lundi 14 février 2005

Nagagutsu o haita neko (le chat botté)


"... Un jeu d'enfant à deux."

"Le Chat botté" n'est pas l'œuvre de Charles Perrault la plus adaptée à l'écran. Cendrillon, Le Petit chaperon rouge ou Le Petit poucet sont, par exemple, mieux représentés*. Il y a pourtant un charme particulier attaché à ce conte paru dans les "Contes de ma mère l'Oye" en 1697, peu de temps avant le décès de l'auteur. Ce n'est pas tant la douce incongruité d'imaginer un chat muni de bottes pour aller dans la broussaille que de le voir prendre en patte la destinée d'un maître pusillanime dont il est le seul mais fructueux héritage. Etrange de penser que cette fable, apologie de l'entreprise, est l'œuvre d'un avocat devenu un personnage officiel (nous dirions aujourd'hui un haut fonctionnaire) à la cour de Louis XIV avant d'être nommé académicien.
Pero, le chat botté, a été chassé par le roi de l'île des chats pour avoir épargné une jeune souris et est poursuivi par trois chats-pirates chargés par celui-ci de l'éliminer. Il rencontre Pierre, le plus jeune des fils d'un riche fermier décédé, maltraité et bientôt renvoyé de chez lui par ses frères qui ne veulent pas lui donner sa part d'héritage. Arrivés dans un village dominé par un château royal, Pierre et Pero apprennent que le monarque souhaite marier sa fille Rosa à un riche et chevaleresque parti. Pero convainc avec difficulté son nouvel ami d'être prétendant à ce mariage en se faisant passer pour le puissant marquis de Carrabas. Il devra, pour conquérir le belle princesse, affronter, avec l'aide de Pero et d'une famille de gentilles souris, le démoniaque et sorcier Lucifer qui la convoite aussi.
Kimio Yabuki, le maître d'œuvre de Nagagutsu o haita neko, le reconnaît lui-même. C'est grâce à son précédent film, Andesen monogatari, qu'il doit de s'être vu confier cette production de la Toei Dôga. Il est toujours difficile d'évaluer le poids respectif des "artisans", souvent nombreux, d'un film d'animation. Ce que l'on peut, en revanche, affirmer, c'est que la qualité des animateurs ne fait, ici, aucun doute. Mais le véritable exploit est, dans le cas d'une réalisation traditionnelle, de rendre l'ensemble homogène. L'objectif est, avec Nagagutsu o haita neko, parfaitement réussi. Même si la "patte" de Hayao Miyazaki est sensible, notamment dans la dernière partie du métrage, le film est remarquablement équilibré. Cette partie finale a d'ailleurs, sans aucun doute, dû inspirer Paul Grimault pour son Roi et l'oiseau**. Il ravira tout à la fois les enfants et les adultes par sa tonicité, son humour et sa fraîcheur. Kimio Yabuki a apporté plusieurs modifications au conte original en créant cette redoutable passion du personnage de Lucifer pour la princesse qui conditionne celle, au départ presque forcée, de Pierre. Mais sa contribution est plus importante encore sur le plan pédagogique. Dans cette fable dont la moralité est, rappelons le, "industrie et savoir-faire valent mieux que des biens acquis", Perrault justifiait la fin par le recours systématique au mensonge et à l'obséquiosité (une marque de son temps ?!). Yabuki, heureusement, y renonce, nous permettant de montrer, sans réserve, ce film aux plus jeunes. Une question, en forme de clin d'œil, pour finir : Pero serait-il "définitivement" végétarien ?
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*il existe, néanmoins, des versions allemande de 1955, mexicaine de 1961, télévisée US de 1982 et... française en 1986 de Dirk Sanders avec Patrick Dupond !
**l'architecture des châteaux des deux films possèdent, en particulier, de nombreux points communs, sans compter l'usage fréquent de vues en plongée. Jusqu'au personnage du roi qui ressemble un peu à Lucifer.

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