mercredi 25 juillet 2012

Hanyo (la servante)


"Ici, on avale si c'est sucré, on crache si c'est amer..."

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Découvert pour nombre d'amateurs de cinéma asiatique à l'occasion de la rétrospective organisée par la Cinémathèque française en novembre-décembre 2006, Hanyo n'a, plus d'un demi-siècle après sa production, toujours rien perdu de son caractère insolite et intrigant. Le huitième film (et premier volet d'une variation en trois mouvements, complété par Hwanyeo puis Hwanyeo '82) du Coréen Kim Ki-young se situe en effet à la lisière de genres disparates, réussissant contre toute attente leur synthèse sous l'apparence d'un excentrique, finalement "fabuleux" thriller domestique(1). A bien des égards, l'ancien étudiant en médecine représente d'ailleurs sans doute le plus bunuélien(2) des cinéastes extrême-orientaux. Avec Chungyo notamment, Hanyo en constitue une preuve assez (é)patente.
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Parce qu'elle a transmis, avec la complicité de sa collègue et amie Cho Kyung-hee, un billet doux au directeur de chorale M. Kim, l'ouvrière Kwak Seon-yeung est convoquée par la surveillante de l'usine et exclue pendant trois jours. Après cet incident, Cho se porte candidate aux cours particuliers de piano proposés par Kim destinés à consolider financièrement l'installation de sa famille dans une plus vaste maison. Sollicitée par son professeur, elle trouve parmi les employées une jeune femme chargée de suppléer pour les tâches ménagères l'épouse de celui-ci, couturière à domicile et presque au terme de la grossesse de leur troisième enfant. Le décès de Kwak est peu après annoncé à l'usine. Au cours de l'enterrement auquel il assiste avec Cho, Kim est fustigé par la mère de la défunte. Le soir, Cho lui avoue être amoureuse de lui. Lorsqu'il la repousse, elle le menace en vain. Depuis le balcon, la servante a discrètement assisté à la scène.
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"Les rats mourraient. Mais ils avaient têtes humaines." Un cauchemar prémonitoire fait par Mme Kim peu après l'entrée en service de la servante et son installation dans la nouvelle demeure familiale. Drame psychologique balayé par d'irrésistibles tensions érotico-horrifiques(3), le récit est sans cesse parcouru par l'obsession (ou la dévotion) amoureuse, la culpabilité et la lâcheté masculine ; les sentiments, en particulier la sacralisation de la famille, y paraissent également galvaudés, pervertis par la consommation. Avec Hanyo, Kim Ki-young propose en quelque sorte une reformulation du film-noir, sans flic ni voyou mais où la figure de la femme-fatale tient toujours une place essentielle et décisive. Le potentiel interprétatif de la jeune débutante Lee Eun-shim n'a pourtant, élément curieux, plus jamais été exploité au cinéma. La relative discordance (consciente ?) du scénario(4) participe au trouble général que suscite le film. Sans preuve formelle d'une influence objective du cinéma de Kim Ki-young sur son cadet Park Chan-wook, les deux cinéastes partagent néanmoins, à l'évidence, une proche fascination pour une certaine cruauté violente et morbide. C'est toutefois Im Sang-soo qui, il y a deux ans, en a signé une libre adaptation.
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1. plus que "mélodrame baroque", label idio-matique affublé par certains.
2. en 1960, le réalisateur de Susana quitte le Mexique pour retourner en Espagne y diriger Viridiana.
3. amplifiées par une bande originale percutante et souvent atonale.
4. les désirs, velléités (en premier lieu ceux de Cho) et enjeux ne sont en effet jamais très clairs.

samedi 21 juillet 2012

Blackthorn


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Quel réalisateur contemporain peut se vanter d'avoir dirigé un western (ici aussi "southern" !) aussi réussi, voire mieux que les grands classiques des fastes années hollywoodiennes ? Un Espagnol, natif des Canaries, et pour son deuxième long métrage de cinéma !
Fondé sur la possible fuite, étayée par des analyses ADN réalisées en 1991, de Robert LeRoy Parker alias Butch Cassidy, Blackthorn, sorte de tardive et splendide suite du mémorable mais romancé film de George Roy Hill, constitue une des plus belles surprises du genre (avec notamment Appaloosa et True Grit) de ces dernières années.
Et il n'est pas si fréquent de figurer aussi subtilement l'amitié, la loyauté, l'honnêteté à travers un présumé brigand, même repenti.
Au sein d'un casting, en grande partie composé de locaux, réellement épatant, Sam Shepard offre une interprétation assez formidable aux côtés d'Eduardo Noriega et de l'Irlandais Stephen Rea.
Si le western peut connaitre un valeureux troisième âge, il le doit assurément à des cinéastes tels que Mateo Gil et Miguel Barros.

The Woman in Black (la dame en noir)


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Très bon drame d'épouvante et de maison hantée, domaine pourtant riche en références. Etrangement, la production et le réalisateur James Watkins sont parvenus à retrouver, en l'actualisant, cette saisissante atmosphère si caractéristique des grandes années de la Hammer.
Difficile d'imaginer un autre acteur que Daniel Radcliffe, sur lequel repose la presque totalité de ce Woman in Black, interpréter le personnage à la fois tourmenté et déterminé qu'est Arthur Kipps. Surtout face à l'Irlandais Ciarán Hinds (successeur de Jim McManus dans le rôle d'Aberforth Dumbledore pour le dernier volet de la franchise Harry Potter) qui n'est pas vraiment n'importe qui.
Nous attendons donc désormais la suite programmée, Angels of Death, avec impatience... mâtinée néanmoins d'une certaine inquiétude !

mardi 17 juillet 2012

Maigret tend un piège


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Le meilleur Maigret porté au cinéma ? Sans doute, la série avec Bruno Cremer dans le rôle-titre lui faisant cependant, sur l'autre média et la durée, une sérieuse concurrence.
Assez prenante, la résolution de cette enquête au cœur du Marais, à deux pas du domicile du célèbre commissaire divisionnaire, tourne néanmoins un peu trop vite à l'avantage de celui-ci.
La séquence au cours de laquelle Maigret découvre un étrange passage ayant peut-être permis au criminel d'échapper à ses poursuivants m'apparaît la plus intrigante et intéressante sur le plan de l'atmosphère.
Après Pierre Renoir, Abel Tarride, Harry Baur, Albert Préjean, Charles Laughton himself, Michel Simon et Maurice Manson, Jean Gabin ne déçoit évidemment pas, même s'il a tendance à tirer, aidé par Audiard, le personnage vers lui. La performance la plus étonnante et convaincante reste toutefois celle de la jeune comédienne Annie Girardot (elle avait fait, derrière Gabin, une figuration dans Le Rouge est mis de GrangierVentura apparaissait aussi), épatante de finesse et de nuance.