"- Après tout, Joss n'est qu'un seul homme.
- Oui, mais c'est mon homme."
Le dernier film de sa première période britannique n'aura pas laissé à Alfred Hitchcock un souvenir impérissable. Qu'importe. Lorsqu'il commence le tournage de Jamaica Inn,
le réalisateur sait, depuis quelques semaines, qu'il va poursuivre sa
carrière de l'autre côté de l'Atlantique. Après les propositions
fuyantes de la Metro-Goldwyn-Mayer puis, apparemment plus sérieuses, de la 20th Century Fox, c'est finalement David O. Selznick qui l'a convaincu de le rejoindre à Hollywood. Cette première adaptation au cinéma du roman de Daphne Du Maurier est le troisième film financé par la structure créée par Erich Pommer, producteur du Faust de Murnau et de Metropolis notamment, avec lequel Hitchcock a déjà travaillé comme scénariste et directeur artistique sur Die Prinzessin und der Geiger en 1924. Charles Laughton,
partenaire artistique et financier des deux premières productions, ne
fait pas mentir le diction et participe à ce nouveau projet.
1819,
côtes des Cornouailles. Un groupe de bandits s'est spécialisé dans le
pillage de navires échoués sur les dangereux récifs qui bordent le
littoral. Pour maximiser leur chance de réussite et d'impunité, ces
pirates terrestres masquent le phare sensé avertir les bateaux de
l'imminence du danger et ne laissent aucun rescapé derrière eux. C'est
après un de ces dramatiques forfaits qu'arrive dans la région, en pleine
nuit par la diligence, Mary Yellen. Cette jeune Irlandaise vient retrouver, après le décès de sa mère, la sœur de celle-ci, Patience Merlyn qui tient une auberge avec son mari. Mais le cocher, effrayé par la réputation du lieu, refuse de s'arrêter à proximité de "Jamaica Inn" et la dépose à bonne distance. Mary demande alors de l'aide au propriétaire de la demeure voisine.
Il s'agit du juge Sir Humphrey Pengallan qui, séduit par sa beauté, l'accompagne en personne à destination. Là, la jeune femme est accueillie par son oncle Joss, personnage patibulaire et brutal, qui lui refuse d'emblée son hospitalité, et par son épouse qui finit par obtenir qu'elle reste. Dans la pièce principale, les complices de Joss se plaignent des maigres recettes dégagées par leurs précédentes opérations. Ils prennent à parti Jem Trehearne, leur recrue la plus récente qu'ils accusent d'être à l'origine de l'évasion d'une partie du butin. Une rixe s'ensuit et le gaillard, assommé, est lynché par trois de ses compagnons. Mary qui, de sa chambre, a assisté à la scène, coupe la corde et s'enfuit avec celui qu'elle vient de sauver.
Jamaica Inn possède d'évidence toutes les caractéristiques d'un véhicule promotionnel pour Charles Laughton. L'acteur oscarisé pour son rôle titre dans The Private Life of Henry VIII obtient d'ailleurs la réécriture du scénario et l'ajout de dialogues destinés à mettre sa verve en valeur. Le personnage de pasteur qu'il doit interpréter est également transformé en noble afin d'éviter toute censure dans l'hypothèse d'une distribution aux Etats-Unis. Dépossédé d'une partie de son autorité par la présence de cet encombrant acteur*, Hitchcock se désintéresse rapidement de ce deuxième film en costumes. Il n'exploite pas les éléments du roman susceptibles de lui permettre d'y imprimer sa marque, comme il le fera, dès son arrivée à Hollywood, avec un autre ouvrage de Du Maurier, Rebecca, qui lui vaudra ses premières nominations aux Academy Awards. Jamaica Inn, contrairement au Moonfleet de Fritz Lang auquel il fait spontanément penser, ne parvient jamais à installer cette atmosphère sombre et inquiétante et l'interprétation emphatique de Charles Laughton n'est pas tout à fait étrangère à cet échec. Celles de la jeune Maureen O'Hara, dans son premier rôle important, de Leslie Banks et de Robert Newton** sont plus convaincantes. Grâce à la réputation du réalisateur et à la popularité du roman, le film connut néanmoins à son époque un joli succès.
___
*que le réalisateur retrouvera pourtant en 1947, encore dans un personnage de juge, pour The Paradine Case.
**peu connu en 1939, l'acteur connut par la suite une carrière honorable, notamment à la fin des années 1940 sous la direction de Carol Reed, David Lean et Edward Dmytryk.
Il s'agit du juge Sir Humphrey Pengallan qui, séduit par sa beauté, l'accompagne en personne à destination. Là, la jeune femme est accueillie par son oncle Joss, personnage patibulaire et brutal, qui lui refuse d'emblée son hospitalité, et par son épouse qui finit par obtenir qu'elle reste. Dans la pièce principale, les complices de Joss se plaignent des maigres recettes dégagées par leurs précédentes opérations. Ils prennent à parti Jem Trehearne, leur recrue la plus récente qu'ils accusent d'être à l'origine de l'évasion d'une partie du butin. Une rixe s'ensuit et le gaillard, assommé, est lynché par trois de ses compagnons. Mary qui, de sa chambre, a assisté à la scène, coupe la corde et s'enfuit avec celui qu'elle vient de sauver.
Jamaica Inn possède d'évidence toutes les caractéristiques d'un véhicule promotionnel pour Charles Laughton. L'acteur oscarisé pour son rôle titre dans The Private Life of Henry VIII obtient d'ailleurs la réécriture du scénario et l'ajout de dialogues destinés à mettre sa verve en valeur. Le personnage de pasteur qu'il doit interpréter est également transformé en noble afin d'éviter toute censure dans l'hypothèse d'une distribution aux Etats-Unis. Dépossédé d'une partie de son autorité par la présence de cet encombrant acteur*, Hitchcock se désintéresse rapidement de ce deuxième film en costumes. Il n'exploite pas les éléments du roman susceptibles de lui permettre d'y imprimer sa marque, comme il le fera, dès son arrivée à Hollywood, avec un autre ouvrage de Du Maurier, Rebecca, qui lui vaudra ses premières nominations aux Academy Awards. Jamaica Inn, contrairement au Moonfleet de Fritz Lang auquel il fait spontanément penser, ne parvient jamais à installer cette atmosphère sombre et inquiétante et l'interprétation emphatique de Charles Laughton n'est pas tout à fait étrangère à cet échec. Celles de la jeune Maureen O'Hara, dans son premier rôle important, de Leslie Banks et de Robert Newton** sont plus convaincantes. Grâce à la réputation du réalisateur et à la popularité du roman, le film connut néanmoins à son époque un joli succès.
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*que le réalisateur retrouvera pourtant en 1947, encore dans un personnage de juge, pour The Paradine Case.
**peu connu en 1939, l'acteur connut par la suite une carrière honorable, notamment à la fin des années 1940 sous la direction de Carol Reed, David Lean et Edward Dmytryk.
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