lundi 31 mai 2010

Gulliver's Travels (les voyages de gulliver)


"... The Man-Mountain's on our side!"

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Lorsqu'il entreprend d'adapter le célèbre roman de Jonathan Swift, Dave Fleischer possède déjà à son actif plus de cinq cents courts métrages d'animation (parmi lesquels ceux des séries Betty Boop et Popeye the Sailor notamment). Associé à son frère aîné Max, le New-yorkais est aussi l'auteur des premières productions sonores (Come Take a Trip in My Airship, My Old Kentucky Home). Avec le soutien (tardif !) de leur distributeur Paramount, le novateur duo tente à la fin des années 1930 de rivaliser avec le concurrent Disney. Bien qu'il rencontre lors de son exploitation un certain succès, Gulliver's Travels ne peut cependant soutenir la comparaison, tant en matière de scénario que sur le plan technique, avec l'historique Snow White and the Seven Dwarfs(1) sorti deux ans auparavant.
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5 novembre 1699. Naufragé d'une terrible tempête dans les mers du Sud, Lemuel Gulliver s'effondre épuisé sur une plage inconnue. Le veilleur de nuit de Lilliput nommé Gabby, découvrant l'immense corps du rescapé au cours de sa ronde, se précipite aussitôt au palais du roi Little III pour l'avertir. Celui-ci est alors occupé à signer le contrat de mariage entre sa fille la princesse Glory et le prince David, le fils de Bombo roi de Blefuscu. Mais parce qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'air joué pendant les célébrations, les deux monarques en viennent à se disputer, Bombo rompant finalement les noces, décision assortie d'une déclaration de guerre. Lorsqu'il peut enfin délivrer son information, Gabby reçoit l'ordre de prendre les mesures de sauvegarde. Avec l'aide d'une partie de la population, il organise le ligotage du géant puis l'installe sur un chariot fabriqué sur place enfin de l'emmener jusqu'au pied du château.
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Porté à l'écran une première fois par Georges Méliès en 1902, la première partie du pamphlétaire récit d'aventures(2) du Dublinois Jonathan Swift voit assez naturellement sa dimension politico-satirique échangée contre un humour léger, presque infantile, sur fond de romance lyrique. Bien que Walt Disney ait affirmé (avec un mépris bilatéral !) pouvoir faire mieux que Gulliver's Travels en mobilisant ses animateurs de second rang, le film de Dave Fleischer(3) suscite la considération pour son ingéniosité artistique (la longue séquence manufacturière constitue une patente/épatante démonstration), en particulier le travail réalisé sur les jeux de lumière. Il faut également souligner le choix d'opposition formelle entre personnages caricaturaux et ceux "rotoscopés" (Gulliver, Glory et David) beaucoup plus réalistes. Nommé dans deux catégories musicales lors de la 12e cérémonie des Academy Awards, Gulliver's Travels reste l'un des rares témoignages d'Avant-guerre d'une possible alternative au monopole Disney.
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1. premier long métrage d'animation US dont la production a duré trois fois plus de temps.
2. inspirateur précédemment de Gulliver Mickey.
3. pour lequel les effectifs du studio ont d'ailleurs été plus que triplé.




lundi 24 mai 2010

The Angry Hills (trahison à athènes)


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Un Aldrich mineur mais somme toute intéressant, adapté d'un roman de Leon Uris (Exodus) par A.I. Bezzerides (lui-même auteur de They Drive by Night).
Avec Robert Mitchum en tête d'affiche, ce drame d'espionnage se révèle plus captivant que le plus exotique The Hunters sorti quelques mois plus tôt. Unique rencontre à distance avec le Gallois Stanley Baker, The Angry Hills vaut surtout d'être vu pour la prestation de la Sicilio-britannique Gia Scala, à la beauté sauvage et singulière, second rôle de The Guns of Navarone (toujours en Grèce !) où elle retrouvera Baker.

Minority Report


Revu à l'occasion de la sortie du Blu-ray (un portage HD pertinent). L'ouvrage de Dick à l'origine du film est, à bien des égards, génial. On y retrouve ce persistant rôle moteur, dynamisant voire créatif de la souffrance qui caractérise au moins partiellement l'œuvre de l'écrivain. Son contenu offrait un puissant potentiel narratif (libre arbitre, réalité de la conscience pré-cognitive, rapport justice-police, joug de la permanente identification sécuritaire et publicitaire...) que Minority Report ne parvient pas à exploiter pleinement. Les plus de deux heures du métrage ne crée jamais l'ennui, mais ne suscite pas non plus l'enthousiasme. Tom Cruise, dans la premières de ses deux collaborations avec Spielberg, peine aussi à rendre son personnage engageant (dramatiquement touchant, n'en parlons pas !). Dommage.

dimanche 23 mai 2010

The Road (la route)


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Hillcoat signe à nouveau une parabole. Sans doute moins percutant que le solaire The Proposition, ce lunaire The Road, à la conjonction du road-movie et du drame post-apocalyptique, sert à rendre plus explicite et complexe les oppositions good-bad guys ainsi que foi-désespoir. Le message pourrait être : "le paradis existait sur Terre, mais l'homme n'en avait pas conscience." Les exigences de la production sont impressionnantes, mais le film vaut surtout pour la relation père-fils. Il donne également envie de revoir le téléfilm Threads de Mick Jackson.

vendredi 21 mai 2010

Brothers


"... No, I mean, nobody understands."

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Lorsque ce projet de remake a été annoncé, en septembre 2007, un souvenir m'est revenu à l'esprit. Trente ans auparavant, le Britannique John Schlesinger, sollicité par Jane Fonda pour la diriger dans Coming Home avait décliné la proposition, arguant qu'un tel sujet devait être traité par un réalisateur étasunien. Dublinois de naissance (et de cœur), Jim Sheridan résout cette inférence pour au moins deux raisons. D'abord parce qu'il réside aux Etats-Unis depuis 1982, soit près de vingt ans avant le déclenchement de l'Operation Enduring Freedom. Ensuite, des troupes du Royaume-Uni et du Danemark, pays de Susanne Bier auteur en compagnie d'Anders Thomas Jensen de l'original, participent à la Force Internationale d'Assistance et de Sécurité en Afghanistan. Sans oblitérer de nos mémoires les fortes impressions laissées par Brødre, Brothers, porté par un inédit et efficace trio d'acteurs, reste fidèle à sa narration tout en modifiant sensiblement le registre dramatique.
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7 octobre 2007. Quatre jours avant d'être renvoyé en Afghanistan, le capitaine Sam Cahill rédige une lettre destinée à son épouse Grace s'il venait à disparaître. Une étroite et tendre relation unit le jeune couple et la petite famille également composée de leurs deux fillettes, Isabelle 'Izzy' et Maggie. L'aînée a cependant du mal à dissimuler sa tristesse et sa frustration de voir son père les abandonner une nouvelle fois. Avant son départ, Sam doit aller chercher son cadet Tommy, libéré sous condition d'une peine de prison pour un vol dans une banque. Au cours du dîner de retrouvailles, Hank Cahill ne peut s'empêcher de comparer ses deux fils et de critiquer Tommy. Le 12 octobre, l'hélicoptère transportant Sam et ses hommes est abattu par un tir ennemi. Effondrée par l'annonce du décès de son mari, Grace assiste aux funérailles militaires au terme desquelles Tommy et Hank s'opposent à nouveau. Elle hésite à lire la lettre posthume laissée à son intention par Sam. Dans le même temps, ce dernier et le soldat Joe Willis se retrouvent prisonniers de quelques hommes de la guérilla afghane. Aidé à contre-cœur puis hébergé provisoirement par Grace, Tommy décide sans la consulter de rénover la vieille et incommode cuisine de la maison.
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Spontanément intéressé par la dynamique (aussi au sens mécanique du terme) familiale, Jim Sheridan trouve dans ce récit triangulaire une matière privilégiée pour exercer son incontesté talent de raconteur d'histoires. La trajectoire antisymétrique de ces deux frères, que tout (tous) oppose(nt) à l'exception de leur naturelle complicité, est adroitement bien tracée. Natalie Portman, Sam Shepard et l'étonnante jeune Bailee Madison (Maybelle dans Bridge to Terabithia) intervenant dans ce système de représentation comme autant de repères normés. Si la reconnaissance (dans toutes ses acceptions) et le pardon y occupent une place essentielle, l'obsession par la transgression (quasi morbide, irrationnelle, presque incompréhensible pour le spectateur) du personnage central, élément révélateur et symbolique de son propre crime, est particulièrement bien élaborée par le scénario et interprétée par Tobey Maguire (absent des écrans depuis Spider-Man 3 et auquel un "Golden Globes" aurait dû échoir sans l'exceptionnelle prestation de Jeff Bridges dans Crazy Heart).