mercredi 7 avril 2010

The Reckless Moment (les désemparés)


"... We're all involved with each other, one way or another."

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Arrivé aux Etats-Unis en 1941, Max Ophüls n'y a réalisé que quatre films (en deux ans !). Le dernier d'entre eux, produit par Walter Wanger peu avant le retour du cinéaste allemand en Europe, est adapté du populaire roman policier "The Blank Wall"* publié deux ans plus tôt par Elisabeth Sanxay Holding, auteur apprécié par Raymond Chandler himself. Drame familial, de la (probable) culpabilité et du sacrifice consenti plus que véritable polar, The Reckless Moment, second film d'Ophüls avec James Mason, réunissait pour cette unique occasion l'acteur britannique et la languienne Joan Bennett (et, accessoirement, épouse du producteur). Avec à leurs côtés Geraldine Brooks, remarquée dans un second rôle de Possessed, avant qu'elle ne soit happée par la télévision.
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Un matin du mois de décembre, Lucia Harper prend la route, sans prévenir sa famille, pour se rendre de sa maison de Balboa à Los Angeles. Elle souhaite y rencontrer à son hôtel le douteux Ted Darby, amant de sa fille bientôt majeure Beatrice et l'intimer de mettre fin à cette inqualifiable relation. Accueillant d'abord avec légèreté la démarche, l'individu se déclare ensuite prêt à cesser de fréquenter Bea si Mme Harper consentait à rémunérer son soudain désintérêt. De retour chez elle, en l'absence de son époux en déplacement professionnel à Philadelphie puis à Berlin, Lucia doit informer Bea, déjà avertie par un appel de Darby, de son entrevue et lui annoncer avoir demandé l'interruption de sa scolarité dans l'école d'art où la jeune femme était jusque-là élève.
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Le soir même, Bea retrouve Darby dans un proche hangar à bateau. Une dispute éclate entre eux au cours de laquelle Bea frappe celui-ci à la tête avant de le quitter. Une fois dehors, Darby perd l'équilibre, rompt une rambarde et chute. Le lendemain, Lucia, qui croyait l'indésirable parti, découvre son cadavre percé par le bec d'une ancre. A l'aide du canot à moteur, elle se débarrasse alors successivement de l'instrument mortel et éloigne le corps de leur propriété. Le meurtre de l'ancien marchand d'art ruiné fait peu après la une de la presse locale. Quelques jours plus tard, Lucia reçoit la visite d'un inconnu nommé Martin Donnelly lui suggérant fermement de récupérer les lettres envoyées par Bea à la victime qu'il détient contre la somme de cinq mille dollars.
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On ne sait si l'on doit louer ou blâmer l'impulsive et un peu aveugle défense de cette mère pour sa fille indisciplinée. Le premier sentiment l'emportant probablement puisque le spectateur sait, contrairement au personnage principal, que la première victime de ce mélodrame succombe par accident non provoqué. L'originalité du scénario, signé à quatre mains notamment par Mel Dinelli (The Spiral Staircase, House by the River) et Robert E. Kent (Where the Sidewalk Ends), réside surtout dans l'insolite relation qui se noue incidemment entre Lucia et son maître-chanteur délégué. Moins uniforme qu'attendu, ce dernier personnage permet à The Reckless Moment de nuancer l'habituelle influence archétypique hollywoodienne. Certains cinéphiles, sur une thématique proche, lui préféreront peut-être Deadline at Dawn, unique film d'Harold Clurman, The Accused de Dieterle ou le prochain The Blue Gardenia de Lang. Même s'il manque parfois un peu de densité narrative et néglige souvent la plupart des seconds rôles, le film de Max Ophüls possède suffisamment de qualités qui ne peuvent leur échapper.
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*l'ouvrage a fait l'objet d'une seconde version avec Tilda Swinton dans le rôle principal.

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