lundi 30 juin 2003

Consenting Adults (jeux d'adultes)


"Avant j'étais dans les assurances, on apprend à connaître les gens"

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On peut dire, sans craindre de se tromper, que les films Alan J. Pakula, qui, rappelons le, est "tout de même" le producteur de To Kill a Mockingbird, alternent le meilleur et le pire. Dans la première catégorie, bien sûr, ses All the President's Men (1976), Sophie's Choice (1982), The Parallax View (1974), son deuxième film, Klute (1971) et dans une moindre mesure Presumed Innocent (1990).
Consenting Adults, assez proche de ce dernier par l'inspiration, appartient à la seconde catégorie. Pakula n'a pas, cette fois, écrit le script mais utilisé celui de Matthew Chapman, scénariste et réalisateur de seconde zone, auteur notamment de l'ineffable (sic) Color of Night.
 - film - 7953_3Le slogan du film, inspiré du Décalogue, est : "Thou shalt not covet thy neighbor's wife (tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain/voisin)". Mais il est aussi écrit : "Love thy neighbor (aime ton voisin/prochain)". C'est cette (fausse) contradiction que tente de résoudre maladroitement Consenting Adults. L'histoire, pour peu qu'elle soit originale, est, en effet, mise en scène avec une linéarité consternante. A aucun moment le spectateur ne ressent une quelconque tension et le film n'a rien d'un thriller (trad. qui procure une sensation forte, une excitation). En outre, on a droit aux clichés "pakuliens" : la balade en bateau, la détresse féminine et le petit détail (ici, grosse ficelle au rayon des accessoires) qui fait tout basculer à un quart d'heure de la fin. Pour la surprise, c'est raté !
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Et que dire de l'interprétation ? Acteur habituellement plus brillant, Kevin Kline est presque ridicule en musicien bêta, emporté par son désir d'une blondasse qui chante le blues (pour la petite histoire, jouée par celle qui allait devenir la réalisatrice et scénariste Rebecca Miller). Le nombre de fois où il apparaît niaisement bouche ouverte est impressionnant. Kevin Spacey s'en sort à peu près en meurtrier sympathique mais intriguant. Mary Elizabeth Mastrantonio fait son job sans plus. Il semble que la direction d'acteurs, pour cet antépénultième film de Pakula ne soit pas une priorité. Mention spéciale pour l'apparition de Forest Whitaker en détective privé qui donne un bon coup de main au "malheureux Richard Parker".
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Un bon conseil : si le sujet principal vous intéresse, choisissez plutôt Double Indemnity de Billy Wilder ou faites comme les personnages de Consenting Adults, visionnez Casablanca dont on entend la balade "As Time Goes By" dans l'une des scènes d'ouverture du film.




vendredi 27 juin 2003

Les Enfants de la pluie


"Seul un amour impossible pourra terrasser un jour le voleur d'âmes"

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Après Kaena, la prophétie (sorti le 4 juin), coproduction franco-canadienne et Les Triplettes de Belleville (sorti le 11 juin), coproduction franco-belgo-canadienne, l'animation à composante française est à l'honneur en ce mois de juin avec la sortie cette semaine des Enfants de la pluie.
Inspiré du roman de Serge Brussolo, "A l'Image du Dragon", le film a mis (comme Les Triplettes...) plus de cinq ans à naître. Initié par René Laloux (le père de La Planète sauvage), interrompu pour des raisons de financement, il a été repris par deux de ses anciens collaborateurs, le réalisateur Philippe Leclerc et le dessinateur Philippe Caza grâce à la coproduction de la Corée.
 - film - 5544_1Destiné autant (et même plus) à un public d'adultes que d'enfants (nous y reviendrons), il est construit à partir d'un vrai scénario qui mêle poésie, action et arrière-fond philosophique (tolérance et acceptation des différences, écologie). L'histoire met en présence et oppose les très dissemblables Pyross et Hydross dans un combat ancestral que seul Razza, le grand prêtre tyrannique des Pyross, semble comprendre et justifier. Il n'arrivera cependant pas à empêcher la réalisation de l'antique prophétie qui fera tomber Skän, un jeune chevalier Pyross, fils du rebelle Rodos et seul musicien de son peuple, sous le charme de la belle princesse Hydross Kallisto.
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Les Enfants de la pluie est un film original, moins par le graphisme des personnages que par des décors où s'opposent le lumineux et orange monde minéral, anguleux des Pyross et celui sombre, vert (ou bleu), fluide et tout en courbes des Hydross. La musique, signée du violoniste de jazz Didier Lockwood (déjà entendu dans Lune froide de Patrick Bouchitey), hésite entre classique et synthétiseurs pour un mariage sans charme véritable.
Mais la principale faiblesse réside dans le fait que le film de Philippe Leclerc ne choisit pas réellement sa cible : trop violent pour les plus jeunes, trop simpliste pour les plus âgés, il semble ne devoir trouver sa voie que chez les adolescents amateurs de ce que l'on appelle de manière schématique "l'heroic fantasy". Quelque chose me dit que le prochain Sinbad : la légende des sept mers (sur les écrans le 9 juillet) sera plus "œcuménique".

jeudi 26 juin 2003

The Blue Max (le crépuscule des aigles)


"Stachel... Vous savez, il y a du cobra en vous"

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Le réalisateur britannique John Guillermin est surtout connu du public pour sa Tour infernale. Pourtant, il a une réelle affection pour le film d'aventure et en particulier celles qui se déroulent pendant la guerre. Pour preuve ses I Was Monty's Double, Guns at Batasi ou encore The Bridge at Remagen (qui fait l'objet d'une critique sur le site).
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Avant ce dernier, il s'était attelé à une adaptation difficile du roman de Jack D. Hunter, "The Blue Max", car il a pour cadre l'aviation militaire en 1918, pendant la première guerre mondiale. Bien sûr, il a été précédé par des oeuvres restées célèbres, telles Wings de William A. Wellman en 1927 (le premier film récompensé par un "Oscar", en 1929), Hell's Angels de Howard Hughes et Edmund Goulding en 1930 ou encore les deux versions de The Dawn Patrol, celle de 1930 de Howard Hawks et celle de 1938 du même Edmund Goulding avec Errol Flynn.
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The Blue Max est assez fidèle à l'ouvrage, c'est à dire, outre le respect du récit, sérieux et documenté. Presque trop sérieux, il manque, en effet, un peu de fantaisie et d'originalité dans le traitement classique que propose Guillermin. Il y avait sûrement matière à créer la surprise, et donc l'attachement, à partir de cette histoire intéressante d'un soldat de l'infanterie allemande d'extraction modeste, le Lieutenant Bruno Stachel (George Peppard), qui rejoint "l'aristocratie" de l'armée, l'aviation (naissante, dont le rôle devient progressivement déterminant), constituée de fils de familles nobles à l'esprit chevaleresque. Volontairement isolé, irrespectueux des règles et des ordres, sa seule façon de prouver sa valeur est d'obtenir la prestigieuse décoration qui donne son nom au film ("Pour Le Mérite") et de séduire la frivole et fantasque épouse (Ursula Andress) du Général von Klugermann (James Mason). Pour cela, il doit rivaliser avec le décoré Willi von Klugermann (Jeremy Kemp), amant et neveu par alliance de celle-ci et s'affranchir de l'autorité "castratrice" du Capitaine Otto Heidemann (Karl Michael Vogler). Il succombera (au sens premier du terme) à deux ennemis imprévus : l'amour et la politique.
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Les scènes aériennes sont, au bout du compte, les plus intéressantes : on y voit l'aviation militaire sous ses différents aspects : combat aérien, appui des forces au sol, raid. Certaines invraisemblances techniques apparaissent à ces occasions : le pilotage à une main, les bombes placées sous des avions qui n'en ont jamais portés, certaines phases de duels aériens. La campagne irlandaise ne ressemble pas non plus à celle de la Picardie. Mais là n'est pas l'essentiel. Autour de ces séquences primordiales, le film a du mal à trouver son rythme. D'autant qu'il "s'étire" sur (tout) près de deux heures trente avec entracte. Au final, si l'on exclut la chute (c'est le cas de le dire !) du film, c'est l'évolution d'un homme, l'éloignement de ses origines qui retiennent l'attention. Si, au début, on le voit concerné par son environnement et avoir de la sympathie pour les autres, il n'est, à la fin, qu'un pion ridicule, inapte à voir son échec et celui de l'Allemagne, et dont on se joue dans un sordide jeu de vanité.
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Acteur souvent vu dans des films du genre, George Peppard est assez à l'aise dans son costume d'aviateur (d'autant qu'il tient réellement le "manche à balai" dans certaines scènes) mais son interprétation est un peu binaire. Il n'y a pas de place pour l'inquiétude et le tourment dans son personnage et c'est dommage pour l'intérêt du film. C'est vraisemblablement Karl Michael Vogler qui offre la prestation la plus convaincante parce que la plus riche psychologiquement. Il y a de la détermination mais aussi du doute, voire du désespoir chez Otto Heidemann.
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James Mason en Général opportuniste et calculateur est un peu caricatural. La légèreté et l'émotion d'Ursula Andress sont un peu convenues. Comme l'est également la musique de Jerry Goldsmith, spécialiste de la musique du film de guerre (Patton et Tora! Tora! Tora!, c'est lui !). On en vient à oublier qu'il a composé celle de La Planète des singes et d'Alien.

Une dernière chose encore : la guerre s'est heureusement arrêtée en 1918. Quelques années de plus et il y aurait eu pénurie de champagne ! S'il y a des spécialistes, pourraient-ils me confirmer la valeur du millésime 1903 et sa qualité après quinze ans d'âge ?