vendredi 11 mars 2005

Arthur Rimbaud : une biographie


"... Dans la fuite du bonheur."

Trois ans avant la production de son film consacré à la dernière période de la vie d'Ernesto Guevara, Richard Dindo réalise une biographie du poète et "aventurier" Arthur Rimbaud, cette autre figure marquante "rencontrée" à l'occasion de son passage en France au cours de la fameuse année 1968. Longue évocation en trois parties par ceux qui l'ont connu plus que réelle biographie, Arthur Rimbaud : une biographie est un documentaire fictionnel. Documentaire par l'authenticité de son contenu narratif et par le tournage sur les lieux où se déroulent les faits ; fiction par la mise en scène d'acteurs interprétant des personnages, ayant cependant tous existé, mais aussi par le choix de sa perspective, ses omissions et sa tonalité. Quant à Arthur Rimbaud, il n'y apparaît qu'à travers la récitation de ses œuvres poétiques et épistolaires. Si le film a reçu un accueil plutôt favorable à l'étranger, il a été curieusement boudé en France où il n'a jamais été rediffusé depuis sa première sortie en 1991.
"Les déserts de l'amour" rappelle l'enfance et l'adolescence de Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud, son environnement géographique, familial et relationnel, la rencontre avec son ami Ernest Delahaye, l'influence et le rôle de son professeur-remplaçant en classe de Rhétorique, Georges Izambard, parisien et poète, sa première fugue à Paris et son incarcération à Mazas, son soutien moral aux insurgés de la Commune en 1871, sa lettre à Paul Verlaine qui l'invite à Paris.
"Une saison en enfer" relate l'arrivée à Paris, ses relations particulières avec Verlaine, ses fréquentations des cercles littéraires, ses voyages à Bruxelles, Londres, entrecoupés par un retour à Charleville, l'accident du 10 juillet 1873, la réclusion volontaire dans la ferme familiale de Roche. "Un ange en exil" évoque les séjours à Aden et à Harar comme employé de l'agence d'import-export Bardey et Cie, ses nombreux voyages et explorations pour le compte du comptoir puis pour son propre compte, la maladie, le retour en Europe et la mort.
Avant Arthur Rimbaud : une biographie, aucun film ne s'était sérieusement attaché à la vie chaotique de l'un des plus célèbres poètes français. Depuis, coïncidence de dates, Total Eclipse et L'Homme aux semelles de vent, tous les deux en 1995, avec respectivement Leonardo DiCaprio et Laurent Malet dans le rôle de Rimbaud, l'ont fugitivement ressuscité à l'écran. Et Les Amants criminels de François Ozon revendique ouvertement une inspiration rimbaldienne. Mais qui était donc cet artiste essentiel du XIXe siècle, cet éternel adolescent, devenu prématurément un vieillard ? Individu lunatique, fantasque et halluciné, qualifié de diabolique par certains, "le plus simple en paroles et en même temps le plus compliqué ... des êtres..." selon Verlaine, Rimbaud reste une figure énigmatique et contrastée de la littérature pour la plupart d'entre nous.
Sa liaison passionnelle, tapageuse avec Verlaine constitue la face émergée de cet iceberg bouillonnant et en errance, au point d'occulter parfois la qualité et la modernité de son œuvre. Le film de Richard Dindo, malgré ses défauts, ne tombe pas dans ce piège grossier et met assez bien en relief la complexité de l'homme et de l'auteur. Il souligne également la fatalité d'une existence nourrie d'espoirs et de malheurs ainsi que la conscience politique du personnage. On peut, en revanche, légitimement lui reprocher sa lenteur et sa longueur, même si elles participent à traduire la langueur que devait ressentir Rimbaud dans son époque et dans son milieu, sentiment qui l'incitait à la révolte. Plus grave, on comprends mal, à l'inverse, les raccourcis opérés dans la relation, notamment ceux qui concernent la période 1874-1879 ou, encore, les détails relatifs à l'activité engagée avec les hommes du roi Menelik. Arthur Rimbaud : une biographie permettra, néanmoins, à un large public de mieux connaître l'auteur des "Illuminations".

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