mardi 27 avril 2010

The Company


"The more there is of mine, the less there is of yours."

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Depuis son institution(1) en septembre 1947, l'activité de la Central Intelligence Agency alimente abondamment, de manière réaliste ou fantasmatique, la littérature et les scénarii de films. De The Quiet American signé par Graham Greene aux Jack Ryan et Jason Bourne imaginés respectivement par Tom Clancy et Robert Ludlum, on ne compte plus les couvertures et affiches(2) célébrant (un paradoxe !) des héros plus ou moins discrets dont la vertu première est le secret. Au sein de cette production, riche et variée, The Company retrace, à travers le destin croisé de trois anciens camarades d'université, la période cruciale des relations soviéto-étasuniennes entre 1954 et 1989. Tirée du roman éponyme de Robert Littell (The Amateur) paru en 2002, cette série télévisée en trois épisodes dirigée par Mikael Salomon (co-réalisateur de The Agency) ne manque pas d'arguments.
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Berlin, 1954. Dans la zone américaine de la ville, Harvey 'The Sorcerer' Torriti reçoit Konstantin Vichnevski. Les informations apportées par le ressortissant russe, candidat avec sa famille à un passage à l'Ouest, ne suffisent pas à son interlocuteur. L'individu révèle alors la présence d'une taupe soviétique dans les services secrets britanniques. Au siège de Langley, James 'Mother' Angleton est chargé d'évaluer la réalité de cette allégation. Jack McCauliffe, actuel collaborateur de Torriti, et son ami Leo Kritzky ont été recrutés par Frank 'Wiz' Wisner, responsable de la division Russie soviétique, à leur sortie de Yale. A la même époque, leur camarade Evgueni Tsipine, retourné en Russie pour les funérailles de sa mère, était convaincu par Pavel 'Starik' Zhilov de servir d'intermédiaire aux Etats-Unis pour le KGB.
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Guerre froide, angoisse obsédante du risque atomique, renseignement et contre-espionnage, peut-on rêver (cauchemarder !) plus intense et dramatique contexte narratif d'Après-guerre que celui-ci ? Produit avant The Good Shepherd de Robert De Niro, The Company y développe une intrigue intéressante, prenante même, centrée sur le délogement d'agents infiltrés(3), sur l'antagonisme de deux idéaux utopiques, sur l'absolue bivalence du matériau recueilli ("the more valuable the real informations, bigger the potential deception"). Berlin avant l'édification du mur, révolte de Budapest, échec de la tentative d'invasion militaire de Cuba, perestroïka, une tumultueuse, fébrile tranche d'histoire reconstituée ici avec ambition et sérieux, en particulier un remarquable travail de production (photographie, décors, costumes...). La série met d'ailleurs assez bien en évidence la mutation opérée par l'agence de l'analyse des renseignements et des tentatives de neutraliser les fuites à la tentation puis l'organisation d'interventions sur le terrain. Parmi le casting solide réuni par les producteurs, la prestation d'Alfred Molina et surtout celle de Michael Keaton doivent être soulignées.
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1. suite au démantèlement de l'Office of Strategic Services (OSS) par le président Harry Truman.
2. Confessions of a Dangerous Mind, Syriana, Breach, Charlie Wilson's War, Rendition et Body of Lies sans oublier les documentaires CIA, guerres secrètes ou l'épisode (11 saison 9) "The Spy Hunter" de la série Frontline.
3. sur le thème, Watch on the Rhine et Stalag 17 restent les fictions de référence.

The Little Shop of Horrors ((la petite boutique des horreurs)


"Aw, take it easy, Dracula. What do you think I'm carrying here, my dirty laundry?"

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Présenté, lors de son lancement, en double programme avec La Maschera del demonio de Mario Bava puis avec Last Woman on Earth, The Little Shop of Horrors a peu à peu suscité une affection particulière de la part des amateurs de ce type de productions. Quoique séparée par trois réalisations de Roger Corman, cette farce fantastico-végétative plusieurs fois réécrite, bien qu'elle recours à d'autres germes narratifs et comiques, s'apparente étroitement au précédent A Bucket of Blood. Le film doit aussi une partie de sa notoriété postérieure à la présence de Jack Nicholson, titulaire d'un petit rôle, le quatrième de sa carrière au cinéma. Adapté en 1982 sous la forme d'une comédie musicale (reprise jusqu'à l'année dernière) elle-même portée à l'écran par Frank Oz, The Little Shop of Horrors a également inspiré une série animée en treize épisodes.
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Employé de Gravis Mushnick, modeste fleuriste dans le quartier de Skid Row, Seymour Krelboin ne cesse de faire la preuve de sa sottise et de sa maladresse. Sur le point d'être renvoyé, il vante auprès de son patron la toute nouvelle plantation dont il est l'inventeur, appuyé par sa collègue un peu niaise Audrey Fulquard et par Burson Fouch, un client expert en végétaux qu'il consomme régulièrement. Mais lorsqu'il ramène le pot où il a semé un graine trouvée par un jardinier japonais, la plante baptisée Audrey Jr. semble dépérir. Krelboin obtient de Mushnick un sursis de huit jours pour réussir à la revitaliser. Le jeune homme découvre que l'urne s'ouvre au crépuscule et se nourrit du sang qu'il a accidentellement laissé couler en se blessant à la main. Dès lors, Krelboin doit percer l'extrémité de ses doigts pour l'alimenter. En constatant l'attraction créée par 'Audrey Jr. auprès du public, Mushnick se prend d'affection pour son salarié, le garde et lui accorde une augmentation. Un soir, à cours d'hémoglobine, Krelboin ne peut satisfaire l'appétit de la plante qui réclame à présent de vive voix sa nourriture. Lors de son errance nocturne, il assomme sans le vouloir un inconnu bientôt découpé par un train. Epouvanté, Krelboin rassemble les morceaux dans un sac, cherche désespérément à s'en débarrasser et finit par s'en servir pour restaurer sa plante.
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Si le caractère inédit du scénario de Charles B. Griffith n'est pas absolu, The Little Shop of Horrors s'avère bien plus réussi que Womaneater de Charles Saunders. Le "meilleur film tourné en deux jours" (des prises supplémentaires ont, en réalité, été opérées) ne galvaude pas le rang de classique où il a été élevé au milieu des années 1970. Et puisqu'il est question de classification, ce Corman ne relève, heureusement pas, de celle où l'on trouve les mutationnistes Matango d'Ishîro Honda, The Day of the Triffids du Britannique Steve Sekely ou Swamp Thing de Craven. Les rédactions successives ont, semble-t-il, laissé quelques stigmates, en particulier un curieux découpage à la logique segmentaire (narration policière, séquences où apparaissent l'hypocondriaque et alcoolique Winifred Krelboin ou le dentiste ainsi que les onze dernières minutes du métrage)... peut-être délibérée. Par ailleurs, la réalisation paresseuse déçoit un peu. En tout état de cause, The Little Shop of Horrors demeure un "must see" !