vendredi 27 février 2009

Surveillance


"I know who you are."

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On la croyais perdue pour le cinéma après l'accueil réservé à son premier film, le sulfureux Boxing Helena présenté au Sundance Film Festival et auquel elle devait de succéder à David Seltzer au titre de pire réalisateur des 14e Razzie Awards. Quinze ans plus tard, Jennifer Chambers Lynch resurgissait donc de nulle part avec un polar lancinant et névrotique. Elu meilleur film au festival catalan de Sitges, Surveillance permettait à la fille aînée de David Lynch et à sa jeune actrice Ryan Simpkins d'être honorées lors du 7e New York City Horror Film Festival.
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Un couple a été victime d'un épouvantable crime commis en plein nuit par deux individus masqués. L'homme a très rapidement succombé à la violente agression ; la femme, qui a tenté de s'enfuir, est portée disparue. Les agents du FBI Elizabeth Anderson et Sam Hallaway arrivent bientôt dans le provincial poste de police où les attendent des témoins d'un autre meurtre, sur une route secondaire du comté, susceptible d'avoir été perpétré par les mêmes assassins. Bobbi Prescott, jeune toxicomane, y a perdu son petit ami Johnny, Stephanie a assisté à la mort brutale de son frère aîné, de sa mère et de son beau-père. L'officier Jack Bennet n'a lui rien pu faire pour sauver Jim Conrad, son coéquipier avec lequel il partageait le goût des armes à feu et d'étranges petits jeux d'ordinaire sans conséquences. Malgré les habituelles tensions entre policiers et fédéraux, les trois interrogatoires parallèles débutent selon les règles fixés par ces derniers.
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Présenté en sélection officielle, hors compétition, au dernier Festival de Cannes, Surveillance commence, dès l'agressive séquence pré-générique, par nous cueillir à froid avant de laisser significativement retomber la tension en associant pas à pas, en flash-back, les pièces de cet intriguant et un peu crispant puzzle narratif. Ecrit à quatre mains avec Kent Harper, surtout connu en tant qu'acteur et producteur, le scénario, déchargé de sa dimension fantastique initiale et agencé avec astuce, se montre à la fois plutôt prenant et perturbant. Tout en se démarquant de celui de son illustre père, l'univers de Jennifer Lynch se caractérise toutefois par une "implication morale" complexe et ambiguë assez proche ainsi que par un goût identique pour la dualité et pour un romantisme morbide. Intéressant.



La Banda J.S.: Cronaca criminale del Far West (far west story)


"... Sauf que lui, j'arrive à le semer. Toi, c'est pas possible."

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Sorti quatre mois avant Che c'entriamo noi con la rivoluzione?, cet antépénultième western (-spaghetti, on en voit même à l'écran !) signé par Sergio Corbucci pourrait laisser indifférent s'il était pris trop au sérieux. La Banda J.S.: Cronaca criminale del Far West est en effet avant tout une comédie sans ambition narrative prononcée. Co-écrit notamment par le duo Mario Amendola (collaborateur des frères Corbucci sur le dramatique Il Grande silenzio) et Sabatino Ciuffini (Gli Specialisti), l'histoire semble vouloir offrir une version primitive du Bonnie and Clyde de Penn.
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Hors-la-loi par nécessité mais aussi par conviction, Jed Trigado doit rencontrer Aparicito en ville pour échanger une portée de jeunes truies contre une vache. Pour encaisser les cent dollars de prime offerts, ce dernier a informé le shérif Franciscus Dalton, obsédé par la capture de ce modeste bandit en raison d'un vieux contentieux. Trigado réussit à s'enfuir grâce notamment à l'aide opportune et intéressée de Sonny, une jeune femme qu'il prend d'abord pour un garçon. Celle-ci, bien décidée à devenir son partenaire de détroussement, le suit obstinément et obtient d'être associée, même maladroitement, au vol des passagers d'une diligence. Abandonnée par Trigado, Sonny est arrêtée et sommairement condamnée à quatorze ans de réclusion à la prison de Yuma. Apprenant la nouvelle par son amie maquerelle Laureen, Trigado la délivre pendant son convoyage par Aparicito placé sous la surveillance à distance de Franciscus et de ses hommes.
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Bien que concocté à six, le scénario de La Banda J.S... manque singulièrement de matière. Le récit criminel sert en effet surtout de prétexte à la mise en scène des incessantes, machistes et répétitives péripéties relationnelles puis conjugales entre les deux personnages-titre. A quelques exceptions près, la décennie 1970 sera d'ailleurs plutôt décevante pour Tomas Milian, ici aux côtés de la Britannique Susan George qui tenait l'année précédente le rôle de l'épouse de Dustin Hoffman dans Straw Dogs de Peckinpah. Habitué aux productions européennes et italiennes depuis Città violenta de Sergio Sollima avant d'atteindre la notoriété grâce à la série Kojak, Telly Savalas doit se contenter d'un rôle au final peu étoffé. Enfin, le score (partiellement sifflé ou interprété à l'harmonica) d'Ennio Morricone ne fait preuve d'aucune véritable originalité.




O' Cangaçeiro


"L'éliminer... ne veux pas dire le tuer."

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A ne pas confondre avec le drame homonyme écrit et réalisé par le documentariste brésilien Lima Barreto (récompensé au festival de Cannes 1953 et remaké par son compatriote Anibal Massaini Neto quarante-quatre ans plus tard), O' Cangaçeiro est le troisième film du cinéaste italien Giovanni Fago. Après deux purs westerns, l'ancien assistant de Vittorio De Sica et de Lucio Fulci notamment décide de franchir l'équateur pour illustrer, avec drôlerie et romanesque, le phénomène héroïque et populaire du Cangaço, disparu en 1940*. Au moment où naissait le personnage piémonto-étasunien Trinità et où William A. Fraker s'interrogeait, à partir de l'ouvrage de Jack Warner Schaefer, sur le sens du Far West, Fago abordait, sous l'apparence d'un récit d'aventure folklo-exotique, le thème de la révolution** sous un angle encore un peu idéaliste.
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Seul rescapé du massacre de son village, où s'était arrêté le petit groupe de cangaçeiros de Firmino, perpétré par les soldats du colonel Minas, Espedito est recueilli et soigné par l'ermite Julien. Convaincu par les propos mystiques et prophétiques de ce dernier, le survivant se présente désormais comme le Rédempteur et nouveau roi du Cangaço à la difficile recherche de ses apôtres. Enfermé pour tapage et insultes par Minas dans les prisons de la forteresse d'Angicos à l'occasion de la visite de l'évêque Pedreira Suza, Espedito réussit à s'échapper, libérant ses compagnons de cellule qui deviennent ainsi le premier cercle de la bande armée qu'il va bientôt réunir et diriger dans le Sertão. C'est dans cette région du Nordeste, contrôlée par ses hommes avec l'appui de la population, que le chef-bandit va être amené à croiser le Hollandais et industriel du pétrole Vincenzo Helfen. Pour pouvoir exploiter les ressources en hydrocarbures découvertes par celui-ci en Agua Branca, l'Européen imagine un stratagème destiné à neutraliser celui que les autorités ont surnommé le 'Fou'.
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Il n'est évidemment pas innocent de voir le naïf Espedito s'engager pas à pas dans une lutte acharnée contre le pouvoir pour venger la perte de sa génisse blanche (plus que le meurtre de son père !). N'est-il pas le représentant symbolique de ceux qui ne possède que leur vie. Personnage foncièrement contradictoire (comme d'ailleurs le terme cangaceiro), vaguement pétri d'illuminisme, ce paysan sans terre ni bétail apparaît, tour à tour ou en même temps, comme un bandit, un homme lige et un mercenaire... épris d'une justice orientée, pour ne pas dire égoïste. Sorte de chanson de geste filmique, O' Cangaçeiro trouve en Tomas Milian un interprète principal idéal. L'acteur cubo-étasunien découvert par Mauro Bolognini, formé à l'Actor's Studio et récent partenaire de Lee Van Cleef chez Sergio Sollima, sait en effet apporter à son personnage ce subtil mélange de force et de vulnérabilité qui en fait tout l'intérêt. Au point d'éclipser un peu les prestations du Toscan Ugo Pagliai et du Galicien Eduardo Fajardo, aperçu dans Django. O' Cangaçeiro donne en tout cas une furieuse envie de revoir Deus e o Diabo na Terra do Sol du Brésilien Glauber Rocha !
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*avec la mort du dernier grand chef de bande, Corisco dit le 'Diable blond'.
**surtout mexicaine, au cœur entres autres des scénarii de El Chuncho, ¿quién sabe? de Damiani, de Vamos a matar, compañeros avec Tomas Milian et de Il Mercenario de Corbucci, de Un Esercito di cinque uomini sans oublier Giù la Testa de Leone.