lundi 14 mars 2005

Zatôichi abare-himatsuri (zatôichi : le shogun de l'ombre)


"... L'amour est plus efficace que le sabre."

Ce vint-et-unième épisode de la saga "Zatôichi", le dernier réalisé par Kenji Misumi, est un des plus singuliers qui soient. Après avoir été crédité comme producteur dans Zatôichi to Yôjinbô, Shintarô Katsu ajoute à sa panoplie, dans Zatôichi abare-himatsuri, la casquette de co-scénariste. Et il faut avouer que la narration déroute régulièrement le spectateur, sans pour autant nuire à la lisibilité du film. Cet opus revient à la source du personnage, avec un mélange harmonieux de comédie, de drame et de violence contenue ainsi que la présence permanente d'un inquiétant ronin anonyme interprété par Tatsuya Nakadai, lequel succède, dans la série, à un autre acteur de Kurosawa, Toshirô Mifune.
Ichi libère une jeune femme acquise aux enchères par un de ses libidineux clients. Celle-ci profite du sommeil de son sauveur pour s'enfuir en lui volant sa bourse. Mais son époux, un ronin, la surprend et la tue. Ichi, après avoir pris la défense d'un fermier contre un homme de clan, se rend à un grand rassemblement de yakuzas dont il connaît l'un des membres. Il rappelle à celui-ci, en public et avec acrimonie, les règles de l'éthique de sa corporation avant d'y rencontrer Yamikubo, leur chef suprême, aveugle comme Ichi. Celui que l'on surnomme "le Shogun de l'ombre" règne sur huit régions du Kanto, dont il possède les tripots, et rackette les paysans. Une sentence de mort est prononcée contre Ichi. Mais les hommes envoyés pour l'exécuter échouent. Yamikubo a alors l'idée d'employer une autre arme, une jeune femme, Okiyo, la fille du parrain appelé à lui succéder. Pendant ce temps, le ronin, convaincu qu'Ichi a été l'amant de sa femme, rôde.
Cette "Cérémonie du feu" est encore l'occasion de souligner le talent de Kenji Misumi. Le réalisateur de quatre des précédents épisodes de la série aurait pu se contenter "d'assurer" celui-ci. Mais ce serait mal connaître l'ancien assistant de Teinosuke Kinugasa et futur créateur du cycle Kozure Ôkami. Misumi est perfectionniste et innovateur ; Zatôichi abare-himatsuri est, encore une fois, à son image. Splendide sur le plan visuel, que ce soit par le choix des plans, des focales, des lumières ou des teintes, la mise en scène du film n'est pourtant jamais ostentatoire, démonstrative. Au contraire, elle semble, comme son personnage principal, laisser la place à l'auto-dérision. Plusieurs séquences mémorables émaillent cet épisode, comme l'embuscade dans la maison de bain ou la cérémonie du feu qui donne son nom au film. Mais Zatôichi abare-himatsuri joue également sur l'humour et l'ambiguïté. La scène de dispute entre le couple d'aubergistes est inattendue et cocasse et le personnage androgyne de Umeji, joué, dans l'esprit du Kabuki, par Peter (acteur que l'on reverra dans Ran) donne la tonalité générale du film, celle du faux-semblant et de l'amour-trahison. Enfin, le grand et prolifique Tatsuya Nakadai, dont le personnage est l'ombre de Zatôichi, retrouve, ici, un rôle de samouraï halluciné assez proche de celui qu'il tenait dans les excellents Dai-bosatsu tôge et Goyokin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire