mercredi 29 juin 2011

Patterns


"Nothing. Not a thing. Except a murder. And there're witnesses too, plenty of it. And no one lefts the finger to stop."

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La manière dont le cinéma français se figure le monde des affaires me (sou)tire régulièrement des larmes de rire ou de colère. A l'extrême opposé des représentations ineptes et/ou puériles en question, Patterns demeure, plus d'un demi-siècle après sa production, un très percutant ou toujours incroyablement actuel "modèle" du genre. Doit-on feindre la surprise puisque Rod Serling en est l'auteur ? L'ancien boxeur amateur devenu l'imaginatif homme de radio et de télévision (au nom trop étroitement lié à la série The Twilight Zone) doit d'ailleurs à la pièce télévisée en direct(1) à l'origine de cette version cinéma, également réalisée par Fielder Cook(2), l'un des bouleversements majeurs de sa carrière(3) et le premier de ses six "Emmy Awards".
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L'arrivée d'un nouveau membre au sein de la direction de l'entreprise Ramsey & Cie suscite les commentaires des secrétaires du 40e étage de l'immeuble de Manhattan où se trouve son siège. Fred Staples y est accueilli par Miss Margaret Lanier, l'assistante du président Walter Ramsey, qui lui fait brièvement visiter le hall de direction et l'introduit dans le bureau spécialement aménagé à son intention. Bill Briggs, vice-président et directeur adjoint, avec lequel il doit collaborer se présente spontanément. L'ingénieur, ancien directeur d'une usine de Mansfield (Ohio) rachetée par le groupe, et le vieux cadre de retour d'un congé-maladie sympathisent rapidement bien que le premier doive s'occuper d'une partie des prérogatives du second. Avant de se rendre à la réunion convoquée par Ramsey, Briggs dissuade sa secrétaire Marge Fleming qui lui est très attachée de démissionner parce que désignée pour assister Staples. Au cours du comité, entamé avec les éloges et espoirs formulés par Ramsey à l'égard de Staples, le projet de rachat d'une l'usine à Williamson donne une nouvelle occasion pour celui-là de rejeter violemment les arguments humanistes avancés par Briggs. De l'extérieur de la salle, ce dernier entend Ramsey demander à Staples de participer à l'important rapport stratégique sur lequel il œuvre déjà.
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Patterns fait partie de ces rares fictions dont la pertinence, l'impact narratif ne peuvent être traduits par des mots (a fortiori par ces habituelles formules, vides de sens, utilisées pour les vanter). Il faut néanmoins souligner la finesse, la densité, la profondeur avec laquelle les situations et bien sûr les personnages sont élaborés par le scénario de Rod Serling jusqu'à son original dénouement. Sensible dès l'introduction, l'implacable développement dramatique se trouve également remarquablement maîtrisé par l'adroite et souvent bien inspirée réalisation de Fielder Cook et certains choix de production comme cet immeuble de Wall Street dominant Trinity Church, intéressante métaphore illustrant le rapport entre aptitude et conscience. Patterns dispose aussi et enfin d'une main solide, un full de rois par les dames composé d'un étonnant Van Heflin (entre deux western) au jeu brillamment nuancé, les excellents comédiens Ed Begley et le wellesien Everett Sloane ainsi que Beatrice Straight (Network) et Elizabeth Wilson qui faisait également partie du casting du téléfilm original et a participé à plusieurs notables productions (dont deux Hitchcock).
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1. de la prestigieuse série Kraft Television Theatre diffusée depuis 1947 par NBC ; Richard Kiley y tenait le rôle principal avec déjà Ed Begley (Andy Sloane) et Everett Sloane pour partenaires. Son succès poussa la chaîne à le reprogrammer trois semaine plus tard.
2. dont la deuxième réalisation pour le grand écran, A Big Hand for the Little Lady avec Henry Fonda, Joanne Woodward et Jason Robards, ne sortira que dix ans plus tard.
3. l'histoire raconte que le soir de la diffusion du téléfilm tiré de son soixante-douzième script, Serling sortit avec son épouse. A la baby-sitter, il assura qu'elle ne serait pas dérangée par le téléphone puisque le couple venait d'emménager en ville. En fait, il n'arrêta pas de sonner... et il n'a ensuite, selon Carol Serling, pas cessé de le faire pendant des années !

Unknown (sans identité)


Une assez bonne surprise, ce thriller adapté du roman "Hors de moi" (2003) de Didier Van Cauwelaert ! Liam Neeson y retrouve, dans un récit très différent et plein de contre-pieds, un personnage proche de celui qu'il tenait dans TakenDiane Kruger l'assiste, pour la première fois, sans glamour mais avec efficacité et l'on a la joie de retrouver l'excellent comédien Bruno Ganz... qui avait refusé le rôle d'Oskar Schindler.

mardi 28 juin 2011

Kim Bok-nam salinsageonui jeonmal (bedevilled)


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"Cela rend malade de se retenir". Le titre vidéo et la jaquette donnent une fausse impression du film. Le premier long métrage de Jang Chul-soo relève d'avantage du drame de l'indifférence et de la victimisation en "île close" que de la classique production horrifico-sanglante.
Kim Bok-nam salinsageonui jeonmal surprend par ses ruptures, par son rythme et ses contrastes ; aussi par sa brutalité qui n'a pourtant rien d'artificiel. Un clin d'œil semble être fait au Onibaba du Japonais Kaneto Shindô. J'apprécie moins la toute dernière partie mais elle ne compromet pas les différentes qualités du film parmi lesquels l'indéniable talent de Seo Yeong-hie.

lundi 27 juin 2011

Summertime (vacances à venise)


"A wonderful, mystical, magical miracle!"

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Il n'existe pas réellement de films mineurs chez David Lean, seulement des réalisations moins prééminentes que d'autres. Ainsi, Summertime figure-t-il dans le deuxième tiers, à la fois chronologique et qualitatif, de la carrière du cinéaste (pour lequel il était toutefois le préféré). Adapté de la pièce d'Arthur Laurents (notamment co-scénariste de Rope, auteur de Home of the Brave, West Side Story et The Way We Were décédé il y quelques semaines) créée à Broadway(1) en octobre 1952, ce pittoresque mélodrame, aux furtifs accents "gondolant", a en effet moins contribué au prestige du genre qu'à la publicitaire touristique de la pourtant réputée quoique lagunaire "Cité des doges"(2). L'unique film produit par le distributeur Ilya Lopert(3) valut à Lean et à son actrice principale Katharine Hepburn leur respective cinquième et sixième nominations aux Academy Awards(4).
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Dans le train sur le point d'entrer en gare de Venise, Jane Hudson s'extasie devant le paysage qu'elle découvre et filme avec gourmandise. Modeste secrétaire résidente d'Akron (Ohio), Jane a consacré une bonne part de ses économies pour s'offrir ce premier voyage en Europe sur lequel elle fonde des espoirs presque surnaturels. Célibataire un peu guindée et sans doute quadragénaire, c'est l'amour qu'elle souhaite enfin rencontrer dans cette si romantique ville italienne. Dans le bus flottant qui la conduit vers la pension Fiorini, elle s'entretient avec Mr. & Mrs. Lloyd McIlhenny, un vieux couple de compatriotes en pérégrination européenne descendu dans le même hôtel. Puis elle fait la connaissance de la propriétaire de la pension ainsi que des Yaeger, un jeune couple bourgeois-bohème. Le lendemain, après avoir décliné l'invitation de se joindre au déjeuner de la Signora Fiorini avec un ami, Jane part en promenade, tombant en extase en découvrant la place St-Marc. A la terrasse d'un café où elle s'est attablée, elle remarque qu'un séduisant Italien semble lui porter une attention soutenue.
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Presque genre en soi, la romance en villégiature constitue cependant un thème cinématographique à l'intérêt très variable. Entre l'allègre et aristocratique Roman Holiday de Wyler et le bien plus tragique An Affair to Remember McCarey, Summertime a quelques difficultés à trouver sa place. Ou plutôt, puisque son centre de "gravité" n'est autre que la célèbre Piazza San Marco, sa signifiante singularité. Les superbes, parfois foncièrement folkloriques(5), décors ne submergent-ils pas le récit de cette idylle tardive et confuse ? Le revirement psychologique de Jane 'Coucou'(6) Hudson n'est-il pas trop précipité ? Pour son retour à l'écran, trois ans après Pat and Mike, Katharine Hepburn assume, comme elle l'avait déjà fait dans The African Queen, sa maturité aux côtés du Bolonais Rossano Brazzi, titulaire de rôles de soutien notamment dans Little Women et The Barefoot Contessa, futur partenaire de June Allyson dans Interlude de Sirk, et de la renommée comédienne milanaise Isa Miranda, interprète ici d'un personnage assez secondaire.
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1. "The Time of the Cuckoo", mise en scène par Harold Clurman à l'Empire Theatre avec Shirley Booth (Leona Samish) et Dino Diluca (Renato Di Rossi) dans les rôles principaux.
2. en compétition avec Vérone et Paris pour le titre officieux de "ville de l'amour ou des amoureux". 3. le père de l'actrice de second rôle Tanya Lopert que l'on aperçoit dans le film.
4. Hepburn et le film ont également été cités lors des 9e BAFTA.
5. le script n'évite pas certains clichés relatifs à l'Italien (cavaleur, menteur dès le plus jeune âge, palabreur, puéril, immoral, douteux voire malsain).
6. référence au titre original, populaire volatile mieux connu pour son chant ou son parasitisme saisonnier que pour sa discrétion et son caractère farouche.