vendredi 25 mars 2005

Ba wang bie ji (adieu ma concubine)


"... Il ne distingue plus le théâtre de la vie."

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Ba wang bie ji, le cinquième long métrage de Chen Kaige, est la probable première superproduction chinoise. Adaptation d'un roman de Lillian Lee, le film ajoute et explore, en accord avec l'auteur qui signe également le scénario, la jeunesse des deux principaux protagonistes et développe le personnage féminin joué par Gong Li. A travers le destin tragique de deux acteurs de l'opéra traditionnel chinois, c'est également plus d'un demi siècle de l'histoire agitée du "Pays du Milieu" qui est retracé. Il s'agit, à ce jour, de l'œuvre majeure du réalisateur et, même si son potentiel dramaturgique n'est pas totalement exploité, de l'une des pièces maîtresses du cinéma des années 1990. "Palme d'or" (ex-aequo avec The Piano) du Festival de Cannes 1993, le film a reçu, en 1994, le "Golden Globe" du "meilleur film étranger" et a été sélectionné, la même année, dans deux catégories des "Oscar".
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1977. Deux anciens et célèbres acteurs de l'Opéra de Pékin reviennent dans une salle, aujourd'hui vide, où ils se sont jadis produits. Cinquante-trois ans plus tôt, le jeune Douzi était conduit par sa mère, une prostituée, à la fameuse Académie d'Opéra de Maître Guan. Comme celui-ci refuse de l'accepter en raison d'un doigt supplémentaire à la main gauche, la mère n'hésite pas à trancher le doigt de l'enfant qui intègre alors l'école. Débute alors un apprentissage d'une dûreté impitoyable où la moindre petite erreur est sanctionnée par des châtiments corporels. Douzi se lie d'amitié avec Laizi, lequel lui fait bénéficier de son expérience et lui apporte sa protection. Les deux garçons s'enfuient mais une représentation d'opéra à laquelle ils assistent les incite à retourner à l'académie. Laizi, redoutant la punition qu'il voit infligée à son ami, préfère se pendre. Peu après, Douzi devient le partenaire de Shitou dans l'opéra "Adieu ma concubine", le premier interprétant Yu, la concubine qui se suicide pour l'amour du roi Chu, joué par le second. 1937 voit l'invasion du pays par l'armée japonaise. Douzi, devenu Cheng Dieyi, et Shitou, Duan Xiaolou, sont à présent des acteurs d'opéra célèbres. Dépité par le mariage de ce dernier, dont il est épris, avec Juxian, une protituée, Dieyi accepte l'invitation sans équivoque de Yuan, un riche admirateur. Commence alors une longue période au cours de laquelle les deux artistes vont successivement se déchirer et se retrouver, notamment ballottés par les événements politiques que va connaître le pays.
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Tragédie humaine dans un décor "chronicopératique" ou fresque historique où la scène devient une représentation métaphorique, Ba wang bie ji est une œuvre inoubliable parce qu'elle dépasse souvent le niveau de la pure narration pour atteindre l'essence même de la passion, au sens étymologique du terme. Peut-être l'expérience singulière de Chen Kaige, auquel la productrice de Taïwan, Hsu Feng, ancienne actrice des films de King Hu, a confié le soin de mettre en scène cette histoire d'amour et de trahison, en a-t-elle été la principale source créatrice. Le réalisateur ne fut-il pas, en effet, contraint, au cours de la Révolution culturelle, de dénoncer publiquement son propre père, cinéaste réputé, pour "déviationnisme" ? Et quel écho subtil et fracassant a dû avoir l'affirmation de Maître Guan, ("aussi rusé soit-on, on ne peut pas lutter contre le destin") chez le réalisateur ? Rarement, en tous cas, la confrontation entre la permanence (de l'art) et l'évolution (l'instabilité), entre la tradition et le modernisme, le téléscopage entre la fiction et la réalité n'ont été aussi finement représentés que dans ce film. Au point que l'on regrette que cette puissance évocatrice n'ait pas été portée à son apothéose, principalement à cause de la réserve et de l'académisme de Chen Kaige. La lumineuse interprétation de Leslie Cheung, disparu dramatiquement dix ans après le tournage du film, n'en est, quant à elle, pas très loin.

mercredi 23 mars 2005

Rude Boy (the clash : rude boy)


"Mais la vérité ne s'apprend que sur le goudron."

Fiction, film musical ou documentaire à teneur politique ? Rude Boy est un peu tout cela à la fois. Et, classiquement, quand une œuvre est l'objet d'un telle hybridation, on en cherche le sens, le fil directeur et l'objectif. Surtout si l'on est pas un des ex-fans des Clash. Ceux-ci ont, en effet, une raison toute trouvée pour apprécier le film. Le groupe, outre ses apparitions non musicales et judiciaires, s'y produit sur scène, en répétition ou en studio pendant environ la moitié des plus de deux heures du film. Deuxième long métrage de Jack Hazan, par ailleurs chef opérateur, le premier de son complice, également monteur de son état, David Mingay, Rude Boy est, semble-t-il avant tout, un témoignage intéressant sur cette époque particulière de l'histoire de l'Angleterre et de la musique qu'est la fin des années 1970. Présenté en compétition à la Berlinale 1980, le film reçut une énigmatique "mention honorable" de la part du jury.
Londres, 1978. Dans un contexte d'élections locales qui voit la poussée du National Front, Ray traîne ses fausses illusions et sa nonchalance d'un pub à un concert des Clash. Il tient une modeste boutique de revues et d'accessoires à caractère pornographique lorsqu'on lui propose de remplacer un roadie défaillant pour une prochaine tournée des Clash dans le nord du pays. S'il apparaît d'abord plutôt sympathique aux membres du groupe et à leur manager, son amateurisme et sa consommation forcenée d'alcool finissent par le rendre indésirable.
Une curiosité, à l'intrigue assez mince, au service de la représentation d'un phénomène dans son contexte. Le phénomène, c'est, bien sûr, celui de la musique et du mouvement punk symbolisés par The Clash. S'il n'est pas le premier groupe du genre, précédé en effet par les Sex Pistols, il en est toutefois le plus emblématique. On oppose, traditionnellement, le nihilisme déjanté de ces derniers à la conscience politique gauchisante du groupe emmené par ses deux compositeurs et figures de proue très dissemblables, Joe Strummer et Mick Jones.
En dix ans (The Clash a été formé à Londres en 1976 et s'est définitivement dissout en 1986) et sept (surtout quatre) albums, ces "rebelles ayant une cause", pour parodier le titre d'un film de Nicholas Ray, traduisaient en effet assez bien le malaise qui touchait l'empire (résiduel) de sa Gracieuse Majesté et, en particulier, la génération des post-adolescents anglais. Chômage, délinquance urbaine, situation des minorités ethniques, montée du parti d'extrême droite sont plus ou moins soulignés dans Rude Boy, notamment grâce à une courte intrigue secondaire. Comme nos voisins ne sont pas à un paradoxe près, ils allaient porter au pouvoir, en 1979, le futur Premier ministre conservateur Margaret Hilda Thatcher* (laquelle fait deux apparitions involontaires en guest star dans le film) en remplacement du travailliste James Callaghan*. On peut reprocher aux réalisateurs la (les) longueur(s) de leur film, caractéristique qui en dilue un peu l'impact. L'aspect le plus intéressant de Rude Boy reste la mise en perspective d'une création à l'œuvre, tous les ingrédients des futurs albums "The Clash" (US version) et "London Calling" étant déjà présents ou en gestation.
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*politiciens que l'on peut opposer (et rapprocher) à travers deux slogans : "L'économie est la méthode, l'objectif est de changer l'âme." (Thatcher) - "On n'atteint jamais la terre promise, on se contente de progresser vers elle." (Callaghan).

mardi 22 mars 2005

Faut pas rêver : à la poursuite du Nil blanc


"Si je voyais l'embouchure du Nil, à mon âge... ce ne serait pas mal !"

A la poursuite du Nil blanc

Réalisée par Sébastien Berger, cette très intéressante émission nous emmène le long des 6 000 km qui séparent le delta du Nil, aux pieds des pyramides égyptiennes, vers la source du Nil blanc, au cœur de l'Afrique noire. Un périple, sur les traces du célèbre docteur Livingstone, qui n'a qu'une lointaine parenté avec le film de Bob Rafelson, Mountains of the Moon, tiré du roman de William Harrison.


1- Le parcours du Nil
Introduction-présentation du Nil et des mystères qui ont entouré ses crus, ses cours et ses sources. Le Caire, Assouan, Khartoum au Soudan où se rejoignent les deux Nil (le bleu et le blanc), le lac Kyoga en Ouganda, le lac Victoria...
La pyramide de Maîdum - au sud du Caire, elle est âgée de 4 600 ans. Sa base est totalement ensablée et l'énigme de sa construction n'a été élucidé qu'il y a trois ans par deux égyptologues français amateurs... mais éclairés.

2- Les photographes de Saqqarah
Dans ce cimetière de Memphis, l'ancienne capitale de l'Egypte, Moussa, comme son père et son grand-père avant lui, constitue les archives photographiques des fouilles entreprises sur le site, à ce jour, vingt mille clichés réunis depuis les années 1930.
Les norias de Faum - Oasis situé à une centaine de kilomètres au sud du Caire et qui assurent l'irrigation des cultures.


3- Les pigeonniers du Delta
Les 52 tours, construites à partir de 5 000 poteries chacune et savamment disposées, abritaient jadis plus de cent mille pigeons élevés pour leur viande et leur fiante, utilisée comme engrais.
Assouan - la perle archéologique de l'Egypte et le site du célèbre barrage, inauguré en janvier 1971. C'est aussi la frontière de la Nubie, civilisation dont seule la langue a subsisté.
Khartoum - l'ancien village de pêcheurs, aujourd'hui capitale du Soudan avec trois millions d'habitants.


4- Menaces sur la 4eme cataracte
La région désertique soudanaise de la Bayuda, irriguée par les eaux de ce rapide fluvial, va disparaître sous un lac artificiel de plus de 200 km de long, contraignant ses habitants à l'exil intérieur dans des cités nouvelles comme Multawa. C'est la mise en chantier d'un vieux projet de construction d'un barrage, datant de 1947, qui en est à l'origine. Cet ouvrage doit permettre d'amener l'électricité dans une zone qui ne la reçoit pas et d'assurer son développement économique. Mais le professeur Roccati, chargé des fouilles du site royal des "pharaons noirs" de Napata, s'inquiète des éventuelles conséquences sur les richesses archéologiques de la zone inondée.

Meroe - le sanctuaire des pharaons noirs découvert par le nantais Frédéric Cailliaud le 25 avril 1821, ses trésors et ses mystères.


5- Les Shilluks
Fachoda - les Shilluks constituent la seule tribu du Soudan à avoir conservé son régime monarchique ancien. Sa neutralité l'a préservé de la quarantaine d'années de guerre civile qui a opposé musulmans et chrétiens dans la région jusqu'en septembre 2002. Pêche, culture(s) et... polygamie sont les trois mamelles de ce peuple, pacifique et épris de justice. Les Shilluks sont également proches de la France depuis qu'un explorateur français, Jean-Baptiste Marchand, a libéré de l'esclavage quelques uns de ses représentants à la fin du XIXe siècle.
Le lac Victoria (Ouganda) - deuxième plus grand lac du monde, la première étape de l'explication des mystères du Nil.

6- La perche du Nil
La pêche a connu, au cours du dernier demi siècle, un essor très important. Sur l'île de Ssesia, qui ne comptait qu'une centaine d'habitants dans les années 1950, la population a été multipliée par trente, nourrie, après l'introduction de la perche (tilapia) par les colons anglais, grâce à environ 300 pêcheurs.


7- Enfants roi du Tooro
Aux pieds des "Montagnes de la lune", la ville de Fort Portal est la capitale du royaume de Tooro. Le souverain s'appelle Oyo Nyimba Kabamba Iguru Rudiki IV. Il règne depuis l'âge de trois ans (il était alors le plus jeune roi du continent) ; il en a aujourd'hui onze. Les fastes de sa couronne ont été récemment restaurés grâce à l'aide du régime libyen. Le roi est aussi un enfant comme les autres. Il est inscrit dans un collège privé de Kampala et apprécie, avec simplicité, ses camarades, le foot et... les jeux vidéo.
Le palais de Kasubi - les tombeaux des rois du Buganda à Kasubi s'étendent sur près de 30 ha de collines dans le district de Kampala. Le palais, qui est aussi un lieu de culte, est la plus grande hutte jamais construite en Afrique.


8- Les tambours de la réconciliation
Burundi - jadis objets sacrés qui rythmaient les grands événements royaux, les batimbo servent aujourd'hui pour les mariages et les cérémonies officielles. Alors que, partout ailleurs, la guerre inter-ethnique entre les Houtous et les Tutsis faisait rage, à Buyenzi, les batimbo ont continué de résonner, expression d'un message de paix.

9- La source du Nil
C'est dans la petite localité de Rotovu, située à 2 050 mètres d'altitude, que se trouve la source la plus méridionale du Nil. C'est le docteur Burhart Waldecker qui l'a découverte en 1937 et a construit, sur son emplacement, avec l'aide de quelques habitants, un petite pyramide de pierre. Le dernier témoin, qui ne manque pas d'humour, raconte. 

Faut pas rêver : l'Australie


"Mais qu'est-ce qu'on est venu faire ici ?"

L'Australie

Réalisée par Olivier Daube et diffusée sur France 3 en septembre 2004, l'émission parcourt quelques 9 000 km d'est en ouest, à la rencontre des lieux mais aussi, et surtout, des gens, démarche classique de la passionnante et dépaysante série créée par Georges Pernoud il y a près de 15 ans.

1- La grande traversée
Rapide introduction-présentation du pays, appelé au XVIIIe siècle, les "Terres australes inconnues", véritable continent découvert en 1770 par le célèbre capitaine James Cook à bord d'"Endeavour".

2- La troupe de Fred Brophy's
Cracow - Fred, ancien boxeur devenu barman, organise régulièrement des combats de boxe sous un chapiteau. Particularité : ses poulains, amateurs pour la plupart, se battent contre des volontaires issus du public.
Andamooka - chercheurs d'opales.

3- Mail outback
2 500 km de tournée postale, au départ de Lake Creek, dans le cœur rouge de l'Australie, l'Outback, une région isolée, un désert à très faible densité de population (120 ou 150 km pour aller... au bar le plus proche !). Cela ne se fait ni à pieds, ni en vélo (ah, Jour de fête !), ni en camion, mais en... avion. Deux jours de voyage et vingt-cinq arrêts au programme ; on en profite pour embarquer quelques touristes.
Oodnadatta Track - (appelée aussi Explorer's Way Tourist Drive) piste sud-nord d'Adelaïde à Darwin, terre des Arabanas, parcourue la première fois en 1862 par McDouall Stuart.

4- La barrière des dingos
9 500 km d'un grillage édifié à partir de 1880 pour empêcher ce cousin du loup, aujourd'hui en voie de disparition à l'état sauvage, de tuer ou dévorer les élevages de moutons dans le sud-ouest du pays (voir, dans le même esprit, le film de Phillip Noyce, Rabbit-Proof Fence).
Le swag - accessoire indispensable pour bivouaquer... au milieu des araignées et des serpents les plus dangereux de la planète.

5- Le bal du désert
Tous les deux ans, au mois d'octobre, Simon Coxon organise The Curdimurka Outback Ball, un bal planté en plein désert, à 800 km d'Adelaïde et qui accueille 2 000 participants. Une entreprise à la logistique... d'enfer, surtout quand la tempête est venue la plus belle pour danser !
William Creek et le lac Eyre - la plus petite ville d'Australie, voisine de la plus grande ferme du monde. Grande comment ? Comme la Belgique ! Le lac salé le plus grand du continent, situé 12 mètres au-dessous du niveau de la mer, sur lequel le britannique Donald Campbell a battu, à bord de "Bluebird", avec 648 km/h, le record de vitesse le 17 juillet 1964.

6- Les chameaux de l'Outback
Originaires d'Afghanistan, les quelques 500 000 actuels chameaux sauvages d'Australie forment la nième génération issue des animaux importés en 1840 pour explorer le pays. Aujourd'hui chassé pour sa viande, le camélidé est devenu un produit... d'exportation.
Uluru - le plus gros rocher du monde (9,5 km de circonférence), 348 mètres de haut, le centre géographique du pays et le cœur spirituel du territoire des aborigènes. A ne pas confondre avec le mystérieux site d'Hanging Rock, proche de Melbourne et cadre du très bon film de Peter Weir.

7- Aborigène et star
Vous souvenez-vous du personnage de Neville Bell dans Crocodile Dundee de Peter Faiman en 1986 avec Paul Hogan ? Il était joué par David Gulpilil dont la carrière cinématographique a été lancé par Nicolas Roeg et que l'on a revu depuis dans The Right Stuff et Rabbit-Proof Fence. Il est l'auteur et l'acteur d'un one man show produit à Adelaïde. L'artiste emmène l'équipe de télévision dans son village natal, Ramingining, dans le nord du pays.
Uluru et Kata Tjuta - deux lieux mystiques vus par un habitant aborigène.
La Stewart Highway et les Road Trains - sur la seule route asphaltée reliant Adelaïde à Darwin, en passant par Alice Springs, de très longs camions sont chargés de l'approvisionnement d'une côte à l'autre.

8- Tukka food
La nourriture des aborigènes est constituée par plus de deux cents sortes de produits de cueillette du Bush, parmi lesquels le red chili onion, le "cochon rose" ou les larves de witchetty, ingrédients à présent proposés à la carte des grands restaurants.
Bungle Bungles - site géologique exceptionnelle.

9- Les cow-boys du ciel
Lorsque les vachers chevauchent... des hélicoptères pour rassembler le bétail.

10- Crocodile business
Darwin - un des plus gros (12 000 gueules) élevages de crocodiles de mer constitués à partir de prélèvements d'œufs dans la nature et destiné à alimenter le commerce de la viande et, surtout, de la peau.
Cap Leveque - fin du voyage, sur une plage déserte de l'Océan indien.