"... Sans solde, ni gloire."
Le chef-d'œuvre d'Akira Kurosawa,
l'un des monuments incontournables de l'histoire du cinéma ou le
meilleur film du XXe siècle, chacun peut faire son choix, j'ai, pour ma
part, fait le mien. Année faste que cette année 1954 qui voyait les
sorties aux Etats-Unis de Rear Window, Johnny Guitar et de On the Waterfront, en Italie de La Strada et de Senso, en Grande-Bretagne et en France... pas grand chose ! Au Japon, l'excellent jidai geki Sanshô dayû de Mizoguchi précédait de peu le Shichinin no samurai de 'l'Empereur'. Parmi les films cités, quatre reçurent d'ailleurs, la même année, un "Lion d'argent" à Venise.
Le quinzième opus de Kurosawa faillit ne jamais être achevé, les responsables de la Toho, sceptiques sur son succès et inquiets par la durée du tournage et par son coût (plus de 300M de yens)
d'un niveau jamais atteint par une production nippone, interrompirent à
plusieurs reprises le tournage. Une fois les deux cent six minutes de
pellicule en boîte, le sort continua de s'acharner sur le film sous la
forme de coupes réellement sombres, transformant, défigurant même, cette œuvre épique et humaniste de manière très significative. La version
complète ne fut diffusée en France qu'en 1980. Shichinin no samurai
est devenue une des références du septième art, faisant l'objet de
multiples adaptations internationles parmi lesquelles le célèbre The Magnificent Seven de John Sturges.
Le
japon, au dernier quart du XVIe siècle. Un groupe de bandits arrivent
en vue d'un village qu'il à déjà pillé l'automne précédent. Jugeant plus
opportun de mener une nouvelle opération après la récolte, il diffère
leur attaque. Un paysan, dissimulé par son chargement, a entendu leur
conversation et alerte aussitôt les villageois. Deux clans s'opposent,
les uns se résignant à subir cette plaie qui s'ajoute aux autres,
impôts, servage, guerre et sécheresse ; les autres résolus à défendre
par les armes leur moyen de subsister. Consulté, le doyen, s'inspirant
d'un précédent dont il a été le témoin lorsqu'il était enfant, leur
suggère d'engager des samouraïs dans le besoin. Une délégation de quatre
habitants se rend en ville et parvient à convaincre Kambei Shimada, un vétéran pourtant lassé de se battre.
Celui-ci
réunit à ses côtés quatre autres guerriers, prêts à combattre avec le
couvert pour seule rémunération, auxquels s'ajoutent Katsushiro devenu implicitement le disciple de Kambei et un insolite personnage qui prétend être samouraï, baptisé avec dérision Kikuchiyo,
le nom qu'il a volé, par ses nouveaux compagnons. Arrivés à
destination, les mercenaires trouvent le village désert, les paysans
craignant pour leur vie et pour la vertu de leurs filles. Mais la
confiance s'installe bientôt et les travaux de sécurisation des
différentes entrées du village et la préparation militaire des hommes
peuvent commencer. C'est au cours de cette dernière phase que Kambei et ses homologues sont amenés à découvrir des armes dérobées par les paysans à des samouraïs en déroute.
L'idée
initiale du film, dont il tire une grande partie de sa force, repose
sur une incongruité. Associer deux "classes" qui ne faisaient que se
croiser dans la société médiévale japonaise ou cohabiter au sein des
armées impériales ou shogounales n'avait rien d'anodin. Aidée par le
contexte politique, celui de la fin d'une époque qui précède l'ère Edo,
elle sert formidablement bien le scénario puisque ce sont deux cultures,
deux éthiques (honneur contre propriété, intérêt collectif et sacrifice contre égoïsme),
qui, derrière cette alliance de circonstance, vont symboliquement
s'affronter. Et c'est l'ambivalent personnage, fantasque et irascible,
de Kikuchiyo qui est, en permanence, chargé de créer le lien indispensable à la réussite du projet.
Ce qui est le plus frappant en voyant (et revoyant) Shichinin no samurai, c'est ce mélange de classicisme et de modernité, une caractéristique qui est aussi celle du cinéma de John Ford que Kurosawa admirait, mais également cette subtile imbrication de scènes d'action remarquablement mises en scènes (soyez attentifs à la composition géométrique des plans)
avec une étude minutieuse des caractères, les premières pour
l'essentiel au service de la seconde. Lorsque vous aurez vu ce film, si
ce n'est pas déjà le cas, vous mesurerez l'influence qu'il a exercé sur
bon nombre de réalisateurs, à commencer par Sam Peckinpah pour son Wild Bunch.
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