vendredi 27 mai 2011

Wind Across the Everglades (la forêt interdite)


"... Won't you walk into my parlor?"(1)

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Bien qu'il ait débuté sa carrière au cinéma à la fin des années 1930(2), Budd Schulberg y acquiert sa renommée à partir de On the Waterfront, récompensé par un WGA Award puis par l'"Oscar" du meilleur scénario(3). Le New-yorkais enchaîne alors, associé ou directement impliqué, avec trois autres grands films, The Harder They Fall adapté de son roman paru en 1947 par Philip Yordan, A Face in the Crowd et ce drame d'un genre nouveau produit par son frère cadet sur la base d'un script original. Wind Across the Everglades est aussi la première des trois réalisations pour lesquelles l'influence de Nicholas Ray pourraît apparaître seulement ténue. Remercié avant la fin du tournage, 'Nick' laissa en effet l'ouvrage inachevé et la supervision du montage entre les mains de Schulberg. Le film offrait enfin au Canadien Christopher Plummer son premier grand rôle au cinéma ainsi que son unique confrontation face à son aîné Burl Ives(4).
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Les nombreuses espèces de volatiles des Everglades succombent à la mode des chapeaux à plumes qui fait fureur en ce début de XXe siècle. Faute de gardes encore vivants pour faire respecter la loi, les braconniers s'enrichissent en perpétuant leur funeste prélèvement. Arrivé par le train à Miami pour y enseigner les sciences naturelles, Walt Murdock perd aussitôt sa charge et se voit traduit en justice par le négociant George Leggett pour avoir voulu faire la leçon à une jeune femme emplumée. Nommé garde-chasse par le juge au lieu d'être condamné, Murdock est conduit par Ross Morgan chez Aaron Nathanson et sa fille Naomi. Le lendemain à l'aube, il part en pirogue explorer une partie des immenses marais. Au moment où il s'apprête à prendre un échassier en photo, 'Cottonmouth', le chef des braconniers, surgit dans le cadre, échange quelques mots puis disparaît. Lui et ses hommes abattent peu après plusieurs oiseaux, ne prenant pas au sérieux l'avertissement lancé par Murdock. Dans l'établissement de Mrs. Bradford, 'Sawdust' fait mine de sympathiser avec lui et lui propose d'engager le Séminole Billy 'One-Arm' comme guide. Banni par sa tribu, celui-ci a été chargé par 'Cottonmouth' de lui donner une mort naturelle.
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Il y a au moins deux bonnes raisons de ne pas voir Nicholas Ray comme une simple mention au générique. D'abord la relative hétérogénéité dans la mise en scène d'un scénario sans doute intangible. Drame philosophico-écologique (paradis perdu, état de nature lockien ou rousseauiste, civilisation en progrès...) en trois actes, Wind Across the Everglades laisse ainsi régulièrement apparaître les stigmates du conflit ayant opposé le réalisateur à son employeur. Mais l'adresse et l'efficacité avec laquelle le sujet est installé (associé dans l'urgence au thème de la prédation à travers une séquence au caractère essentiellement docu-animalier), la sporadique inflexion poétique ou la rigueur dans le réglage du cadre doit ensuite et sans hésitation être attribuées au futur auteur de The Savage Innocents. Le bel et un peu atypique (irrationnel ?) antagonisme entre les deux personnages principaux, entourés de "caractères" hétéroclites (parmi lesquels Pat Henning, le clown Emmett Kelly et le discret débutant au cinéma Peter Falk) constitue l'un des atouts majeurs du film.
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1. début modifié du poème "The Spider and the Fly" (1929) de Mary Howitt.
2. à l'époque où son père Benjamin Percival ne dirigeait déjà plus la Paramount mais où lui-même appartenait encore au CPUS. "What Makes Sammy Run?", son premier roman, ne paraît qu'en 1941.
3. l'un des huit (sur 12 nominations) décernés par les 27e Academy Awards.
4. interprète de Sam le shérif dans East of Eden et second rôle, également en 1958, de Cat on a Hot Tin Roof et The Big Country.



mercredi 25 mai 2011

Black Water


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Moins inutilement sophistiqué que Rogue également australien et sorti la même année, ce ozploitation movie based on real facts se montre dans l'ensemble plus élémentaire, compact et efficace.
Il bénéficie en outre d'un décor de choix, une mangrove isolée au Nord du pays, à l'atmosphère rendue anxiogène parce qu'elle constitue le repaire d'un redoutable prédateur naturel.

samedi 21 mai 2011

Tenspeed and Brown Shoe (timide et sans complexe)


"- Il parle sérieusement ou non ?
- Oh jamais ou presque !"

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Co-auteur avec Edward Hume de Toma puis maître d'œuvre de Baa Baa Black Sheep et The Rockford Files, Stephen J. Cannell lance aussitôt après la fin de cette dernière série (dans laquelle James Garner avait Noah Beery Jr. pour père) un projet tout à la fois semblable et pourtant assez différent. S'il est toujours question de détective en amplifiant la composante humoristique, Tenspeed and Brown Shoe se caractérise par une association inédite, celle de deux personnalités très distinctes aux complémentarités intéressantes sur le plan narratif. Programmé sur CBS en janvier 1980, le pilot réalisé par E.W. Swackhamer (qui venait de diriger, toujours pour la télévision, James Coburn dans The Dain Curse tiré de Dashiell Hammett) met en effet aux prises un autre ancien taulard et un courtier en bourse dont le rêve est de devenir un privé. Astucieux, adepte du déguisement, magouilleur, un peu trouillard et terriblement bavard, E.L. ("Early Leroy", Eddie ou Eddy en v.f.) 'Tenspeed' Turner n'hésite pas, lorsque cela l'arrange ou se révèle nécessaire, à s'affranchir des bornes de la légalité. Naïf jusqu'à l'idéalisme, maladroit mais troisième dan de karaté, scrupuleux presque à l'excès, l'infantile (malgré ses vingt-huit ans) Lionel Whitney voue lui une admiration sans borne à son modèle Mark Savage, le héros des polars (dont la lecture ponctue les épisodes) signés par (autodérision par) un certain Stephen J. Cannell.
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Dans le sillage informel des bien plus durables Starsky and Hutch ou Charlie's Angels, Tenspeed and Brown Shoe a suscité d'emblée une réelle sympathie auprès des téléspectateurs. Bien connu pour ses prestations dansées et chantées, le comédien Ben Vereen (second rôle dans Funny Lady, All That Jazz et notamment titulaire de celui de 'Chicken' George Moore dans la mini-série Root) apporte un virevoltant dynamisme aux treize épisodes de cette comédie policière. Aperçu ici ou là (en particulier dans Nashville ou Invasion of the Body Snatchers), Jeff Goldblum contribue indéniablement, à travers ce personnage (propriétaire d'une insolite Triumph TR7 britannique, symbole d'une certaine forme d'échec automobile) et cette interprétation décalés, à la singularité de Tenspeed and Brown Shoe. Stephen J. Cannell n'a cependant pas pu empêcher l'installation d'une relative uniformisation, voire répétition dans les scripts, probable explication de son interruption précoce. Assaisonnée autrement, la recette fut néanmoins reprise pour l'écriture de Simon & Simon puis de Moonlighting.