"... Il y va de la tête d'un homme et du droit en général."
Quelques années avant Fritz Lang, Robert Siodmak quitte Hollywood pour retourner en Allemagne (après un passage par la France, Le Grand jeu), où il avait commencé sa carrière à la fin des années 1920. Il y réalise une dizaine de films parmi lesquels Die Ratten et ce Nachts, wenn der Teufel kam,
partiellement inspiré d'une affaire réelle. Le scénario de ce dernier
joue d'ailleurs habilement sur une double intrigue dont l'imbrication,
suggérée par le titre français, ne se révèle que très tardivement. Grand
succès dans son pays, récompensé à huit reprises aux Deutscher Filmpreis, les "César" allemands, et à l'étranger, le film fut également sélectionné aux Academy Awards 1958.
Hambourg, 1944. Lucy Hansen, une gironde serveuse de café est étranglée par Bruno Lüdke, un psychopathe doté d'une force rare, pendant un raid aérien nocturne des forces alliées. Willi Keun,
un falot sous-officier nazi et l'amant de la victime, surpris dans la
chambre de la jeune femme par un voisin, est soupçonné du meurtre et
emprisonné. Axel Kersten, démobilisé du front de l'Est après
une blessure à la jambe, arrive peu après à Berlin pour entrer comme
inspecteur à la section de police judiciaire du commissaire Böhm. Les deux hommes évoquent brièvement l'affaire Keun avant d'être interrompus par l'entrée de l'officier Mollwitz du bureau central de la sécurité. Au réfectoire, Kersten rencontre Helga Hornung,
une jolie jeune femme du personnel administratif de sa section. En
allant poser du papier peint au domicile de cette dernière, l'inspecteur
tombe sur un avis de recherche datant de 1937 relatif à l'assassinat
d'une Vera Fenner dans un bois environnant. La cause de la mort est identique à celle de Lucy Hansen, étouffement par rupture de l'os hyoïde. Kersten, chargé de ce dernier dossier, est convaincu de l'innocence de Keun. Il retrouve rapidement, grâce à un objet trouvé, la trace de Lüdke.
C'est à ce moment précis que des hommes du bureau central de la
sécurité viennent l'attendre à la sortie de son bureau pour l'emmener
chez le chef de groupe Rossdorf.
Le
cas du tueur en série Bruno Lüdke, reconnu coupable en 1944 du meurtre
de plus de quatre-vingt femmes en onze ans et exécuté, avait défrayé la
chronique après la chute du IIIe reich, notamment sous la plume de Will Berthold, écrivain et journaliste au procès de Nuremberg pour le "Süddeutsche Zeitung". Auteur de quelques scénarii intéressants au début des années 1950, notamment celui de Der 20. Juli (déjà avec Annemarie Düringer) qui revenait sur la tentative d'assassinat d'Hitler, Werner Jörg Lüddecke
utilise cette affaire criminelle comme point de départ, gommant au
passage l'essentiel de sa connotation sexuelle. Mais, au-delà du fait
divers, aussi spectaculaire soit-il, c'est la dimension politique qui se
révèle déterminante dans Nachts, wenn der Teufel kam (litt. "la nuit quand vint le diable"). Siodmak
y stigmatise l'hypocrisie et les contradictions du régime nazi dans sa
tentative de justifier ses crimes de masse et sa théorie mythologie du
bon aryen. Le film, de ce point de vue, est une réussite. Deux scènes,
en particulier, sont à souligner : la conversation entre Lüdke et une victime potentielle et la reconstitution, en caméra subjective, du meurtre dans un bois. Mais Nachts, wenn der Teufel kam ne parvient jamais à être authentiquement inquiétant, se situant nettement en deçà du prophétique M. L'interprétation est également, au choix, trop sage ou en demi-teinte, à l'exception de celle de Hannes Messemer qui tiendra, peu après, le rôle du colonel von Luger, le responsable du camp de The Great Escape.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire