vendredi 25 septembre 2009

Knowing (prédictions)


"Just a bad dream."

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Mitonné depuis près de dix ans(1), le projet imaginé par Ryne Douglas Pearson (auteur de Mercury Rising), en nous prédisant un avenir brûlant, rejoignait en mars dernier la longue cohorte des productions "catastrophe"(2). Une recette cinématographique traditionnelle, particulièrement appréciée aux Etats-Unis, dont l'origine pourrait bien remonter au Deluge du new-yorkais Felix Ellison Feist. Confié aux bons soins de l'Australien Alex Proyas (Dark City, I, Robot) par Todd Black et Jason Blumenthal(3), Knowing a connu un relatif succès commercial(4) sans tenir néanmoins toutes ses promesses artistiques.
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Lexington (Massachusetts), 1959. Triste et solitaire, Lucinda Embry est élève à la nouvelle école élémentaire William Dawes. Son idée d'enfouissement d'une capsule temporelle, renfermant les dessins du futur tel que l'imaginent ses camarades, a été choisie pour marquer la cérémonie d'inauguration officielle de l'établissement. La jeune fille a, pour sa part, aligné frénétiquement une étrange série de chiffres que son enseignante, Miss Taylor, l'a empêché de compléter. Une fois la fête achevée, Lucinda disparaît ; elle est retrouvée, les ongles en sang, par Miss Taylor dans un réduit du sous-sol. Cinquante ans plus tard, c'est à Caleb Koestler qu'est remise l'enveloppe contenant le document de Lucinda qui la ramène chez lui par inadvertance. L'enfant déficient auditif reste, tout comme son père, inconsolable du décès de sa mère Allison intervenu un an plus tôt. Jonathan 'John', professeur d'astrophysique au M.I.T., remarque une des séquences de chiffres et découvre qu'à la date du funeste 9/11 est associée le décompte précis de ses victimes. En poussant son analyse, il doit constater que, même si certains nombres paraissent superflus, le feuillet recense de façon identique les plus grandes catastrophes mondiales du demi-siècle qui vient de s'écouler. Selon ce principe, l'humanité devrait encore connaître trois désastres majeurs.
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L'apocalypse est-elle pour demain ? Sommes-nous seuls dans l'univers ? C'est en apportant une réponse à ces deux questions, sans réel souci du paradoxe, et en esquissant celle posée par la dialectique métaphysique du déterminisme et de la coïncidence que s'élabore le scénario de Knowing. L'idée de départ était plutôt bonne. Son développement ainsi que son exploitation s'avèrent nettement plus contestables. D'abord parce que la survenance de deux des trois dernières catastrophes sur le sol étasunien affaiblit le récit (le crash aérien, filmé en plan-séquence, et l'accident ferroviaire y sont en effet moins meurtriers que certaines inondations en Namibie et en Indonésie, que le séisme dans les Abruzzes ou qu'un typhon à Taïwan). Ensuite, parce qu'à partir du terrifiant décodage, le scénario, la mise en scène et les interprétations semblent curieusement perdre leur axe, devenir excentriques, comme désarticulées. Parfois spectaculaire, la réalisation copieusement soutenue par les effets spéciaux hésite entre l'effroi, l'espoir surnaturel et la relation père-fils, réputée centrale. Mais en focalisant l'attention du spectateur sur les phénomènes, en gérant assez mal le rythme et la chaotique évolution de l'incroyance vers la foi de Koestler, en négligeant enfin les personnages secondaires, Knowing reste en-deçà de son potentiel narratif.
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1. d'abord, semble-t-il, sur les fourneaux de la Columbia avec Rod Lurie puis Richard Kelly comme potentiels maître queux.
2. où apparaissent, avant lui et en attendant 2012, Independence Day, Twister, War of the Worlds, Armageddon, The Day After Tomorrow et Deep Impact.
3. déjà associés sur le remake The Weather Man avec Nicolas Cage, The Pursuit of Happyness et Seven Pounds.
4. avec plus de 176M$ de recettes (dont près de 55% à l'étranger), l'amortissement du film doté d'un budget d'environ 50M$ est assuré.

lundi 21 septembre 2009

Dachimawa Lee (crazee lee, agent secret coréen)


"Tout était truqué !"

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Ryoo Seung-wan a, c'est le moins que l'on puisse dire, de la suite dans les idées. Dix ans après sa première production, le court métrage éponyme, le jeune cinéaste sud-coréen (récompensé par la presse dans le cadre de la "Quinzaine des réalisateurs" 2005) s'aventurait à lui donner une version longue, toujours avec Lim Won-hie dans le rôle titre. Sympathique comédie parodique des films d'espionnage, Dachimawa Lee devenait ainsi, sans démériter et en apportant ses singularités "propres", le représentant oriental du club fermé auquel appartenaient déjà les inspecteur Clouseau (The Pink Panther), Maxwell Smart (Get Smart), Frank Drebin (The Naked Gun) ou encore Austin Powers. Inédit en France (hormis présentations festivalières) comme les précédents, ce septième long métrage de Ryoo procure, pour qui sait l'apprécier, un salutaire moment de divertissement... presque débridée !
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1942. Dans l'ambassade de l'URSS à Pékin où une réception est donnée, l'agent coréen Dachimawa Lee parvient à confondre et à éliminer sa compatriote Jang Sook-ja, par amour au service du Japonais Tamanegi. Ce dernier participe, peu après, à une réunion nippo-chinoise destinée à obtenir la liste, cachée dans une statuette en or de Bouddha, des agents coréens qui appuient la résistance en Mandchourie. A l'écart, le secret Shadowman affirme aux quatre interlocuteurs savoir où se trouve l'objet en question et leur donne rendez-vous à la conférence internationale des espions en Suisse. Découverte alors qu'elle écoutait les échanges, Yeon-ja, la partenaire de Lee, tente d'échapper à ses ennemis mais disparaît. Dans le train qui l'emmène Shanghai, Lee déjoue le vol de Lynx des montagnes, un malfaiteur qui lui voue une grande admiration et qui, pour cela, promet de s'amender. A destination, il vient en aide à une jeune femme malmenée par cinq individus. Celle-ci se révèle être Marie, sa nouvelle co-équipière, et les agresseurs des agents coréens souhaitant le mettre à l'épreuve. Instrumenté par le prof. Nam lors d'un bref passage au centre de recherche l'université de Princeton, Lee part à la recherche de la statuette également convoitée par le gang dirigé par Wang.
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"Arrête ton cinéma !". Succédant à Jjakpae, polar pur et dur, Dachimawa Lee nous prend sérieusement à contre-pied avec ce récit des surprenants exploits d'un lointain et asiatique confrère de James Bond. Figure héroïque nationale, (comme seul le continent du levant, depuis la disparition de l'Union Soviétique, sait ainsi en produire), Lee semble en effet issu de l'improbable et visiblement non contrôlé hybridation du célèbre agent 007 britannique avec le courageux intellectuel étasunien Indiana Jones. Il hérite aussi, incidemment, du code génétique (modifié) de Wang Kang, le fameux sabreur manchot de la trilogie Dubei dao initiée en 1967 par le Chinois Chang Cheh. Au milieu du doux délire qui caractérise son film, Ryoo Seung-wan cible évidement le film d'action des décennies 1960-70 tout en n'hésitant pas à brouiller les pistes du genre et à lancer quelques clins d'œil musicaux (une prouesse physique !)** à quelques illustres productions étrangères, à tous les sens du terme. Dans son quatrième rôle confié par le réalisateur et aux côtés d'un discret mais efficace trio féminin, Lim Won-hie (aperçu dans le segment de Sam gang yi tourné par Park Chan-wook puis dans le nettement plus dramatique Jumeogi unda) contribue grandement au décalage visé par le film.
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*notamment le thème herrmannien de Psycho ou la sarabande haendelienne utilisée par Kubrick dans Barry Lyndon.