mardi 31 octobre 2006

Un Printemps à Paris


"Tu vois, c'est encore un de tes coups foireux !"

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Treize, cela porte chance ? Il s'est écoulé treize années entre Mauvais garçon, le précédent film de Jacques Bral, et ce Printemps à Paris venu, tel l'oiseau migrateur, annoncer la belle saison. Une longue migration pour le cinéaste d'origine iranienne et un retour avec un film de genre, celui qu'il préfère depuis toujours, le polar. Deux ingrédients essentiels sont nécessaires pour réussir la recette du polar, une intrigue et un casting solides. La qualité de réalisation venant, en quelque sorte, ajouter la cerise sur le gâteau ("the Icing on the Cake" selon l'expression anglaise). La guigne orne bien ce nouveau film, mais la pâtisserie manque, elle, un peu de saveur.
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Georges vient de passer cinq ans à la Santé à la suite d'un vol organisé par son complice Pierrot, resté libre pendant cette période. Celui-ci le rencontre une nuit alors qu'il est entrain de soustraire la recette de parcmètres aux caisses de l'Etat et lui propose une nouvelle opération. D'abord réticent, Georges se laisse convaincre par un argument présenté en liasse. Il s'agit de dérober, grâce aux indications d'un agent d'assurance, une parure de bijoux à un couple aisé. Pendant que l'ex-taulard surveille les abords de l'hôtel particulier, son cadet neutralise l'épouse d'un vieil homme grabataire puis le médecin de ce dernier avant de s'emparer, sans difficulté, de l'objet convoité. Georges se charge ensuite de placer les plus grosses pierres précieuses dissociées du collier auprès d'un bijoutier-receleur de la Place Vendôme susceptible d'en tirer un bon prix à l'étranger. Les choses se compliquent lorsqu'il revend les autres pierres à Alex, un second receleur servant également d'indic pour la police.
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Difficile de ne pas regarder ce film sans un a priori favorable lié au souvenir laissé, il y a plus de vingt-cinq ans, par Extérieur, nuit. Pourtant, force est de reconnaître que Printemps à Paris n'est pas très radieux. Le scénario, un peu poussif et ayant probablement conservé les stigmates de réécritures successives, contribue pour une bonne part à sa nébulosité. Jacques Bral multiplie les pistes et ruptures de narration, les situations improbables et hésite en permanence entre une tonalité légère, presque détachée, et violente, voire sanguine. Sagamore Stévenin succède, sans convaincre, à Bruno Wolkowitch dans le personnage de la petite frappe distinguée et du beau ténébreux aux yeux clairs que semble apprécier le réalisateur. Eddy Mitchell donne à peu près le change sauf lorsque Bral essaie fugitivement de lui donner des faux airs de Gabin sur une musique audiardienne. On retrouve, dans des seconds rôles, Jean-François Balmer et Pierre Santini avec lesquels le cinéaste a déjà tourné ainsi que Gérard Jugnot utilisé à contre-emploi. Une utilisation qui finit également par être celle de la bande originale jazz du saxophoniste Michel Gaucher (illustrant notamment une mignonne couvée de canards), ex-membre comme E. Mitchell du groupe rock "Les Chaussettes noires".

lundi 30 octobre 2006

Klimt


"Ne vous inquiétez pas, M. Klimt. La vraie n'est pas plus vraie que la fausse."

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Les films de fiction consacrés aux grands peintres ne sont pas légion. Pollock, Frida (Kahlo) et Girl With a Pearl Earring (sur Johannes Vermeer), les trois productions précédant Klimt, sans être médiocres, n'ont pas vraiment fait impression. Au rang des œuvres significatives figurent Rembrandt d'Alexander Korda, le saisissant Lust for Life de Vincente Minnelli ou Vincent & Theo de Robert Altman auxquels il faudrait ajouter le Camille Claudel de Bruno Nuytten et le remarquable La Belle Noiseuse de Jacques Rivette, tous deux à la périphérie de la catégorie puisque l'amante de Rodin était sculpteur et Edouard Frenhofer un personnage imaginaire. Imaginaire, le Klimt de Raoul Ruiz l'est aussi en grande partie. Comme l'on peut s'y attendre, l'aspect purement biographique et réaliste n'intéresse absolument pas le cinéaste d'origine chilienne. Il ne trouve dans ce personnage haut en couleur (aux deux sens de l'expression) que matière à alimenter sa propre fantasmagorie créative. Le résultat est intrigant, troublant et intéressant. Présentée dans sa version longue en première au Festival de Rotterdam, cette coproduction européenne a été diffusée en salles dans un métrage raccourci d'environ une demi-heure.
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Vienne, 1918. Le jeune peintre Egon Schiele se rend au chevet de son modèle et maître, Gustav Klimt, à l'article de la mort. Dix-huit ans plus tôt, en pleine crise opposant les tenants de l'art moderne ayant fait sécession et ceux de l'académisme, Klimt présente une série d'allégories, jugées scandaleuses par une partie de la critique, destinées à illustrer l'université de Vienne. L'artiste est cependant couronné de la médaille d'or de l'Exposition universelle de Paris. A l'occasion d'une réception donnée en son honneur dans la capitale française, il rencontre le réalisateur Georges Méliès et les deux acteurs d'un court métrage dans lequel il est mis en scène en compagnie de la demi-mondaine Lea de Castro. L'interprète de celle-ci demande au peintre s'il accepterait de faire son portrait ; séduit par la jeune femme, Klimt accepte. Il est bientôt convié à un rendez-vous nocturne et galant chez le duc Wolff Helenia, le fortuné protecteur de la belle et fausse/vraie (?) Lea.
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Sorti après la très belle exposition Vienne 1900 organisée au Grand Palais, Klimt est, à l'image de son sujet, une œuvre profondément symboliste. Par d'incessants changements de lumière, de décors, par de subtils mouvements de caméras et par des ruptures parfois brutales de narration, Raoul Ruiz (re)créé l'atmosphère, irréel ou surréel, qu'il pense être celui de la peinture de Klimt et de ce début de XXe siècle, à la fois révolutionnaire et désemparé. Il provoque également chez le spectateur une émotion et un malaise qui s'inscrivent idéalement dans son dessein artistique global. Dominé par la figure du double (et du reflet), le scénario explore aussi les thèmes de la postérité, du désordre morale et physique et la dialectique modernité-décadence. Il faut souligner l'importance du travail photographique de l'Argentin Ricardo Aronovich (Providence, Le Bal...) avec lequel Ruiz a déjà collaboré sur Le Temps retrouvé. Et la qualité d'interprétation de John Malkovich, d'une constance exemplaire, des actrices dans le peu d'espace (et costumes) qui leur est réservé et de Nikolai Kinski, le plus jeune fils de Klaus, dans le rôle d'Egon Schiele décédé la même année que Klimt.