"L'éliminer... ne veux pas dire le tuer."
A ne pas confondre avec le drame homonyme écrit et réalisé par le documentariste brésilien Lima Barreto (récompensé au festival de Cannes 1953 et remaké par son compatriote Anibal Massaini Neto quarante-quatre ans plus tard), O' Cangaçeiro est le troisième film du cinéaste italien Giovanni Fago. Après deux purs westerns, l'ancien assistant de Vittorio De Sica et de Lucio Fulci notamment décide de franchir l'équateur pour illustrer, avec drôlerie et romanesque, le phénomène héroïque et populaire du Cangaço, disparu en 1940*. Au moment où naissait le personnage piémonto-étasunien Trinità et où William A. Fraker s'interrogeait, à partir de l'ouvrage de Jack Warner Schaefer, sur le sens du Far West, Fago abordait, sous l'apparence d'un récit d'aventure folklo-exotique, le thème de la révolution** sous un angle encore un peu idéaliste.
Seul rescapé du massacre de son village, où s'était arrêté le petit groupe de cangaçeiros de Firmino, perpétré par les soldats du colonel Minas, Espedito est recueilli et soigné par l'ermite Julien. Convaincu par les propos mystiques et prophétiques de ce dernier, le survivant se présente désormais comme le Rédempteur et nouveau roi du Cangaço à la difficile recherche de ses apôtres. Enfermé pour tapage et insultes par Minas dans les prisons de la forteresse d'Angicos à l'occasion de la visite de l'évêque Pedreira Suza, Espedito réussit à s'échapper, libérant ses compagnons de cellule qui deviennent ainsi le premier cercle de la bande armée qu'il va bientôt réunir et diriger dans le Sertão. C'est dans cette région du Nordeste, contrôlée par ses hommes avec l'appui de la population, que le chef-bandit va être amené à croiser le Hollandais et industriel du pétrole Vincenzo Helfen. Pour pouvoir exploiter les ressources en hydrocarbures découvertes par celui-ci en Agua Branca, l'Européen imagine un stratagème destiné à neutraliser celui que les autorités ont surnommé le 'Fou'.
Il n'est évidemment pas innocent de voir le naïf Espedito s'engager pas à pas dans une lutte acharnée contre le pouvoir pour venger la perte de sa génisse blanche (plus que le meurtre de son père !). N'est-il pas le représentant symbolique de ceux qui ne possède que leur vie. Personnage foncièrement contradictoire (comme d'ailleurs le terme cangaceiro), vaguement pétri d'illuminisme, ce paysan sans terre ni bétail apparaît, tour à tour ou en même temps, comme un bandit, un homme lige et un mercenaire... épris d'une justice orientée, pour ne pas dire égoïste. Sorte de chanson de geste filmique, O' Cangaçeiro trouve en Tomas Milian un interprète principal idéal. L'acteur cubo-étasunien découvert par Mauro Bolognini, formé à l'Actor's Studio et récent partenaire de Lee Van Cleef chez Sergio Sollima, sait en effet apporter à son personnage ce subtil mélange de force et de vulnérabilité qui en fait tout l'intérêt. Au point d'éclipser un peu les prestations du Toscan Ugo Pagliai et du Galicien Eduardo Fajardo, aperçu dans Django. O' Cangaçeiro donne en tout cas une furieuse envie de revoir Deus e o Diabo na Terra do Sol du Brésilien Glauber Rocha !
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*avec la mort du dernier grand chef de bande, Corisco dit le 'Diable blond'.
**surtout mexicaine, au cœur entres autres des scénarii de El Chuncho, ¿quién sabe? de Damiani, de Vamos a matar, compañeros avec Tomas Milian et de Il Mercenario de Corbucci, de Un Esercito di cinque uomini sans oublier Giù la Testa de Leone.
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