mardi 31 janvier 2012

Story of G.I. Joe (les forçats de la gloire)


"But the G.I... Well, he lives so miserably and he dies so miserably, it's..."

Peu connu en Europe malgré un "Prix Pultzer" obtenu en 1944, Ernest Taylor Pyle était un journaliste atypique, davantage intéressé, en tant que correspondant de guerre, par la vie quotidienne des soldats que par celle des hauts gradés, la stratégie militaire ou les opérations d'envergure. Tué le 18 avril 1945 sur l'île d'Ie jima pendant la bataille d'Okinawa, il n'a pu voir ce Ernie Pyle's Story of G.I. Joe, produit par Lester Cowan(1) à partir de deux(2) des quatre compilations d'articles, présenté en première tout juste deux mois plus tard. L'ancien pilote William Augustus Wellman, qui en accepte finalement la réalisation après avoir rencontré Pyle, a su parfaitement traduire les préoccupations du reporter quadragénaire au cours de la progression des troupes vers Rome. Nommé dans quatre catégories(3) des 18e Academy Awards, Story of G.I. Joe est entré en 2009 au National Film Registry.
Quelque part dans l'Atlas tunisien, le correspondant de guerre Ernest Pyle embarque à bord de l'un des camions qui emmènent la compagnie C du 18e d'infanterie commandée par le lieutenant Bill Walker vers le front. Rapidement adopté par les soldats sous les sobriquets de 'Pap' ou 'Little Guy', le journaliste partage et devient le témoin de leurs activités non opérationnelles. A cinquante kilomètres de la destination, les tirs d'obus de l'ennemi retentissent déjà, le convoi essuyant peu après une attaque aérienne à laquelle succombe Henderson alias 'Gawk'. Les quinze derniers kilomètres sont parcourus à pied ; la troupe connaît à la nuit tombée un terrible baptême du feu. Face à l'aguerrie armée nazie appuyée par une artillerie puissante, les alliés dénombrent de lourdes pertes et sont bientôt contraints de se replier. Quelques années plus tard, Pyle retrouvait avec joie sa compagnie, notamment 'Wingless' Murphy, le sergent Steve Warnicki, Dondaro et Walker promu capitaine à proximité d'une ville italienne où des soldats ennemis restent encore embusqués.
Meilleur film de guerre selon Dwight D. Eisenhower(4), Story of G.I. Joe séduit surtout grâce à l'inusité point de vue adopté. A la fois dissemblable et proche du plus tardif Big Red One de Samuel Fuller, ce cinquième film du genre réalisé par William A. Wellman s'écarte de la typologie des précédents et, plus généralement, des productions hollywoodiennes comparables. Tourné entre mars 1944 et janvier 1945, il infuse en effet une sorte de personnologie (fictive ?) à une relative sécheresse documentaire tout en restant, en permanence, à hauteur d'homme. L'évocation de la bataille de Kasserine ou de la propagande radiophonique d'"Axis Sally"(5) au début du métrage servent avant tout à mettre en relief la psychologie des membres de ce petit groupe d'étasuniens conscrits envoyés combattre très loin de chez eux. Story of G.I. Joe se place d'emblée sous l'influence thématique de l'adoption (celle d'E. Pyle succédant de peu à celle du jeune chiot 'Arab'), de la différentiation presque classificatoire entre infanterie et aviation sans oublier bien sûr, les essentielles nostalgie (doux-amer gimmick du phonographe) et solidarité. Les sobres et solides interprétations de Burgess Meredith et de Robert Mitchum sont efficacement soutenues par celles de Freddie Steele (champion poids moyen de boxe), de Wally Cassell dans son premier rôle crédité et de John R. Reilly (déjà partenaire de Mitchum dans Thirty Seconds Over Tokyo et que l'on aperçoit dans Battleground du même Wellman).
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1. Commandos Strike at Dawn, associé non mentionné du The Whole Town's Talking de John Ford.
2. "Here Is Your War" et "Brave Men".
3. meilleurs scénario, acteur de soutien (Robert Mitchum), bande originale et chanson.''
4. qui connaît "particulièrement" bien son sujet. Avant de devenir le trente quatrième président des Etats-Unis, 'Ike' (tout juste élevé au grade de général 4 étoiles) mène la campagne de Tunisie contre les forces de l'Afrika Korps avant d'être chargé de l'invasion de la Sicile et de l'Italie.
5. ici sans doute en la personne de Rita Luisa Zucca, version latine de Mildred Elizabeth Sisk-Gillars, employée à Berlin par le troisième reich.

dimanche 29 janvier 2012

A Lonely Place to Die (poursuite mortelle)


"Long way from civilization!"

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Au risque d'une éventuelle répétition(1), l'étonnement constitue l'un des plus plaisants sentiments provoqués par le cinéma. Sans forte réputation préalable et malgré un titre français (encore une fois ici) déplorable, ce A Lonely Place to Die appartient résolument à cette catégorie de films. Soigné, preste, radical sans extrémité, en deux mots assez efficace, le quatrième film (le troisième dont le scénario est co-signé par son frère Will) du Britannique Julian Gilbey assume plutôt dignement l'impressionnant legs laissé, il y a déjà quarante ans, par le modèle du genre : Deliverance de son compatriote John Boorman. Comme à l'époque le quatuor d'acteurs embarqué sur la Cahulawassee, ceux de cette production ne jouissent pas d'une significative notoriété, élément profitable au récit, tout en se montrent à la hauteur de l'enjeu.
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Au cours de l'ascension de l'une des montagnes des Highlands écossais, Ed perd l'équilibre au cours d'une pause et entraine dans sa chute la plus expérimentée Alison. Déjà proche du sommet, Rob intervient rapidement, redresse Ed suspendu par la corde la tête en bas et empêche le drame. Le trio rejoint bientôt leurs amis Jenny et Alex qui les attendent dans la maison louée qui doit servir de camps de base à leur weekend. Le lendemain, le groupe se met en route pour atteindre le site de leur escalade. Après le déjeuner dans une forêt, Ed, qui s'est isolé un instant, perçoit comme un appel étouffé, une perception confirmée par Alison et les autres compagnons. Ils repèrent bientôt le tuyau coudé planté dans le sol d'où sortent les cris. Sous une lourde planche en bois, ils découvrent un vaste trou dans lequel une fillette effrayée est retenue captive. Jenny parvient à la rassurer puis lui offre à boire. Anna s'exprime dans une langue étrangère, du croate selon l'avis incertain d'Ed.
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A Alex qui redoute le retour des ravisseurs, Jenny affirme la nécessité d'emmener l'enfant dans un lieu sûr. En l'absence de réseau téléphonique cellulaire, Rob décide de rejoindre en longeant la rivière Annan Mor, le village le plus proche distant d'une trentaine de kilomètres. Alison et lui iront chercher de l'aide et avertir la police en empruntant un raccourci qui passe par la falaise de Devil's Drop. Ils savent disposer d'une corde trop courte pour descendre l'à-pic. Un hélicoptère devrait pouvoir récupérer le reste du groupe à l'un des points de passage de l'itinéraire. Engagée la première le long de la falaise atteinte en courant, Alison s'aperçoit qu'il reste une distance importante et délicate à parcourir à main nue. Alors que Rob amorce à son tour la descente, la corde rompt brusquement ; son corps percute mortellement la berge pierreuse du cours d'eau en contrebas.
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Avec son récit sec et souvent imprévisible, issu d'une hybridation entre thriller en (superbe) milieu naturel(2) et polar vaguement mafieux, A Lonely Place to Die convainc bien davantage que le médiocre Bosque de sombras au sujet un peu connexe, voire que le plus intéressant et elliptique El Rey de la montaña. Sa sélection dans plusieurs festivals dits fantastic-horrifiques tels Sitges et Toronto After Dark pourrait laisser faussement croire qu'il appartiendrait (comme Vertige) à l'un ou l'autre de ces genres. Certes terrorisante, l'intrigue imaginée par les frères Gilbey se révèle au contraire dramatiquement réaliste. Il faut, au passage, louer le remarquable talent du réalisateur et de son équipe à mettre en valeur les décors naturels écossais où elle se noue. La présence centrale de l'Australienne Melissa George (surtout connue pour ses rôles dans des séries TV) représente un atout supplémentaire aux côtés d'Ed Speleers (Eragon), du local Alec Newman et du comédien Sean Harris (Harry Brown).
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1. toujours possible sur le nombre (plus de 2000 critiques).
2. à l'exemple de Nordwand.

jeudi 26 janvier 2012

La Bête humaine


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Revu à l'occasion de la chronique de Human Desire*, La Bête humaine adapte assez remarquablement mais avec liberté(s) le roman de Zola. On regrette néanmoins un relatif manque de cohérence globale, en partie lié aux raccourcis narratifs opérés. L'absence totale de "conscience" des protagonistes passe d'ailleurs presque inaperçue.
La "tragédie héréditaire" se trouve également reléguée au second plan, un choix sans doute justifiable mais qui altère l'intérêt du film.
Les assourdissantes et splendides séquences ferroviaires constituent en revanche, avec la présence de Simone Simon, Fernand Ledoux et Julien Carette (fidèle à lui-même !), l'un de ses atouts principaux.
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*je constate, au passage (à niveau !) que certaines images du livre se sont, dans mon souvenir, imposées à celles du film.