jeudi 29 juin 2006

Wu yue zhi lian (love of may)


"Nous ne serons réunis qu'en rêve, à présent."

Après trois films très dissemblables, dont Shaolin ye, an la!, un étonnant polar mettant en scène des adolescents présenté en section parallèle à Cannes et un documentaire sur les travailleurs étrangers à Taïwan, l'éclectique et méconnu Hsu Hsiao-ming livrait, il y a deux ans déjà, ce Wu yue zhi lian qui n'est pas (seulement) une comédie romantique asiatique de plus destinée au jeune public. L'ancien assistant de Hou Hsiao-hsien(Beiqing chengshi, Hsimeng jensheng) sur Tong nien wang shi jette, avec ce film à la narration non linéaire et joliment mis en scène, un intéressant pont, nostalgique et sentimental, entre les deux Chine.
Alei, le jeune frère de Shi-tou (Roc ou Stone ?), l'un des guitaristes de Mayday, est chargé, avec deux autres personnes, d'administrer le site web du groupe rock taïwanais et de répondre aux messages des fans. Un soir de concert, une jeune femme nommée Xuan le déroute en l'interrogeant sur les "flocons de mai". Lorsque celle-ci lui demande, avant d'interrompre la discussion, son identité, Alei prétend être Ashin, le chanteur du groupe. Dès lors, Xuan, qui réside à Harbin* (Heilongjiang), une ville située dans la province la plus orientale de la Chine continentale et suit les cours de l'école de spectacle locale, entretient une correspondance électronique avec Alei. Elle lui propose bientôt de le rencontrer à l'occasion d'une série de spectacles que sa troupe doit donner en mai à Taipei. Mais Xuan n'est pas venue à Taïwan uniquement pour rencontrer Ashin/Alei.
Ce quatrième et dernier volet de la collection "Contes de la Chine moderne"** séduit parce qu'il surprend. D'abord par cette habile composition faite de modernisme et de tradition, de poésie et de technologie qui caractérise sa première partie, soulignant la diversité contrastée de la culture chinoise contemporaine. Ensuite par les énigmes qu'il pose au spectateur, le scénario ne livrant pas immédiatement les clefs pour une compréhension profonde de ses intrigues comme ont tendance à le faire les films formatés actuels. Hsu Hsiao-ming brouille d'autant plus les pistes qu'il use (abuse ?!) d'un montage dont on ne sait, d'emblée, s'il est parallèle ou alterné. Le soin apporté à la réalisation constitue aussi un des atouts de Wu yue zhi lian, alliant une esthétique sans ostentation avec une réelle sensibilité narrative. Aux côtés de la jeune et belle découverte Yifei Liu, que l'on a hâte de voir dans une autre production, Chen Bo-lin y renforce son statut de "jeune vedette montante" du cinéma asiatique, confirmé depuis par sa participation au film à segments About Love.
___
*ville qui servait de décor historique au pitch de 2009: Lost Memories, le thriller de science-fiction du Coréen Lee Si-myung.
**après Ai ni ai wo de Lin Cheng-sheng, Shiqi sui de dan che de Wang Xiaoshuai et Lanse da men de Yee Chih-yen.

lundi 26 juin 2006

Die Zweite Heimat , Chronik einer Jugend (heimat 2, chronique d'une jeunesse)


"Ecoute, oublions nos pères."

Après un premier volet (1919-1982) dans lequel l'histoire de la famille Simon rencontrait à plusieurs reprises l'histoire de son pays, Edgar Reitz, avec Die Zweite Heimat, Chronik einer Jugend, poursuit sa trilogie en effectuant un léger retour en arrière, donnant un prolongement aux deux antépénultièmes épisodes ("Hermännchen" et "Die stolzen jahre") consacrés au personnage d'Hermann Wohlleben Simon. L'occasion de quitter l'environnement rural et familial de Schabbach pour Munich ainsi qu'infléchir légèrement un traitement fortement réaliste. En revanche, la psychologie des personnages est toujours aussi fouillée. La stylisation, par le passage régulier de la couleur au noir et blanc, apparaît cependant moins intuitive et semble davantage correspondre aux tonalités affectives et sensitives des protagonistes.
Tentative de rupture avec le passé et d'une renaissance doublée d'une histoire d'amour, Heimat 2, inspirée de la jeunesse même du réalisateur, constitue, en quelque sorte, la facette individuelle du social Heimat 1. Mais la logique thématique est parfaitement respectée puisque cette deuxième partie développe bien encore ce sentiment complexe, contradictoire que les Allemands appellent "heimat" (tout à la fois pays natal, départ, nostalgie, désir de rester et période de la vie). Le scénario prend pour protagonistes de jeunes artistes (musiciens et cinéastes) contemporains de la "Nouvelle vague" française et pour contexte initial le lourd héritage du nazisme et la construction du mur de Berlin.
L'art singulier d'Edgar Reitz est de s'affranchir des conventions et de savoir narrer autant (plus ?) par l'image que par les dialogues (il possède notamment un talent unique pour capter les interprétations musicales). Sa peinture de l'Allemagne des années 1960 et 1970, à travers sa jeunesse, est d'une belle pertinence, peut-être supérieure à celle, certes plus fictionnelle, de son cadet Rainer Werner Fassbinder. Il faut enfin souligner la jolie prestation d'acteurs pour la plupart débutants au cinéma. 

samedi 24 juin 2006

Strings (le fil de la vie)


"Je commence là où il finit."

Depuis les œuvres du Tchèque Jirí Trnka et du Japonais Kihachiro Kawamoto, le cinéma utilisant des marionnettes pour personnages (la 3D avant l'heure en quelques sorte !) n'a pas fait florès. Cette forme d'animation, née en Asie, n'a, en effet, donné naissance qu'à très peu de longs métrages, à commencer par la série Thunderbirds du couple Anderson (et sa version moderne Team America: World Police) mais aussi et surtout The Dark Crystal, sans oublier Meet the Feebles de Peter Jackson. Strings du Danois Anders Rønnow Klarlund apporte, de belle manière, sa pierre à l'édifice.
Avant de se suicider, le Kharo (roi) d'Hebalon rédige une lettre à son fils, Hal Tara, dans laquelle il lui lègue son trône. Il lui recommande également de réussir là où il a échoué, rétablir la paix avec les Zeriths, les ennemis ancestraux des Hébaloniens. Le souverain met aussi son héritier en garde contre son oncle félon Nezo, contre le perfide homme de main de ce dernier, l'infirme Ghrak, et le conjure enfin et surtout de protéger sa sœur Jhinna. Mais Nezo est le premier à découvrir l'acte désespéré de son frère. Convoitant le pouvoir, il s'arrange pour faire passer ce suicide pour un assassinat impliquant Sahro, le chef des Zeriths, détruit la lettre-testament et informe Hal Tara de son deuil. Celui-ci décide de poursuivre le meurtrier présumé avec l'aide du général Erito.
Le choix de la marionnette à fil pour mettre en scène cette histoire vaguement shakespearienne apporte d'emblée au film à la fois un vecteur narratif et une dimension magique, voire transcendante. Les fils, qui donnent son titre à Strings, participent en effet grandement à l'intrigue qui s'y noue. Ensuite, insuffler le mouvement, c'est à dire la vie, par le haut, avec sa cinématique si particulière et sa complexité technique, ne peut en aucun cas être comparé à la classique animation "par le bas" du guignol. L'argument majeur du film, dont le scénario n'est pas d'une très grande originalité, constitue aussi sa limite. Cette légende réussit à la fois à émerveiller l'enfant qui sommeille en nous et à faire vibrer la corde sensible chez le spectateur plus mature. Mais la représentation des scènes d'action et la tonalité résolument dramatique affaiblissent un peu le charme indéniable du film.