jeudi 28 août 2003

Romeo is bleeding


"But romeo is bleeding but nobody can tell
and he sings along with the radio
with a bullet in his chest" (in "Romeo is bleeding" de Tom Waits)

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Blood, sweat and tears, tel est, en utilisant une autre référence musicale (celle d'un groupe rock-jazz des 70's), le programme du film de Peter Medak auquel on doit ajouter les moteurs principaux de ces phénomènes corporels, le sexe et la violence. Lorsque le sergent Jack Grimaldi a accepté de donner, contre rémunération, des informations au chef de la mafia Don Falcone, il a perdu le contrôle de son existence. Sa vie sentimentale extra conjugale n'est pas un élément atténuant. Et quand tout se mêle, avec pour centre de gravité la sulfureuse Mona Demarkov qu'il est chargé d'éliminer, c'est le début de la fin. Celle-ci, espèce de Keyser Soze au féminin mais beaucoup plus présente à l'écran que son homologue criminel, va "moudre", réduire en pièces l'existence du flic pourri.
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Le britannique d'origine hongroise Peter Medak est plus connu pour ses nombreuses réalisations de séries télévisées, pour la comédie The Ruling Class avec Peter O'Toole ou l'efficacement horrifique The Changeling. Romeo is Bleeding essaie de renouer avec le genre film-noir, modernisé sur le plan visuel et beaucoup plus démonstratif (et sanglant) "qu'atmosphérique". Le résultat est globalement peu convaincant et, par certains aspects, assez proche d'un certain cinéma asiatique très violent à la mode aujourd'hui. Conçu comme un flash-back avec narration à la troisième personne, la tonalité est névrotique, voire psychotique. L'alternance des rythmes renforce cette impression morbide de crise et de rémission. Le réalisateur s'autorise tous les effets filmiques : ralenti, multi-angle, travelling circulaire, esthétisation photographique des plans, anticipation-rupture dans le récit, télescopage entre narration et action. Par ailleurs, pour crédibiliser le caractère polar noir de son film, Medak a recours à une bande originale jazzy signée Mark Isham. On est tout de même assez loin de l'atmosphère "waitsienne" que laisse supposer le titre.
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Gary Oldman (qui a tourné la même année True Romance qui est supérieur au film de Medak) compose remarquablement son personnage de flic manipulé et traqué qui cherche une issue et, peut-être, une rédemption. Il communique avec brio le malaise qui l'habite et l'énergie résiduelle qu'il possède encore. Lena Olin, entre deux drames romantiques, incarne (si je puis dire !) un authentique démon doté de tous les arguments de la féminité. La permanence de son sourire, quasi sardonique, n'a d'égal que sa capacité à se sortir de toutes les situations, même les plus compromises. Quelques courtes apparitions de Roy Scheider en parrain mafieux bien inquiétant. Annabella Sciorra, en épouse du personnage principal, aurait peut-être mérité une place plus importante.
Objectivement, ce film a des qualités mais ses excès ne lui autorisent qu'un public spécifique. Pour les amateurs du genre... Je n'en suis pas ! 

mercredi 27 août 2003

China Moon (lune rouge)


"Un homme comme toi ne devrait pas passer sa vie à faire ce boulot."

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Première réalisation* et joli petit polar qui met en scène une machination, dans la veine du Body Heat de Lawrence Kasdan, China Moon est à la fois moins torride et moins intéressant que son prédécesseur. D'ailleurs, les liens entre les deux films ne s'arrêtent pas au thème développé : l'action se passe également en Floride et John Bailey a été le chef-opérateur de Kasdan sur les trois films qui ont suivi Body Heat dont le sympathique western Silverado.
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Le défaut principal de China Moon est son scénario. Et plus précisément les motivations de Rachel Munro d'éliminer son mari : adultère, argent, amour... La lecture n'est pas claire et sa complexité n'apporte rien, au contraire, au développement de l'intrigue. Il faut alors faire des hypothèses et choisir des priorités : la raison essentielle serait la cupidité, le prétexte, l'adultère et la mauvaise conscience, l'amour. Mais rien n'est moins sûr !
La mise en scène est sans invention mais solide. Le rythme est rapide, avec une construction en tiers : exposition, action, résolution, parfaitement cohérente avec les besoins narratifs du film. John Bailey, qui est avant tout un directeur de la photographie, a confié ce secteur à Willy Kurant. Connu dans le cinéma français, il assure sa tâche très honorablement en réussissant en particulier les extérieurs sous la pluie. La musique de George Fenton, démonstrative pendant le générique d'ouverture, laisse ensuite la place aux chansons bluesies des lieux de l'action.
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L'interprétation est, elle aussi, solide mais sans richesse véritable. Ed Harris, qui incarne habituellement une stricte justice, est un peu surprenant dans le rôle d'un détective complice d'un meurtre. Madeleine Stowe, très jolie mais un peu larmoyante, n'égale pas sa prestation de The Last of the Mohicans. Intéressante participation, dans davantage qu'un second rôle, de Benicio Del Toro en adjoint de Kyle Bodine-Ed Harris d'une redoutable duplicité. Son réel talent est sur une trajectoire qui va logiquement passer, l'année suivante, par le monument Usual Suspects.
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*si l'on excepte son très atypique SSILU de 1991.

Great Balls of Fire!


Jimmy : "- ... C'est la musique du diable, je le sens."
Jerry Lee : "- Ouais !"

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Jim McBride aime la musique et cela se voit dans son film. Il retrace les premières années, de 1944 à 1960, de la vie du légendaire rock'n'roller, Jerry Lee Lewis (JLL). Celui dont Bruce Springsteen disait : "This man doesn't play rock'n'roll..... he is rock'n'roll." (cet homme ne joue pas du r'n'r, il est le r'n'r). Ou encore celui à propos duquel Elton John déclarait "avoir tout appris de lui car il est le plus grand des pianistes rock." Inspiré de l'ouvrage de la troisième épouse du Killer, Myra Gale et sous le patronage du musicien-chanteur lui-même, Great Balls of Fire décrit plutôt bien les influences du rythm&blues noir sur la toute nouvelle musique rock, le rôle de l'église (mais moins celui du gospel), la place importante de la radio puis de la télévision. On y croise bien sûr Elvis Presley (qui a débuté sa carrière deux ans avant celle de JLL) et leur rivalité dans le cœur des fans et dans les charts. On y découvre, dans une scène véridique d'embrasement d'un piano en concert (une première, bien avant Hendrix), Chuck Berry puis, plus tard, Gene Vincent.
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Au delà du récit biographique et des quelques imprécisions factuelles mineures, l'un des intérêts de Great Balls of Fire est de nous rappeler que la musique n'a pas toujours été un produit marketing et les artistes des commerciaux avant d'être des musiciens. Ici, nous avons affaire à d'authentiques "caractères", libres d'expression même au détriment de leur carrière. Epoque formidable où les maisons de disques gravaient artisanalement les vinyles de leurs nouveaux poulains pour les tester sur les radios. L'autre attrait est le mélange d'enthousiasme jubilatoire, d'exubérance communicative et de rythme effréné.
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Qui mieux que Dennis Quaid pouvait incarner JLL ? Enfant du Texas, il n'a pas l'accent louisianais mais il y a une certaine ressemblance physique et l'acteur est aussi un musicien. Il est à l'aise dans un rôle difficile. Le risque était de caricaturer ; Quaid ne tombe pas dans le piège. Il est excessif comme l'était JLL, ni plus, ni moins. A dix-huit ans, Winona Ryder n'est pas crédible en enfant de treize ans mais l'actrice est attachante et s'en sort plutôt bien. Les quelques apparitions d'Alec Baldwin en cousin-prêcheur sont convaincantes, s'inscrivant bien dans le rythme et le "mood" du film. Mention spéciale au couple Brown (John Doe et Lisa Blount) et aux frères Phillips (Stephen Tobolowsky et Trey Wilson).