jeudi 21 mars 2013

Les Adieux à la reine

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Les récits des grands événements de l'histoire par leurs acteurs subalternes rendent souvent leur perception moins réductrice, linéaire. Ils contribuent également à rétablir, au moins en partie, l'équilibre immanquablement rompu entre pluriel et singulier. Les Adieux à la reine, tiré du premier roman(1) de  l'universitaire (spécialiste du XVIIIe siècle) Chantal Thomas, ne prétend certes pas à la stricte véracité. Mais l'adaptation de  co-écrite avec Gilles Taurand(2) apporte un éclairage inédit et plutôt intéressant aux quatre jours et nuits, débutant le mardi 14 juillet 1789, à la cour de Versailles. Si l'isolement, la dévotion (sacrificielle) et l'identité conférée sont au cœur de cette narration, c'est néanmoins la tentative d'illustrer le chaos collectif, de dissocier, voire d'opposer l'appréciation publique et privée (mais toujours subjective !) du personnage de Marie-Antoinette qui donne sa véritable et juste valeur à ce drame léger(3). Le film d'ouverture de la 62e Berlinale(4) est aussi et peut-être surtout un film de femmes emmené par Léa SeydouxDiane Kruger (choisie pour pallier l'indisponibilité d'Eva Green)Virginie Ledoyen mais aussi Julie-Marie Parmentier (remarquée, il y a plus de dix ans, dans Les Blessures assassines, actrice régulière de ) et Lolita Chammah (la fille d'Isabelle Huppert) aux "beautés" contrastées.
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1. "Prix Fémina" 2002.
2. collaborateur notamment d' et de  avant cette première association avec .
3. moins, il est vrai, que le savoureux et artificiel Marie Antoinette de .
4. "Prix Louis-Delluc" 2012 et nommé dans dix catégories des derniers "César".


mardi 19 mars 2013

Malevil

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Fable post-apocalyptique très librement* inspirée du roman éponyme publié en 1972, Malevil ne vise pas le spectaculaire, comme peuvent le faire certaines productions anglo-saxonnes, même si les décors façonnés par Max Douy (récompensé aux "César" 1982) sont assez impressionnants. L'objectif du scénario rédigé par  et Pierre Dumayet (déjà collaborateurs pour L'Argent des autres) semble plutôt vouloir explorer** un retour catastrophique à l'état de nature, la (ré)appropriation du langage, l'établissement du dialogue, du projet (de ré-humanisation) et de la souveraineté (démocratique ou dirigiste). Une intéressante, quoique parfois maladroite, narration fictive susceptible de réanimer, chez certains d'entre nous, les thèses souvent antagonistes des Aristote, Thomas Hobbes, John Locke, Jean-Jacques Rousseau ou encore Karl Popper. La distribution réunie par  et ses producteurs, parmi lesquels Claude Nedjar (Le Souffle au cœurLacombe Lucien, promoteur la même année de La Guerre du feu d') constitue également l'un des atouts du film. La paisible autorité, la marginalité ou la lumineuse désinvolture s'incarnent en effet fort bien à travers  et  auxquels Jean-Louis Trintignant ajoute sa naturelle et inquiétante froideur.
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*sans doute trop puisque l'auteur Robert Merle a souhaité ne pas figurer au générique du film.
**sans point de vue causale, élément original du récit. Le plus récent After the Apocalypse du Japonais  s'inscrit dans une perspective comparable. 


Docteur Petiot

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Une évocation biographique dérangeante à deux titres.  et son co-scénariste  (auteur de La Femme publique adapté en 1984 avec ) choisissent, en effet, de narrer quelques uns des épouvantables forfaits du personnage-titre en la baignant dans une atmosphère à la fois étrangement légère (ou insouciante, presque de comédie dramatique) et malsaine. Le recours à un traitement peu ou prou surréaliste participe aussi à l'insolite inconfort ressenti. N'affaiblissent-ils pas, l'une et l'autre, la juste perception de cette crapule* (circonstancielle) archétypale ? Ou aurait-il été impossible, voire insoutenable d'en dresser le portrait avec davantage de réalisme ? Ce dispositif défini, ** s'impose assez "naturellement" dans ce rôle bivalent grâce notamment à son incomparable talent de distanciation. L'acteur, et pour cette unique occasion producteur, phagocyte même l'ensemble de ses partenaires, ce qui accentue probablement le caractère cauchemardesque (en écho à la surprenante séquence vampirique introductive) de Docteur Petiot.
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*du grec κραιπαλη, ivresse dont semble être en permanence pris le personnage central.
**nommé dans la catégorie "meilleur acteur" des 16e César, récompense finalement dévolue à Gérard Depardieu pour Cyrano de Bergerac.



dimanche 17 mars 2013

The Day

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Survival insignifiant (voire même incohérent) conçu sur le modèle des films de morts-vivants, The Day (présenté au TIFF puis à Gérarmer) alterne sans ménagement les épisodes de grande mollesse dialogués et ceux de muette et gratuite violence. Ce deuxième long métrage réalisé dans la région d'Ottawa (Ontario, Canada) entre octobre et novembre 2010 par * ne présente donc, à l'exception de la prestation d'Ashley Bell (remarquée dans The Last Exorcism), quasiment aucun intérêt.



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*sous son vrai patronyme après Highlander: Endgame - quatrième volet de la franchise initiée par  et  - par l'ancien assistant de  (From Dusk Till Dawn), de  (Austin Powers: International Man of Mystery) ou encore de  (Fear and Loathing in Las Vegas) notamment.

samedi 16 mars 2013

Hell

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Petit film d'anticipation germano-helvétique vaguement horrifique, Hell (titre à double sens ? Le terme signifie "brillance" en allemand) de Tim Fehlbaum demeure en effet, sur la totalité du scénario, très anecdotique. Le "meilleur film"* de la sélection du 32e Fantasporto** (présenté ensuite au 19e Festival de Gérardmer) n'a pourtant pas connu d'exploitation en salles françaises. Les quelques fugitifs épisodes de tension dramatique ne suffisent pas susciter un intérêt significatif... d'autant que le cortex cérébral reste, dans son ensemble, assez peu sollicité. La comparaison avec The Road de  lui est, en outre, plutôt préjudiciable.
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*ce qui peut traduire un affaiblissement des productions de genre, des choix des organisateurs et/ou du jugement des jurys.
**où  (Vier Minutenaperçue dans Der Baader Meinhof Komplex et The Reader) a aussi été récompensée.

Black Snake Moan

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Audacieux, volontiers provocateur, ce troisième long métrage pour le cinéma du Virginien  mérite le détour. Le thème principal (le sauvetage adoptif et mutuel d'éclopés de l'existence) n'est sans doute pas très novateur, mais la manière dont il est abordé sort des cadres convenus.  accorde, tout simplement pourrait-on dire, sur la "Blue Note" (gamme pentatonique mineure additionnée d'une note dissonante). Co-produit par John Singleton et introduit par un bref extrait documentaire dans lequel s'exprime le  légendaire bluesman Eddie James 'Son' House, Black Snake Moan vaut aussi et surtout pour les épatantes prestations de  et de la "culottée" , apparemment peu effrayée par la prise de risques, dans un personnage parfaitement antithétique à celui de Baby Doll.

vendredi 15 mars 2013

John Carter

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Grotesque, le choix n'est hélas pas très étendu pour qualifier cette quelconque adaptation de "A Princess of Mars", premier volume de la série "Barsoom" entamée en 1912 par Edgar Rice Burroughs (bien connu pour être également l'auteur de "Tarzan"). La tentation de porter, une seconde fois*, à l'écran l'un des tout premiers personnages de la littérature de science-fiction était sans doute forte. Mais pour un tel résultat, cela relève du véritable jeu de massacre (étonnamment oublié dans la sélection des "Razzies"). D'autant plus  navrant si l'on tient compte des énergies et ressources investies**, en particulier dans le domaine des effets spéciaux, mais aussi de la réputation d', co-scénariste des Toy Stories, réalisateur de Finding Nemo ou WALL·E. L'ennui et un certain amusement moqueur sont de rigueur au spectacle de ce crucifère filmique labellisé Disney. Et dire qu'une suite serait en développement... le ridicule ne tue, il est vrai, toujours pas !
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*après l'extrêmement médiocre vidéofilm de  sorti en 2009.
**environ 250M$ de budget seulement amortis à moins de 30% !

jeudi 14 mars 2013

Argo

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Est-il si fréquent de voir le cinéma hollywoodien sauver des vies ? A l'écran, évidemment ; dans la réalité, de manière très exceptionnelle. Il est d'ailleurs étonnant que le "Canadian Caper" (déclassifié par Bill Clinton en 1997, plus de quinze ans après les faits) n'ait pas été porté à l'écran auparavant(1). Grand succès(2) commercial, le multiprimé troisième film du réalisateur  se montre à la hauteur de l'enjeu. Adapté par Chris Terrio à partir d'extraits de l'ouvrage "Master of Disguise" de Tony Mendez et d'un article(3) de Joshuah Bearman, Argo s'inscrit d'emblée, avec intelligence, dans une réalité documentaire et un contexte historico-politique. Mais également dans sa relative complexité morale et humaine. Quoique informatif, le scénario n'évite certes pas les libertés, enjolivures ou dramatisations impressives. Mais il joue assez bien sur la polarité du mensonge en diplomatie politique. L'influence croissante de l'image, de la télévision, de la culture filmique populaire (notamment celle du genre science-fiction/fantastique) est aussi astucieusement soulignée. On peut en revanche regretter la faible évocation du basculement, qui s'opérait alors dans l'opinion publique, en faveur d'un nouvel interventionnisme militaire à l'étranger.
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1. si l'on excepte le précoce téléfilm canado-étasunien Escape from Iran: The Canadian Caper (otages à téhéran) de  diffusé en mai 1981.
2. plus de 132M$ de recettes en salles US pour un budget de 45M*.
3. "Escape from Tehran: How the CIA Used a Fake Sci-Fi Flick to Rescue Americans from Iran" paru en mai 2007 dans le magazine "Wired".



lundi 11 mars 2013

Hit and Run

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Une comédie sentimentale en forme de polar/road-movie (ou l'inverse - un peu à la sauce Todd Phillipsqui ne vole certes pas très haut. Et pour cause, cela fleure plutôt le bitume et la gomme brulée. Le second film du duo - (omniprésent, y compris à travers sa partenaire et compagne ) se montre pourtant récréatif (avec explicites allusions au True Romance de -) à défaut d'être véritablement créatif. Mieux vaut toutefois apprécier les mécaniques vrombissantes (parmi lesquelles une Lincoln Continental 1967 et une Chevrolet Corvette ZR1), les poursuites de voitures, le romantisme light que les dialogues vraiment drôles et enlevés. Hit&Run est aussi, peut-être surtout, un buddies-movie puisque  a fait à nouveau appel à Tom ArnoldMichael Rosenbaum,  ou encore Nate Tuck auxquels s'est joint notamment l'aîné Beau Bridges qui apparaît dans la toute dernière partie du film.


Haywire (piégée)

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Je ne me souviens pas avoir vu un film dirigé par  vraiment convaincant. Ce pseudo polar d'action, produit avec la complicité du vieil acolyte , pas plus (et plutôt moins !) que les précédents. L'histoire très erratique écrite sans grande imagination par  (KafkaThe Limey...) comme le traitement qui en est fait sont, encore une fois, d'une grande vanité. Et si l'on peut reconnaitre au cinéaste une certaine élégance visuelle dans sa réalisation, elle paraît ici à contre-emploi, accentuant le caractère artificiel, toujours laborieux du dispositifen particulier lors des combats. Sa (très surfaite) réputation lui permet de réunir un casting "vendeur" (,  aux prestations insipides), en l'occurrence bien inutileemmené par la presque inconnue et peu engageante Texane , pratiquante de divers arts martiaux. Ce bien nommé Haywire (i.e. dingue, détraqué, chamboulé... à l'eau) se révèle même inférieur au faiblement épicé Salt de , c'est dire ! L'échec relatif du film devrait, fort heureusement, nous épargner de toute velléité d'éventuelle suite.

mercredi 6 mars 2013

Deadfall (cold blood)

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Présenté en première à Tribeca et à Deauville l'année dernière, Deadfall (ou Blackbird) a ensuite connu une brève, étroite et infructueuse carrière en salles. Il est vrai que ce petit polar "givré" en cavale, aux scénario inconsistant et enjeux limités, ne présente qu'un intérêt très mineur malgré la réputation du réalisateur, l'Autrichien  (Die Fälscher), et le joli casting (, la toujours belle et lumineuse ...) réuni pour l'occasion par la production. Poussif, versatile voire contradictoire, parfois même incohérent, Deadfall est parfaitement dispensable.