jeudi 30 octobre 2014

Zulu

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Auteur-réalisateur d'un scénario original puis de l'adaptation (en deux volets, déjà avec ) d'une bande dessinée,  est choisi par le producteur Richard Grandpierre pour porter à l'écran le seizième roman ("Grand prix de littérature policière" 2008) du Français . Polar autral et violent, Zulu nous entraine dans une odieuse affaire où se combinent meurtres, suicides et gangs avec, comme élément déclencheur, une molécule chimique stupéfiante élaborée à l'époque de l'Apartheid pour de bien sombres desseins. Si le romancier salue la "fidélité au livre et, surtout, à l'Afrique du sud", le film surprend par sa tonalité un peu curieuse, ses espèces de "70's touch" et divagations assumées. La dernière partie, lourde, sombre, fiévreuse est assez réussie. En flic décalé, paumé et alcoolique, (d)étonne également aux côtés, pour la première fois, de ** dans un personnage intérieurement au moins aussi ébranlé. Tous deux méconnaissables, si l'on se fie à leurs habituels physionomie et registre. Film de clôture du 66e Festival de Cannes, 10e "Prix Jacques-Deray" (du film policier français), Zulu contribue à infléchir notre opinion forgée à l'égard de  après le visionnage de ses trois premiers longs métrages.
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*dont le père (adoptif, statut découvert tardivement) était Harry Saul Bloom, écrivain et journaliste sud-africain exilé en Angleterre, collaborateur de Nelson Mandela dans les années 1950.
**remplaçant du Béninois Djimon Hounsou qui s'est retiré du projet.

mardi 28 octobre 2014

Edge of Tomorrow

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Impossible de tenir plus d'une demi-heure devant cette complète insanité ! Peut-on croire que la Warner ait acquis en 2010 le spec script* de Dante Harper pour un million de dollars ? Et investi 177M$ supplémentaires pour faire réécrire (par Christopher McQuarrieJez & John-Henry Butterworth) puis produire, sous la direction (sic !) de , cette absurdité cyclothymique au moins aussi pauvre et décérébrée qu'un mauvais jeu vidéo ? Le studio et les autres promoteurs de ce "sommet" filmique peuvent d'ailleurs louer la crédulité du public international d'avoir assuré sa rentabilité financière. Nous ne sommes, au demeurant, pas totalement à l'abri d'une possible sequel.

N.B. : authentiques cinéphiles, amateurs de procédé répétitif, (re)voyez plutôt Groundhog Day de Danny Rubin et Harold Ramis.
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*tiré du raito noberu (roman pour jeunes adultes) "All You Need Is Kill" publié en 2004 par le Japonais Hiroshi Sakurazaka.


Night Falls on Manhattan (dans l'ombre de manhattan)

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"Nail it!"

Des cinq films réalisés par  au cours des années 1990, Night Falls on Manhattan1 est probablement le seul à avoir quelque peu retenu l'attention. Adaptation2 de "Tainted Evidence"3, roman signé en 1993 par , ce drame noue étroitement deux des thématiques favorites du grand cinéaste : la corruption policière et l'instance judiciaire. Ex-policier devenu substitut du procureur, Sean Casey est choisi, en dépit de son inexpérience, pour représenter le ministère public dans le procès de Jordan Washington, un important trafiquant de drogue défendu par le renommé avocat Sam Vigoda. Lors d'une toute récente tentative d'arrestation, le dangereux criminel a grièvement blessé l'inspecteur des Stups Liam Casey, le père du substitut, abattu deux policiers en uniformes, provoqué indirectement le décès d'un troisième avant de réussir à s'enfuir. Les débats, conclus par un verdict de culpabilité, ont cependant soulevé le vraisemblable soudoiement de policiers en contrepartie de leur clandestine protection. Sean Casey, désigné candidat à la succession du procureur victime d'une brutale crise cardiaque, se trouve alors placé en potentielle situation de conflit d'intérêts.
Si l'énergie du style apparaît ici sensiblement moins marquée, le réalisme et la maîtrise de la direction d'acteurs caractérisent une nouvelle fois cette trente-neuvième réalisation de  pour le cinéma. La linéarité de la narration, qui croise incidemment deux destins ("bénis" ?!) distincts mais fortement liés, l'efficacité sans inutile artifice de la mise en scène et la qualité des interprètes participent aussi à la valeur, discrète (comme le score du trompettiste Mark Isham) mais réelle, de Night Falls on Manhattan. Les cinéphiles se réjouissent également de retrouver  dans un rôle plus consistant aux côtés de  ou encore  et 4 dont les personnages se révèlent, hélas, bien trop étriqués.
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1. co-produit par le duo Josh Kramer-Thom Mount (Death and the Maiden) et la Paramount.
2. la seconde par , après Prince of the City, d'une fiction écrite par l'ancien commissaire adjoint du NYPD également connu pour Year of the Dragon.

3. inspiré par l'affaire Larry Davis, revendeur de stupéfiants et meurtrier en novembre 1986 de six policiers de New York, dont l'accusation était instruite par le procureur de Manhattan Robert Morgenthau et la défense assurée par l'avocat William Kunstler.
4. réunis une seconde fois, six ans plus tard, dans le quelconque Ignition du Québécois .

lundi 27 octobre 2014

Good Morning, Vietnam

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"... Sometimes you got to specifically go out of your way to get into trouble. It's called fun."

L'humour et l'armée, en particulier en période de conflit, ont rarement fait bon ménage à l'écran. Parmi les notables exceptions au constat, MASH d' dont la relation "hospitalière" se déroule pendant la Guerre de Corée et ce  au contexte immédiatement explicite. Librement* inspiré de l'expérience vécue par le sergent Adrian Cronauer au cours de son affectation saïgonaise (1965/66), le premier scénario pour le cinéma de  fait assurément la part belle au talent unique de . Car si la sous-intrigue sentimentalo-terroriste et la réalisation très ordinaire de  ont plutôt tendance à pénaliser le film, l'énergie communicative et la drôlerie souvent facétieuse de l'acteur contribuent assez largement à sauver la mise** de cette production Touchstone tournée en Thaïlande. Face au jeune et encore méconnu  (le soldat Big Harold dans le récent Platoon d') porte en effet littéralement le film sur ses seules épaules et improvisations radiophoniques, obtenant grâce à cette remarquable prestation le deuxième des quatre "Golden Globes" de sa carrière ainsi qu'une première nomination aux Academy Awards constituait le véritable point de départ d'une trajectoire, tout à la fois comique et dramatique, certes inégale mais absolument singulière.
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*"fidèle à 45%" selon le soldat de l'U.S. Air Force natif de Pittsburgh dont le projet de biopic remontait à 1979.
**quatrième plus gros succès de l'année 1987 (près de 124M$ pour un budget de 13M$) et le deuxième du réalisateur (derrière Rain Man).




vendredi 24 octobre 2014

Fedora

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"No, until Fedora dies..."

En cette fin des années 1970 commençait à s'exprimer au cinéma une certaine nostalgie du vieil Hollywood. Pour ce qui deviendra son pénultième film,  décide de porter à l'écran, avec son complice (depuis Love in the Afternoon) I.A.L. Diamond, la première nouvelle du recueil "Crowned Heads" (1976) de l'ex-acteur  (The Cardinal). Récit en trois actes (sorte de coup du chapeau - fedora1 - dramatique !) d'une ancienne actrice vedette, retirée sur une île proche de Corfou, sollicitée par un vieux producteur pour tenir le rôle d'Anna Karénine dans une nouvelle adaptation du roman de Tolstoï. Les thèmes de l'éternelle jeunesse, du culte un peu morbide de l'apparence, de l'illusion/contrefaçon incarnée ne sont pas foncièrement très originaux. Mais  les aborde avec un regard à la fois cynique (plus que cruel) et attendri. Faiblement convaincue par le projet et refroidie par l'échec du film précédent (The Front Page)Universal déclare forfait, laissant le cinéaste trouver ses producteurs sur le Vieux continent où Fedora est tourné.
Narrée en flashback imbriqués, l'intrigue peine légèrement à se nouer. Cependant, dès le départ soudain des principaux occupants de la "Villa Calypso", elle prend heureusement un cours bien plus intéressant et prenant pour le spectateur. Le choix de  pour tenir le rôle du producteur-narrateur peut susciter une méprise. Fedora ne cherche en effet pas à prolonger le sombre Sunset Blvd, premier des quatre films dans lesquels l'acteur est dirigé par . Ce drame vaguement pathétique vient plutôt porter une simple, douce-amère réflexion2 sur la gloire passée, sur la représentation procuratoire (ou sublimée). Pour FedoraTom Tryon s'était inspiré des vies et carrières de Marlene DietrichGreta GarboPola NegriOlga Tschechowa et Elfi von Dassanowsky. Après avoir pensé à Faye Dunaway (et à Dietrich en comtesse Sobryanski) offre le rôle-titre à 3 (remarquée dans Bobby Deerfield de ) aux côtés de l'Allemande 4 et de  (Henry Fonda et  faisant de brèves et plaisantes apparitions). Présenté en première (hors compétition) au 31e Festival de CannesFedora n'a connu ensuite qu'une exploitation relativement confidentielle avant de retrouver, depuis sa reprise l'année dernière, une nouvelle jeunesse.
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1. nom d'un chapeau-feutre et titre d'une pièce de Victorien Sardou montée la première fois en 1882 avec Sarah Bernhardt.
2. moins acide par ex. que celle à laquelle se prête  dans Die Sehnsucht der Veronika Voss.
3. l'actrice helvète avait tourné également avec  et .
4. dirigée notamment, au cours des décennies précédentes, par LitvakCarol Reed et Aldrich.


mardi 21 octobre 2014

The Manchurian Candidate (un crime dans la tête)

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"... Most mortal of all are those gotten from the parent fish."

Sans doute le drame1 psycho-politique le plus stupéfiant de l'histoire du cinéma, The Manchurian Candidate mêle en effet étrangement classicisme et atypie. Le projet, porté par , connu d'ailleurs de sérieuses réticences/résistances de la part des studios, levées notamment grâce à l'intervention favorable du président J.F. Kennedy. Lequel avait dû, rappelons-le, gérer l'année précédente l'exécution de la "Bay of Pigs Invasion" programmée par son prédécesseur, paroxysme de la période de Guerre froide vécue depuis 1947. The 39 Steps ou Ministry of Fear avaient, vingt ans plus tôt, ouvert la voie aux fictions conspiratrices. L'adaptation par 2 du roman éponyme (publié en 1959) de 3 va elle creuser le sillon mais aussi véritablement marquer les esprits. Cette histoire centrée autour de Raymond Shaw, sergent étasunien capturé par l'ennemi avec plusieurs de ses compagnons d'arme en 1952 pendant la Guerre de Corée, déclaré héros de guerre au terme du conflit, en réalité mentalement manipulé à distance4 par des scientifiques russo-chinois n'a rien de banal. D'autant que le traitement narratif et visuel opéré par  semble d'emblée vouloir provoquer un certain ahurissement, voire une déroute chez le spectateur.
Touffue, l'intrigue laisse durablement planer de nombreuses interrogations ou suspicions. Quelle "implication" pourrait avoir le major Bennett Marco dans l'encore implicite dispositif comploteur ? Eugenie Rose Chaney, tombée immédiatement sous le charme de celui-ci dans un train, en serait-elle (avec ses répliques bien singulières !) l'un des instruments ? Que viennent donc faire, si tardivement dans le récit, le progressiste sénateur Thomas Jordan et sa gracieuse fille Jocelyn 'Jocie' ? Enfin et surtout, quelle influence motrice la haine de Shaw pour sa mère et son sénateur de beau-père possède-t-elle donc ? The Manchurian Candidate, comparé aux Seven Days in MayExecutive Action ou The Parallax View presque contemporains, est, en tout cas, assez unique en son genre. Co-têtes d'affiche officielles du film,  et  (tout juste "ressuscitée" de Psycho) laisse cependant la vedette aux Britanniques  (Room at the Top) et , épatante dans le rôle de l'autoritaire et vaguement incestueuse Eleanor Shaw Iselin. L'actrice, dirigée peu avant par  dans All Fall Down, obtiendra grâce à son interprétation le deuxième "Golden Globe" (ainsi qu'une troisième et dernière nomination aux Academy Awards) de sa carrière. A souligner également la jolie prestation de  et le score original de David Amram. Entré en 1994 au National Film RegistryThe Manchurian Candidate a fait l'objet, dix ans plus tard d'un remake5 réalisé par .
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1. plus que vrai thriller, un qualificatif que l'on peut néanmoins évoquer à propos de la toute dernière partie du métrage.
2. assez loin de ses bases, l'auteur de la pièce The Seven Year Itchadaptateur l'année précédente de Breakfast at Tiffany's co-produit le film avec .
3. ancien collaborateur d'United Artists (partenaire distributeur du film),  a également écrit, entre autres, Prizzi's Honor.
4. le brainwashing et la persuasion coercitive sont, dès 1950, devenus des concepts-clé de la Guerre froide.
5. co-produit par Tina Sinatra (la cadette des trois enfants du chanteur-acteur est la détentrice des droits), Scott Rudin et la Paramount sur un scénario de Daniel Pyne et Dean Georgaris avec ,  et  dans les rôles principaux.





dimanche 19 octobre 2014

The Lodger: A Story of the London Fog (les cheveux d'or)

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"But Daisy didn't worry."

Pour son troisième long métrage,  jette son dévolu sur un roman1 à succès dont il a vu une adaptation au théâtre. Produit par Michael Balcon et Carlyle Blackwell2, tourné dans les studios londoniens d'Islington, The Lodger: A Story of the London Fog propose donc un récit dramatico-sentimental largement influencé par la série d'assassinats attribuée en 1888 à 'Jack the Ripper'. L'objectif essentiel du scénario signé par  (et Hitchcock, non crédité) consiste à jouer sur la possible confusion entre l'épouvantable meurtrier nocturne (auto-baptisé 'The Avenger') de sept3 jeunes femmes blondes et le jeune et mystérieux nouveau locataire de la famille Bunting. Un quiproquo d'autant plus inquiétant et scabreux que la plaisante fille du vieux couple de propriétaire est non seulement blonde... mais aussi fiancée à un inspecteur de police.
Difficile de déceler vraiment dans ce film la fameuse "patte " sur laquelle s'est en grande partie fondée la phénoménale renommée du cinéaste anglo-étasunien. The Lodger... manque en particulier de profondeur, de subtilité pour tenter d'impressionner autant que le saisissant M (un peu postérieur et parlant) de . La réalisation fait, en revanche, déjà preuve (compte tenu de l'époque et des moyens) d'un certain goût pour l'invention et d'une réelle maitrise. Grande vedette depuis le début des années 1920 (il avait notamment tourné avec D.W. Griffith), , s'il ne peut exercer ses talents de chanteur, utilise à bon escient son muet pouvoir de séduction et sa mélancolique expressivité. La persistance du souvenir de l'acteur doit d'ailleurs beaucoup à ce rôle-titre. Hitchcock dirigera une seconde fois l'acteur gallois dans Downhill, sorti quelques mois plus tard. Le soutien apporté par ses partenaires (, née June Howard Tripp, dans son troisième et pénultième film, 4 et 5) ne souffre enfin pas de critique sérieuse.
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1. écrit par l'auteur franco-britannique  en 1913 à partir de sa nouvelle publiée dans un magazine (janvier 1911). "The Lodger" inspira la comédie dramatique "Who Is He?" montée en 1916 par le dramaturge Horace Annesley Vachell au Haymarket Theatre avec Howard Ainley dans le rôle principal. L'ouvrage est également à l'origine d'une version parlante, The Lodger (1932) de  (réalisation déclinée par Hitchcock) avec , de The Lodger (U.S. - 1944) de , de Man in the Attic (U.S. - 1953) d' avec  dans le rôle de Mr. Slade, de Der Mieter (téléfilm ouest-allemand de 1967) de  et enfin de The Lodger (U.S. - 2009) de  avec .
2. également acteur et réalisateur.
3. décompte au début du métrage.
4. que l'on aperçoit également chez Hitchcock dans Jamaica Inn.
5. déjà titulaire du rôle de l'ermite John 'Fear o' God' Fulton dans le drame romantique The Mountain Eagle.




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maison de la Celle-St-Cloud où résida