jeudi 17 février 2011

Kiss of the Spider Woman (le baiser de la femme araignée)


"... Otherwise, I will... escape in my own way, thank you."

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La probabilité de voir un roman très singulier devenir un film exceptionnel n'est, il faut en convenir, pas si élevée. Kiss of the Spider Woman relève indubitablement ce pourcentage. L'ouvrage éponyme ("El Beso de la mujer araña") publié en 1976 puis adapté pour le théâtre en 1983 par l'Argentin installé à Mexico Manuel Puig avait fait forte impression à son époque. Tant par son contenu narratif que par la forme littéraire employée(1) par cet ancien étudiant en cinéma qui s'était longtemps rêvé scénariste. En conservant évidemment l'essence fantasmatique, le caractère insolite de l'ouvrage original, le drame réalisé par son compatriote devenu Brésilien Héctor Babenco (Pixote) à partir du scénario de Leonard Schrader(2) le transpose, au sens analytique du terme, de manière assez exemplaire.
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Luis Alberto Molina et Valentin Arregui partagent la même cellule du pavillon IV d'un pénitencier pauliste. Le premier, étalagiste homosexuel, délicat et efféminé, a été condamné à une peine de huit ans pour incitation de mineur à la débauche. Incarcéré pour son appartenance à un groupe d'extrémistes politiques selon la qualification des autorités du pays, le second a été soumis à la torture sans jusque-là livrer d'informations susceptibles de permettre l'arrestation de ses compagnons de lutte. Molina aime raconter par épisodes, malgré les sarcasmes de son codétenu, un film qu'il a vu, l'histoire à Paris pendant l'occupation nazie d'une romance entre Leni Lamaison, une belle et sophistiquée chanteuse de cabaret française et Werner, le chef du contre-espionnage allemand. Après avoir constaté la présence d'un nouveau prisonnier politique au visage dissimulé par un sac, Arregui s'interroge sur la raison de la suspension de ses interrogatoires.
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En compétition lors du 38e Festival de Cannes, Kiss of the Spider Woman n'a rien d'un classique drame carcéral(3). Etrangement, il évoque à bien des égards le Midnight Cowboy de John Schlesinger, autre récit d'une improbable amitié. La mutante et subjective confrontation entre deux individus, qu'a priori rien ne lie, sert ici à souligner intimement celle qui oppose en permanence l'imaginaire et la matérialité, l'espoir et la brutalité, les apparences et la réalité, la trahison et l'absolution. La dimension quasi lyrique du film d'Héctor Babenco le libère aussi adroitement de l'étouffement propre au huis clos. Mais l'intérêt suscité par Kiss of the Spider Woman se métamorphose en réelle adhésion grâce à la prestation du duo d'acteur, Raul Julia et William Hurt. La remarquable composition du partenaire de la "veuve noire" Kathleen Turner dans Body Heat, récompensée à juste titre de prix d'interprétation à Cannes, aux BAFTA et aux Academy Awards(4) notamment, confirmait le raffinement et la diversité de son jeu appréciés chez Ken Russell et Lawrence Kasdan.
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1. en particulier le courant de conscience que l'on trouve également dans certaines des œuvres de James Joyce, de Virginia Woolf, de William Faulkner, de Dalton Trumbo ou de Samuel Beckett pour ne citer que quelques auteurs.
2. le frère aîné de Paul.
3. une catégorie dans laquelle il serait plus proche d'un Birdman of Alcatraz que de Papillon.
4. première production indépendante nommée aux "Oscars" dans la catégorie "meilleur film".

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