1. vous n'avez été qu'un peu plus de 127 000 à l'accueillir fin juin 2008 en salles, environ 336 000 au total au terme de sept semaines d'exploitation.
2. respect. 398 (2,24/mn), 300 (2,07), 269 (2,72) et 265 (1,72) contre "seulement" 126 (1,18) ! pour le film de McDonagh.
3. dont les bandes originales ont souvent été également composées par le New-yorkais Carter Burwell.



jeudi 25 décembre 2008

Awake


"... Jusqu'à ce que la mort nous sépare."

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Lorsqu'ils ne collaborent pas avec des cinéastes aguerris, les frères Weinstein ont pris l'habitude d'élever, dans leur pépinière de production, des réalisateurs presque inconnus tel John Gulager. Les deux anciens co-présidents de Miramax ont ainsi également permis à Joby Harold, époux de la productrice Tory Tunnell (Trumbo), de signer son premier film. Doté d'un budget confortable, d'un casting inédit et a priori séduisant, Awake tente d'instiller, dans la veine du remarquable court métrage d'Adam Kargman Anesthesia ou de Ri-teon du Coréen Lee Hyeon-jin, sa dose d'originalité dans le segment un peu encombré du thriller (médico-)psychologique.
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Le dr Jack Harper enregistre, en ce jeudi 1er novembre, un nouvel et dramatique échec professionnel. La transplantation cardiaque qu'il a tentée sur Clayton Beresford Jr. a été fatale pour son jeune patient et ami. L'héritier de l'empire industriel et financier constitué par son père, mort accidentellement alors qu'il était encore enfant, attendait depuis de long mois, tout en la redoutant, cette intervention après avoir été victime d'une attaque sérieuse. Entre-temps, Clay avait débuté une liaison amoureuse avec Sam(antha) Jane Lockwood, une collaboratrice engagée par sa possessive mère Lilith, sans jusque-là oser l'avouer à celle-ci. Lilith insiste par ailleurs, mais en vain, pour que son fils confie la délicate opération qu'il doit subir au dr Jonathan Neyer, vieille connaissance et autorité reconnue dans le domaine de la chirurgie cardiaque, plutôt qu'à Harper, déjà sous le coup de quatre plaintes de patients pour défaillance professionnelle. Lorsque Clay, pressé par Sam, trouve enfin le courage de révéler sa relation, Lilith l'oblige à choisir entre elle et la jeune femme, levant ainsi tout obstacle à un mariage immédiat. Au moment où il s'apprête à consommer leur union conjugal, le couple est averti de la disponibilité d'un cœur compatible. Admis à l'hôpital et aussitôt emmené au bloc opératoire, Clay y reçoit une anesthésie préparée par un remplaçant. Il constate pourtant bientôt, avec effroi, qu'il reste totalement conscient des conversations et des actes des médecins.
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Après l'amnésie ou les insomnies, certains scénaristes semblent donc vouloir porter un intérêt particulier à l'anesthesia awareness ou conscience anesthésique, phénomène rare (0,1 à 0,2% des narcoses préopératoires) mais néanmoins très inquiétant. Naturellement (pourrait-on dire !) pourvu d'un formidable potentiel de tension dramatique, ce puissant ingrédient narratif, dont on ne sait jamais de façon claire s'il est accidentel (et donc incompatible avec un autre élément déterminant du script) ou sans grande vraisemblance provoqué, entraîne nécessairement le scénario vers une sorte de virtualité surnaturelle. Une projection stylisée à laquelle n'avait, par exemple, pas eu recours Stephen Zakman pour mettre en scène Autopsy Room Four, son surprenant premier court métrage inspiré par Stephen King. Le rebondissement post-flashback apparaît plutôt astucieux et bien conduit. La direction d'acteurs manque en revanche un peu de rigueur, notamment à l'égard de Terrence Howard qui peine toujours à convaincre. Sans pour autant porter sévèrement atteinte à la prestation du couple vedette (remplaçant du duo lui aussi inédit Kate Bosworth-Jared Leto), toutefois affaiblie par comparaison avec l'interprétation de la bergmanienne Lena Olin*.
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*dans un rôle pour lequel Helen Mirren et Sigourney Weaver ont un moment été pressenties.