"Mais la vérité ne s'apprend que sur le goudron."
Fiction, film musical ou documentaire à teneur politique ? Rude Boy
est un peu tout cela à la fois. Et, classiquement, quand une œuvre est
l'objet d'un telle hybridation, on en cherche le sens, le fil directeur
et l'objectif. Surtout si l'on est pas un des ex-fans des Clash.
Ceux-ci ont, en effet, une raison toute trouvée pour apprécier le film.
Le groupe, outre ses apparitions non musicales et judiciaires, s'y
produit sur scène, en répétition ou en studio pendant environ la moitié
des plus de deux heures du film. Deuxième long métrage de Jack Hazan, par ailleurs chef opérateur, le premier de son complice, également monteur de son état, David Mingay, Rude Boy
est, semble-t-il avant tout, un témoignage intéressant sur cette époque
particulière de l'histoire de l'Angleterre et de la musique qu'est la
fin des années 1970. Présenté en compétition à la Berlinale 1980, le film reçut une énigmatique "mention honorable" de la part du jury.
Londres, 1978. Dans un contexte d'élections locales qui voit la poussée du National Front, Ray traîne ses fausses illusions et sa nonchalance d'un pub à un concert des Clash. Il tient une modeste boutique de revues et d'accessoires à caractère pornographique lorsqu'on lui propose de remplacer un roadie défaillant pour une prochaine tournée des Clash
dans le nord du pays. S'il apparaît d'abord plutôt sympathique aux
membres du groupe et à leur manager, son amateurisme et sa consommation
forcenée d'alcool finissent par le rendre indésirable.
Une curiosité, à l'intrigue assez mince, au service de la représentation
d'un phénomène dans son contexte. Le phénomène, c'est, bien sûr, celui
de la musique et du mouvement punk symbolisés par The Clash.
S'il n'est pas le premier groupe du genre, précédé en effet par les Sex
Pistols, il en est toutefois le plus emblématique. On oppose,
traditionnellement, le nihilisme déjanté de ces derniers à la conscience
politique gauchisante du groupe emmené par ses deux compositeurs et
figures de proue très dissemblables, Joe Strummer et Mick Jones.
En dix ans (The Clash a été formé à Londres en 1976 et s'est définitivement dissout en 1986) et sept (surtout quatre) albums, ces "rebelles ayant une cause", pour parodier le titre d'un film de Nicholas Ray, traduisaient en effet assez bien le malaise qui touchait l'empire (résiduel)
de sa Gracieuse Majesté et, en particulier, la génération des
post-adolescents anglais. Chômage, délinquance urbaine, situation des
minorités ethniques, montée du parti d'extrême droite sont plus ou moins
soulignés dans Rude Boy,
notamment grâce à une courte intrigue secondaire. Comme nos voisins ne
sont pas à un paradoxe près, ils allaient porter au pouvoir, en 1979, le
futur Premier ministre conservateur Margaret Hilda Thatcher* (laquelle fait deux apparitions involontaires en guest star dans le film) en remplacement du travailliste James Callaghan*. On peut reprocher aux réalisateurs la (les) longueur(s) de leur film, caractéristique qui en dilue un peu l'impact. L'aspect le plus intéressant de Rude Boy reste la mise en perspective d'une création à l'œuvre, tous les ingrédients des futurs albums "The Clash" (US version) et "London Calling" étant déjà présents ou en gestation.
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*politiciens que l'on peut opposer (et rapprocher) à travers deux
slogans : "L'économie est la méthode, l'objectif est de changer l'âme."
(Thatcher) - "On n'atteint jamais la terre promise, on se contente de
progresser vers elle." (Callaghan).
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