vendredi 25 février 2005

La Bête


"Les rêves inquiets sont réellement une folie passagère." (Voltaire)

Séparés par Dzieje grzechu, une adaptation d'un roman tournée en Pologne, Contes immoraux et La Bête forment un diptyque dans la filmographie de Walerian Borowczyk. On peut même parler de film en deux épisodes puisque la partie historique du second constituait, initialement, un segment du premier, retiré pour l'exploitation en salles à la demande du producteur Anatole Dauman. Probablement à cause de son origine hybride, La Bête est moins équilibré, moins lyrique aussi que son prédécesseur, en un mot, moins intéressant. La crudité sexuelle y est, également, plus (trop ?) forte, au détriment de la sensualité raffinée qui caractérisait les Contes immoraux.
La famille aristocratique mais désargentée de L'Espérance souhaite marier Mathurin, son dernier et frustre représentant, à une riche héritière américaine, Lucy Broadhurst. Celle-ci se rend au château pour rencontrer son fiancé et pour celer l'union tant attendue. Un obstacle doit, cependant, être rapidement franchi avant les épousailles : convaincre le cardinal de Balo, en poste au Vatican, de venir consacrer le mariage, volonté testamentaire du défunt père de Lucy. Le frère du duc De Balo est, en effet, en froid avec le reste de sa famille parce que son neveu, pour d'obscures raisons, n'a pas été baptisé. Pendant que l'on attend son revirement d'opinion, Lucy découvre la légende de la bête qui hante les bois et de son corps à corps avec Romilda, l'ancêtre de la famille de L'Espérance.
Placé d'emblée, avec son introduction équine au réalisme vétérinaire, sous le signe de la trique et du coït, La Bête hésite entre érotisme fantasmatique, horreur et comédie. Il apparaît, surtout, comme un pur prétexte (un "argument vestimentaire") pour réussir à utiliser le conte supprimé du précédent film. L'intrigue principale n'est pas très inspirée et l'interprétation plutôt moyenne. Au point de s'interroger sur la présence, dans cette ménagerie en émoi, de l'acteur renoirien Marcel Dalio et de l'un des plus sérieux seconds rôles du cinéma français des années 1960 et 1970, Guy Tréjan. Reste, principalement pour l'anecdote, le contrepoint caricatural du chef d'œuvre de Jean Cocteau constitué par les séquences en costumes (!!) et la présence de l'actrice finlandaise Sirpa Lane née Salo (cela ne s'invente pas !), découverte par David Hamilton et que Roger Vadim imaginait en nouvelle Bardot.

Les Gaous


"... Plus il reste, plus il s'expose."

C'est un peu ce que l'on se dit en regardant le premier film, en tant que réalisateur, d'Igor Sekulic, alias Igor Sk, le producteur du Ma femme... s'appelle Maurice de Jean-Marie Poiré. Echange de bons procédés (les deux hommes sont associés au sein de la société de production Comédie Star), celui-ci apporte l'idée des Gaous. L'idée, me direz-vous ? Parce qu'il y a une idée dans cette comédie "au bon goût bien de chez nous" ? Et on peut, également, légitimement se demander qu'elle est celle qui a traversé l'esprit des membres du jury du Festival international du cinéma pour la jeunesse 2004 pour lui décerner le prix de la meilleure comédie. Le public, lui, ne s'est pas trompé qui lui a nettement préféré L'Américain de Patrick Timsit, sorti la même semaine. Entre deux maux, il convient de choisir le moindre. Quoique, dans ce cas précis, il y a match... nul !
Maurice, un jeune commis, pas encore déniaisé mais qui sait parler aux animaux, d'une exploitation agricole de Dordogne, s'enamoure de Julie, une parisienne stressée venue passer un week end "chez les bouseux", comme le dit son petit ami Guillaume. Le soir même, Maurice emprunte, sans autorisation, la voiture personnelle de son patron, François Bricard, pour aller, avec son ami Benoît, coiffeur de son état, faire l'animation musicale d'un bal d'une commune des environs. Il y retrouve le couple de la capitale et Guillaume, éméché, déclenche une bagarre dans laquelle il ne prend pas le dessus. En quittant l'endroit, il défonce gravement le véhicule de Bricard. Maurice et Benoît décident de faire le voyage de Paris, principalement pour récupérer l'argent destiné à réparer les dégâts. Mais les deux provinciaux ont, chacun, une autre idée en tête. Le premier veut retrouver et séduire Julie, le second rêve d'entrer dans le show business. Les gaous vont aussi croiser Philippe Bricard, leur ami du village monté à Paris prétendument pour y faire des études de médecine, en réalité, inscrit dans un cours de théâtre.
Y a-t-il une fatalité à produire, en France (Les Gaous est une coproduction européenne) des comédies aussi imbéciles que la plupart de celles qui naissent aux Etats-Unis ? Et, plus graves, sont-elles le reflet de la génération à laquelle elles sont destinées ? Il est vrai que les contre-exemples sont plutôt rares : sans être exhaustif, L'Auberge espagnole en 2002, Moi César... en 2003 et Podium l'année dernière. Concernant le film de Sekulic, que peut-on sauver ? Ni le scénario, d'une platitude exaspérante mais avec de vrais morceaux de vulgarité dedans, ni la réalisation, dont le patron doit être celui des clips, ni la photographie, tellement hétérogène qu'elle laisse supposer qu'au moins sept ou huit directeurs se sont succédés derrière la caméra et à la gestion des lumières, ni l'interprétation des acteurs et invités de marque (dont une ex Miss France à la participation, certains s'en réjouiront, purement décorative) venus parrainer le premier né Sk, à l'exception de celle de Richard Bohringer, très sobre et maîtrisée. Juste, peut-être, un rythme et une énergie. Cela fait peu... pour près de sept millions d'euros ! 

Rosalie


"Rosalie, bonne chez les époux Varambot, devenue grosse à l'insu de ses maîtres, avait accouché, pendant la nuit, dans sa mansarde, puis tué et enterré son enfant dans le jardin." Tristesse et confession de Rosalie, après son dramatique infanticide.
Le film, interdit aux moins de 18 ans, a reçu trois prix internationaux, dont un "Ours d'argent".
(adaptation et réalisation : Walerian Borowczyk - durée : 14'47 - 1966)

Les Jeux des anges



Cela commence et s'achève comme un trajet en train de nuit, avec escale aquatique. Entre les deux, sur une musique d'orgue d'église, cela devient plus abstrait et confus.
Durée : 11'29 

Les Astronautes


Amusant périple, d'abord sur Terre puis dans un cosmos imaginaire, d'un bricoleur de la famille de Géo Trouvetou, accompagné de sa chouette Anabase.
Le court métrage (12') de Walerian Borowczyk et Chris Marker à reçu trois prix internationaux. 

Renaissance



Utilisation du classique trucage du défilement à rebours, permettant la reconstruction de différents objets (chouette, trombone, poupée...). Mais comme les mêmes causes produisent les mêmes effets...
(réalisation-scénario : Walerian Borowczyk - durée : 8'45)

jeudi 24 février 2005

Contes immoraux


"... Et à la mer qui monte autour de nous, comme monte en moi le désir."

Produit par son compatriote Anatole Dauman (avec lequel avaient collaboré Resnais, Bresson, Chris Marker, Godard, puis Wenders et Nagisa Oshima), Contes immoraux, le premier film ouvertement érotique de Borowczyk, veut, en quatre courts épisodes, donner un aperçu du libertinage à travers les âges. Inspiré explicitement de Mandiargues, implicitement, de Sade et Bataille et réalisé en esthète, le film tranche assez nettement avec les œuvres précédentes, ce qui troublera négativement les amateurs habituels et positivement un nouveau public, attiré par sa réputation sulfureuse. Contes immoraux s'inscrit dans le sillon ouvert par Il Decameron de Pasolini et de The Devils de Ken Russel et parcouru, ensuite, par les films de Just Jaeckin* ou, dans une approche plus niaise, ceux de David Hamilton.
La marée - 1974. André, vingt ans, en vacances dans une propriété familiale de la côte normande, part en promenade sur la plage avec sa cousine, Julie, de quatre ans sa cadette. Les deux jeunes gens se retrouvent, bientôt, volontairement isolés, sur un éboulis de rochers, par la marée montante. Là, Julie, soumise, se laisse initier à la notion de marée et à la sensualité. Thérèse philosophe - 1890. Parce qu'elle s'est trop attardée à la sortie de la messe, l'ardente Thérèse est enfermée par sa tante, trois jours et trois nuits, dans le débarras d'un manoir. Inspirée par les évangiles, elle entreprend de fouiller sa cellule et découvre, parmi les vieux livres, un ouvrage libertin. Les gravures qu'il contient éveillent sa curiosité charnelle. Au matin, elle s'évade et sera violée par un vagabond. "La Gazette du dimanche" demandera, quelques temps après, sa béatification. Erzsébet Bathory - 1610. La comtesse Bathory, accompagnée de son jeune page Istvan et de ses gens d'armes, fait irruption dans la cour d'une ferme. Les plus belles paysannes, faites captives, sont emmenées au château de Csejta. Là, après s'être déshabillées, lavées, parfumées, et avoir bu un mystérieux nectar, elles participent à une étrange cérémonie au funeste final. Lucrezia Borgia - 1498. Lucrezia Borgia, accompagnée de son mari Giovanni Sforza, seigneur de Pesaro, rend visite à son père, le pape Alexandre VI, et à son frère, le cardinal Cèsare Borgia. Après l'enlèvement, sur ordre du cardinal, de Sforza par des soldats, la famille Borgia s'adonne à une liturgie bien particulière. Tandis que le dominicain Hyeronimo Savonarola périt au bûcher pour avoir dénoncé les mœurs dissolus du souverain pontife, celui-ci baptise l'enfant auquel Lucrezia vient de donner naissance.
Hormis le premier segment, issu d'une œuvre du surréaliste André Pieyre de Mandiargues, le libertinage est, chez Boro, intimement lié à la religion. Rien de plus normal, direz-vous, puisque dans la représentation chrétienne classique, sexualité et spiritualité forment un antagonisme modèle, bien que souvent ambigu. Cette ambiguïté est particulièrement soulignée, mais sans vulgarité, dans Contes immoraux, notamment avec Thérèse philosophe dans lequel la jeune Thérèse H., avec force travaux pratiques, passe, allègrement, du chemin de croix au célèbre manuel de liberté sexuelle** rédigé au XVIIIe siècle par Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'Argens. La marée est, sans conteste, le segment le plus équilibré et intéressant. Dialogues et mise en scène s'y marient étroitement et finement, alors que les autres parties du film, certes soignées sur le plan visuel, sont plutôt des histoires sans paroles. La présence du tout jeune Fabrice Luchini, à peine sorti du Genou de Claire, est, plus que celle, anecdotique, de Paloma Picasso dans Erzsébet Bathory, une curiosité supplémentaire en faveur du premier épisode.
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* Borowczyk participera, d'ailleurs, au tournage d'Emmanuelle V.
**dont Sade, un expert, disait qu'il s'agissait d'un "ouvrage charmant..., le seul qui ait montré le but, sans néanmoins l'atteindre tout à fait ; l'unique qui ait agréablement lié la luxure et l'impiété ".