"Ce n'est pas ce qu'elle voudrait."
Engagé, après le désistement de Doug Liman, pour réaliser la suite de The Bourne Identity, Paul Greengrass réussit à imprimer à The Bourne Supremacy son identité cinématographique, visuelle notamment, tout en respectant l'esprit du personnage principal et du roman. Changement dans la continuité en quelques sortes, ce qui constitue un succès créatif dans la mesure où les sequels (bien nommées si l'on se réfère au sens médical du terme !) vraiment réussies sont plutôt rares dans la production contemporaine. Succès d'autant plus patent car Greengrass parvient même, avec un budget identique (envir. 75M$), à emballer la "machine" efficace mais bridée du premier épisode. Avec The Bourne Supremacy, le film d'action et d'espionnage monte en grade et place la barre assez haut pour le futur et dernier opus de la trilogie. Le public ne s'y est pas trompé puisque le box-office du film a enregisté une progression de plus de 30% par rapport à son prédécesseur, augmentation d'ailleurs plus significative aux Etats-Unis qu'à l'international.
Installés à Goa (Inde), Jason Bourne et Marie semblent, à présent, à l'abri des anciens partenaires de l'ex-agent de la CIA. Jason est, cependant, régulièrement hanté par des images fugitives et des sons dont il croit connaître l'origine, une mission, probablement sa première, réalisée pour le groupe Treadstone. Dans le même temps, une opération organisée à Berlin par Pamela Landy, sous-directrice de la CIA, destinée à mettre la main sur un dossier concernant Vladimir Neski, un député russe réformiste assassiné, tourne au fiasco. Deux agents sont tués, documents et montant de la transaction disparaissent. Les empreintes retrouvées sur place accusent Bourne. Le véritable auteur est un agent secret russe, Kirill, mandaté par Yuri Gretkov, un ponte local du pétrole dont les actifs ont été acquis avec les 20M$ appartenant à la CIA et détournés avec la complicité d'un responsable de l'agence. La seconde partie du travail pour lequel Kirill a été engagé est d'exécuter Bourne mais il tue par erreur Marie. Bourne quitte Goa pour Naples où il est arrêté. Après s'être facilement libéré, il apprend sa fausse implication dans le meurtre des deux agents à Berlin. Se croyant à nouveau poursuivi par son passé, il est contraint d'engager un bras de fer avec Pamela Landy et ses hommes au cours duquel il va mettre à jour la vérité et retrouver le sens des visions qui le poursuivent.
Ce qui frappe immédiatement au visionnage de The Bourne Supremacy, c'est l'adéquation du style de mise en scène développé par Paul Greengrass avec l'identité de la franchise. Montée progressive de la frénésie visuelle après les premières scènes apaisées en Inde accompagnée par une baisse continuelle de la température des teintes utilisées. Contraste entre les compositions géométriques et les mouvements désordonnés de la caméra à l'épaule. Mais, au delà du talent du réalisateur et de son directeur de la photographie, le film réussit à mettre en relief les aspects les plus subtils du scénario. Lequel s'attache, en effet également, à opposer la mécanique implacable, quasi indestructible, qu'est en apparence Bourne avec le trouble réel et profond qui existe chez ce personnage solitaire. Il y a un glissement vers une humanité, absente dans The Bourne Identity. Il y a, aussi, le début de la construction d'un passé. Et le geste de conserver une photo sur laquelle il apparaît avec Marie, le fait de citer, dans l'action, l'influence de sa compagne assassinée sur lui sont des facteurs qui vont permettre à Bourne de mériter de connaître, au terme de son aventure, sa véritable identité. Si l'on pouvait parler de contre-emploi pour Matt Damon à propos du film précédent, ce remarquable et discret acteur est, à présent, totalement le héros qu'il incarne, jusque dans les moindres gestes, qu'ils soient techniques ou courants et il lui donne une épaisseur peu commune dans les films du genre. Signalons, enfin, la qualité du score de John Powell qui contribue, pour beaucoup, au rythme du film.
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