samedi 21 avril 2012

Transes


"... Ce que les Français appellent des troubadours."

 - film - 65883_9Documentaire d'Ahmed El Maânouni consacré au groupe musical Nass-El Ghiwane*, formé au début des années 1970 par cinq artistes issus du quartier pauvre de Hay Mohammadi (Casablanca), et plus généralement à la tradition ancestrale de la musique populaire marocaine qui mêle chant, poésie (politique) et théâtre.





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*décrit par Martin Scorsese comme les Rolling Stones de l'Afrique.

Touki Bouki (le voyage de la hyène)


"Paris, Paris, Paris, c'est sur la Terre un coin de paradis."

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Anta vit dans un bidonville des faubourg de Dakar. Son amant Mory, qui circule sur une motocyclette surmontée d'un crâne de zébu, voudrait l'emmener en France. Mais pour pouvoir embarquer à bord d'un navire et faire bonne figure à leur arrivée, ils ont besoin d'argent. Leurs premières tentatives, escroquer un tireur de cartes ou voler la recette d'un spectacle de lutte, sont des échecs.
Premier long métrage du Sénégalais Djibril Diop Mambéty, Touki Bouki déroute par ses côtés expérimentaux et un peu infantiles. Difficiles également de saisir (si elles existent) toutes les intentions et représentations symboliques (en particulier les pénibles images d'abattage de bovins ou d'ovins) qui jalonnent cette narration non linéaire.

Redes (les révoltés d'alvarado)


"¿Usted le llama mala suerte? Yo le llamo miseria."

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La rareté du poisson dans ces eaux du littoral mexicain proche de Veracruz et le défaut d'engagement au village empêchent Miro de trouver les ressources indispensables à l'hospitalisation de son fils très malade. En désespoir de cause, il demande l'aide à son ancien employeur Don Anselmo Herrera qui le lui refuse, prétextant le difficile contexte économique. Miro et les hommes du village enterrent bientôt le jeune défunt. Peu après, les prises de pêche redeviennent massives. Averti par Mingo, Don Anselmo attablé avec Juan Garcia Sanchez, un candidat aux élections locales, le charge de partir à bord de l'"Isla" aussitôt après avoir recruté les hommes nécessaires parmi lesquels Miro, son ami El Zurdo et Miguel. Mais les soixante-douze centavos versés à chacun d'entre eux au terme de dix heures de travail leur paraissent bien insuffisants.
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Ancien étudiant de la faculté de philosophies et de lettres de Mexico, Emilio Gómez Muriel part à dix-huit ans résider aux Etats-Unis. Témoin à Hollywood de la transition du muet au parlant, il décide de devenir cinéaste. Après avoir produit El Tigre de Yautepec de son compatriote Fernando de Fuentes, il tourne Redes (litt. "filets"), son premier film avec le concours du photographe Paul Strand et du quasi débutant Fred Zinnemann (assistant-réalisateur de Menschen am Sonntag). La forte teneur documentaire de ce drame social joué par des acteurs non professionnels (à l'exception de David Valle González souvent aperçu chez Emilio Fernández), ses qualités visuelles contribuent également à l'importance patrimoniale de cette œuvre initiale*
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*d'une filmographie qui compte près de quatre-vingt réalisations et de cinquante scénarii.

vendredi 20 avril 2012

Le Havre


"Marcel Marx, tu l'aimes bien ?"

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L'un des meilleurs films français(1) de l'année 2011 a été réalisé... par un Finlandais, fructueuse conséquence des volontaires migrations cinématographiques. Après avoir parcouru le littoral européen de Gênes à La Haye, Aki Kaurismäki (absent des écrans depuis Laitakaupungin valot il y a cinq ans) a en effet choisi Le Havre pour être le décor de sa nouvelle comédie dramatique. Un film à la fois surprenant et attachant, tour à tour drôle et émouvant qui porte un regard décalé, "irréaliste" sur une problématique bien actuelle en apparence humainement insoluble. En compétition pour la 64e "Palme d'or"(2), Le Havre a obtenu le "Prix Louis-Delluc" en décembre dernier.
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Cireur de chaussures au Havre, Marcel Marx ramène le soir à son épouse Arletty sa recette et une baguette empruntée à Yvette, son amie boulangère. Autorisé à aller prendre l'apéritif à "La Moderne" tenu par Claire, Marcel ne se doute pas qu'en son absence, sa conjointe est soudainement prise d'une violente douleur au ventre. Pendant la nuit, le gardien des docks entend des pleurs de nourrisson à l'intérieur d'un container expédié de Libreville en transit pour Londres. Les policiers et le commissaire Monet trouvent à l'intérieur une trentaine de ressortissants gabonais. Incité par son grand-père à s'enfuir, un jeune garçon parvient à s'échapper. Pendant son déjeuner, Marcel le repère dans un bassin du port, activement recherché par les forces de l'ordre. Avant de rentrer chez lui, il lui laisse de la nourriture à l'endroit où ils se sont brièvement parlés. A nouveau victime d'un malaise, Arletty doit être hospitalisée. Marcel découvre au matin le fugitif endormi dans le petit hangar attenant à la maison. Idrissa souhaite se rendre à Londres ; Marcel l'invite à se cacher chez lui. A la demande d'Arletty, le diagnostic très pessimiste du docteur Becker n'est pas révélé à son mari. Malgré les recommandations de Marcel, Idrissa l'attend devant le bar de Claire. Ils sont aperçus et dénoncés à la police par un voisin d'en face.
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"- Il y a souvent miracle - Pas dans mon quartier !" Fable originale, intelligente, sensible, délicieusement désuète, Le Havre s'affranchit avec bonheur des conventions en vigueur au cinéma. Sorte de suite informelle, presque intemporelle(3), de La Vie de bohême(4), on y goute, sans artifice, le charme des années 1960, celui si caract-esthétique des œuvres de Jacques Tati et de Marcel Carné. Sur une thématique assez proche, Aki Kaurismäki navigue pourtant dans des eaux très dissemblables (mais également qualitatives) de celles du Welcome de Philippe Lioret. Encadré par Kati Outinen et Elina Salo(5), fidèles au cinéaste, le nouvel entrant dans cet univers Jean-Pierre Darroussin offre une savoureuse composition de flic qui fait du sentiment. Le jeune débutant Blondin Miguel convainc avec simplicité. Pour le Strasbourgeois André Wilms, il s'agit, ni plus ni moins, d'une véritable redécouverte !
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1. mais représentant de la Finlande pour les 84e Academy Awards.
2. récompensé par le "Prix Fipresci", succédant à son palmarès au Tournée de Mathieu Amalric. Le film a également été nommé quatre fois aux European Film Awards, à trois reprises lors de la dernière édition des "César".
3. seul le reportage sur le démantèlement de la "Jungle" calaisienne est susceptible de dater (septembre 2009) le film.
4. précédente production en français de Kaurismäki suggérée plus qu'évoquée par André Wilms qui y tenait un second rôle déjà nommé Marcel.
5. auxquelles s'ajoutent les présences nostalgiques de Pierre Etaix et du rocker local Roberto Piazza alias Little Bob.

Era notte a Roma (les évadés de la nuit)


"The italians are like banners in the wind..."

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Quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et son Roma, città aperta, Roberto Rossellini explore à nouveau cette singulière période de neuf mois qui précède la libération de Rome par les troupes alliées. Si dans le film récompensé par la "Palme d'or" 1946 le cinéaste s'intéressait à la résistance (ouvrière, communiste et catholique), Era notte a Roma, également co-signé par Sergio Amidei, place au cœur du scénario trois officiers évadés appartenant aux principaux pays (jusque-là) antagonistes. Moins inspiré et subtil que celui-là ou Il Generale della Rovere sorti l'année précédente, ce drame associe la Romaine Giovanna Ralli (dans le troisième de ses quatre films sous la direction de Rossellini) et le Toscan Renato Salvatori (également à l'affiche de Rocco e i suoi fratelli) aux Britannique Leo Genn (The Snake Pit, Quo Vadis), Ukrainien Sergueï Bondartchouk (Sudba cheloveka) et Etasunien Peter Baldwin (Stalag 17).
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Depuis la capitulation sans condition de l'armée italienne, le 8 septembre 1943 et la révélation de l'armistice signée cinq jours plus tôt avec les forces alliées débarquées en Sicile, de nombreux prisonniers de guerre évadés des camps errent, cherchant une cache jusqu'à l'arrivée des troupes amies. Un refuge accordé par certains autochtones malgré la menace de l'occupant nazi d'exécuter ceux qui leurs viendraient en aide. Vêtues en nonnes, trois femmes arrivent en camionnette dans un village pour approvisionner leur marché noir. Elles obtiennent gracieusement les produits du paysan à condition de le débarrasser de trois militaires, un Anglais, un Etasunien blessé au genou et un Russe, dissimulés depuis un mois dans une cave. Un barrage allemand leur impose de prendre un prêtre à bord, contrariant le projet de laisser les prisonniers sur la route. Arrivés en ville à la nuit tombée, Esperia Beli, abandonnée par ses complices, offre hospitalité, soins et nourriture aux trois militaires puis les invite à s'installer dans le grenier. Au matin, ceux-ci constatent qu'ils se trouvent à Rome. Inquiète des éventuelles conséquences de l'asile accordé, Esperia réclame l'aide de son fiancé Renato Balducci. En chemin, ils croisent brièvement Tarcisio, un ami d'enfance de celui-là. Sollicité, le docteur Costanzi, un peu anglophone, est bientôt présenté au major Michael Pemberton, au sergent Fyodor Nazukov et au lieutenant Peter Bradley.
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La dénonciation constituait le thème central du néoréaliste Roma, città aperta, la rédemption celui du plus classique Il Generale della Rovere. Dans Era notte a Roma, Roberto Rossellini souligne tout à la fois la versatilité du peuple italien et sa propension à la charité (chrétienne). La lenteur avec laquelle il développe son récit, la relative faiblesse de l'intensité dramatique, l'angélique fraternité mise en avant nuisent un peu à l'intérêt porté à l'ultime fiction du cinéaste sur cette époque. Y compris lorsque sont abordées les paradoxales interactions entre résistance, communisme, église et aristocratie. Le contexte de la conquête (la première) d'une des capitales de l'Axe, le concept de dissimulation (réversible : fausses religieuses et vrai défroqué), les positions contradictoires tenues pas les fascistes et les nazis apparaissent enfin insuffisamment exploités.