jeudi 24 février 2011

Soul Men


"This shit ain't over 'til we say it's over, all right?"

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Bercé pendant son enfant par le soul et le Rhythm&Blues(1) des labels Stax (Memphis), Atlantic (New York) ou Motown (Détroit), le quadragénaire Malcolm D. Lee fait un peu figure, depuis son premier film The Best Man, d'héritier de la blaxploitation (pastiché dans Undercover Brother). La cinquième réalisation du cousin de Spike atteste de cette précoce et (con)substantielle influence culturelle. Signé par Robert Ramsey et Matthew Stone (Intolerable Cruelty), le scénario de cette comédie musicale trouve en effet sa source d'inspiration dans un autre duo, Sam & Dave(2), dont le répertoire reste marqué par "Hold On, I'm Comin'" et "Soul Man" (logiquement mis au pluriel pour donner son titre au film) composés en 1966-67 par Isaac Hayes et David Porter. Réunis pour cette unique occasion au cinéma, Samuel L. Jackson et Bernie Mac (stand-up comedian, titulaire du rôle de Frank Catton dans la trilogie Ocean's Eleven et décédé la vieille de la mort du compositeur de Shaft quatre mois après la fin du tournage) animent avec effusion ce Soul Men.
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Retraité peu enthousiaste après avoir cédé à son neveu l'affaire de lavage de voitures créée pour sa reconversion, Floyd Henderson s'ennuie ferme. L'annonce du décès de Marcus Hooks, leader du célèbre trio vocal auquel il appartenait dès les années 1960 ayant lui poursuivi à partir de juillet 1977 une glorieuse carrière solo, et du concert-hommage organisé par le patron de label Danny Epstein cinq jours plus tard à l'"Apollo" lui donne l'espoir d'un éventuel come-back du "Real Deal". Après avoir réussi, en acceptant un partage inégal du cachet, à convaincre l'ex-taulard et très réticent Louis Hinds de l'accompagner à New York, Floyd et son ancien partenaire aviophobe débutent leur traversée du pays à bord du cabriolet "Eldorado" Cadillac appartenant au premier. Les deux hommes ne s'apprécient guère, un contentieux privé les ayant radicalement opposé à la suite de la dissolution de leur duo en 1979. Pour se remettre en voix et en jambes en vue de leur prestation révérencielle, Floyd et Louis s'essaient à quelques concerts d'étape.
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Soul Men, co-produit par David T. Friendly (Little Miss Sunshine), contient de véritables morceaux jouissifs qui justifieraient à eux seuls une évaluation maximale. La divertissante fiction de Malcolm Lee n'égale toutefois pas sur ce plan l'excellent documentaire nostalgique d'Alan Slutsky et Paul Justman. Elle a plutôt en ligne de mire The Blues Brothers de John Landis, assorti d'un bien joli lot de guest-stars, se situant plus proche, à la tonalité près, du drame de et avec Robert Townsend The Five Heartbeats. Si l'on fait fi des épisodes salaces de la première partie du métrage, compromis à vocation populaire (au mauvais sens du vocable), Soul Men dispose d'atouts non négligeables. La simplicité linéaire du récit, la vivacité du rythme et des f.ckin dialogues (v.o. obligatoire !), une réalisation sans esbroufe, des séquences musicales plaisantes et, last but not least, un duo de performeurs percutant mais à vrai dire peu contesté par les seconds rôles à l'exception notable de Sharon Leal, actrice de télévision aperçue dans Dreamgirls. Un bon remède en somme pour dérouiller des articulations et des zygomatiques mis à mal par un hiver rude... entre autres.
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1. un genre animé au cours des 70's par The Jackson 5, Aretha Franklin, Stevie Wonder, Marvin Gaye, Al Green, Earth, Wind & Fire et James Brown notamment.
2. certes moins connu qu'Otis Redding, Wilson Pickett ou William Bell également sous contrat Stax Records ; pour les affranchis, il interprète le "Come On, Come Over", deuxième titre du premier album solo (1976) de Jaco Pastorius.

mercredi 23 février 2011

Wizards (les sorciers de la guerre)


"I'm too old for this sort of thing. Just wake me up when the planet's destroyed."

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Y a-t-il une vie après Fritz the Cat(1) ? Ou, pour poser la question de manière moins frontale, quelle piste artistique Ralph Bakshi pouvait-il explorer à la suite de cette subversive satire libido-sociale des années 1960 ? Heavy Traffic puis Coonskin avaient laisser croire en un enracinement dans cette niche catégorielle. Puis vint, proche et très dissemblable à la fois, cet étonnant Wizards. Sortie plusieurs mois avant Star Wars et Close Encounters of the Third Kind(2), cette fable martiale et futuriste se situe à la croisée des chemins de The Lord of the Rings (que Bakshi adaptera ensuite), du nipponime et de certains courts métrages d'animation, vecteurs de l'opposition à la guerre du Viêt-nam.
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Très longtemps après la dévastation de la Terre par le terrorisme, quelques humains ont été protégés des radiations radioactives à l'origine de la mutation des autres survivants du chaos. Au paisible pays de Motagar, peuplé de fées, d'elfes et de nains, Delia la reine des premières a donné naissance à des jumeaux, le gentil magicien Avatar et le sorcier mutant Blackwolf. Le décès de leur mère se traduit aussitôt par une lutte acharnée pour le pouvoir entre les deux frères dont Avatar sort vainqueur. Trois mille ans plus tard à Scortch, le fief de Blackwolf, celui-ci ourdit sa vengeance en préparant une troisième guerre contre Motagar. Pour assurer ses chances de victoire, il a exhumé une arme ancienne susceptible de galvaniser ses troupes.
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Véritable succès lors de sa sortie, révéré par de nombreux amateurs du genre aux Etats-Unis et pourtant méconnu en France, Wizards est une œuvre vraiment singulière. Allégorie mythologique de l'opposition millénaire du bien et du mal issus de la même matrice, caractérisée ici par la rivalité entre la magie (humanité ?) et la technologie, ce film produit par la Fox (studio promoteur de Planet of the Apes notamment) se nourrit paradoxalement de sa relative discordance et de son évidente hétérogénéité. Y compris sur le plan graphique. Associer ses propres créations à celles de l'illustrateur britannique Ian Miller ou de l'auteur de bandes dessinées Mike Ploog ("Ghost Rider", "Werewolf by Night") ne constitue-t-il pas un réel tour de force réussi par Ralph Bakshi ? Sans oublier les incorporations stylisées ou en rotoscopie de fictions historiques et documentaires(3). Tour à tour d'une intense gravité et d'une drôlerie candide, Wizards nous entraîne vers un univers peut-être moins lyrique que celui du contemporain René Laloux mais tout aussi saisissant.
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1. premier long métrage d'animation de Ralph Bakshi succédant à une quarantaine de courts.
2. The Rescuers ou encore Saturday Night Fever ; mais aussi quelques semaines après l'élection du démocrate Jimmy Carter à la présidence des Etats-Unis.
3. Triumph des Willens, Aleksandr Nevskiy, El Cid, Zulu, Battle of the Bulge et Patton.