dimanche 29 février 2004

Lucky Break


"J'ai compris que l'amour, c'est comme les tomates."

Bien accueilli dans son pays d'origine en août 2001, le second film de Peter Cattaneo, sorti chez nous au milieu de l'été dernier, une semaine après une autre comédie britannique, Johnny English, est passé sensiblement inaperçu. Il est même probable que le nom du réalisateur ne vous dise rien. Il est vrai qu'après avoir tourné pour la télévision, notamment la BBC, son premier long-métrage, The Full Monty, date déjà de 1997. Mais il fut un réel succès aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, sélectionné pour les Oscars (récompensé pour sa bande originale), les Golden Globes et les Césars 1998. Lucky Break est moins brillant, mais il mérite amplement d'être vu.
Jimmy Hands (James Nesbitt) et son complice Rudy Guscott (Lennie James) sont de bien piètres bandits. Leur attaque de banque tourne au désastre en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Arrêtés et condamnés à douze ans de prison, ils ne rêvent que d'évasion. Voleur incompétent, soit, mais pourtant intelligent, Jimmy va utiliser l'amour de la comédie musicale de son directeur (Christopher Plummer) et le livret sur l'Amiral Nelson que ce dernier a rédigé pour lui proposer de monter le spectacle joués pas des détenus. Après avoir difficilement réunit le casting, dans lequel figure Annabel Sweep (Olivia Williams), la psychologue de la prison, les préparatifs et le dispositif d'évasion sont mis eu point avec deux autres prisonniers. La fuite doit avoir lieu pendant la représentation. Mais les choses ne présentent pas aussi simplement qu'espéré : un puissant et brutal malfrat veut s'accaparer le plan d'évasion, le sadique chef des gardiens Perry (Ron Cook) a découvert le projet et veut utiliser cette tentative pour voir la peine des candidats à l'évasion substantiellement allongée... et Jimmy et Annabel sont tombés amoureux l'un de l'autre.

The Great Escape chez les Monty Python, Cattaneo s'inscrit résolument dans la lignée de ses illustres prédécesseurs. A partir d'une idée tirée d'un fait réel, la création d'une comédie musicale dans une prison, le metteur en scène et son scénariste, Ronan Bennett, ont imaginé cette histoire qui mêle les ingrédients gagnants : humour, amour et drame. La réalisation est alerte et les deux heures du métrage ne sont pas un handicap. La photographie est belle, avec une jolie et intelligente opposition extérieurs-spectacle contre intérieur carcéral. La musique, d'inspiration reggae, d'Anne Dudley renforce encore le dynamisme et la légèreté du film. L'irlandais James Nesbitt, ici digne élève de John Cleese et qui enchaîna avec le Bloody Sunday de Paul Greengrass, est parfaitement dans son rôle, tout comme sa partenaire Olivia Williams déjà vue dans The Sixth Sense. Mais les personnages les plus intéressants ou attachants sont ceux interprétés par Christopher Plummer, Ron Cook, Bill Nighy (l'aristocratique et poétique prisonnier Roger Chamberlain) et surtout Timothy Spall, déjà remarquable chez Mike Leigh (Secrets & Lies), dans le rôle du détenu Cliff Gumbell, sensible souffre-douleur de Perry.



The Panic in Needle Park (panique à needle park)


"Les camés mouchardent toujours... Toujours !"

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Deuxième film du photographe Jerry Schatzberg passé au cinéma à la fin des années 1960 avec le peu fameux, malgré la présence à l'affiche de Faye Dunaway et Roy Scheider, Puzzle of a Downfall Child. Le nouveau réalisateur semble intéressé par les errances et les déchéances car The Panic in Needle Park est l'histoire d'une longue descente en enfer d'un couple de junkies, tirée de l'ouvrage éponyme du journaliste et écrivain à succès James Mills (à qui l'ont doit également Report to the Commissioner de Milton Katselas).
Bobby, petit dealer sans envergure, fait la connaissance d'Helen chez un de ses clients. Elle vient de passer entre les mains d'un "faiseur d'anges" et a du mal a récupérer, tant physiquement que moralement. Bobby va la voir à l'hopital, l'attend à sa sortie, la fait rire, s'occupe d'elle. Elle devient, après une première nuit platonique, sa girlMais Bobby est aussi un drogué, vivant dans la "communauté" de Sherman Square (à l'angle de Broadway et de la 72e rue de New York) rebaptisé Needle Park pour d'évidentes raisons. A la suite de rafles de la police, la dope se fait rare et chère ; c'est la panique ("It's a real panic, man"). Alors qu'ils ont été expulsés de leur chambre d'hôtel, Helen touche pour la première fois à l'héroïne et devient toxicomane. Tous les moyens sont alors bons pour trouver de l'argent et payer sa ou ses doses quotidiennes. Bobby est utilisé par son frère, Hank, pour réaliser un cambriolage dans une boutique. Il est arrêté. Pendant son séjour en prison, Helen se prostitue pour vivre et se droguer. Une fois sorti, après la colère d'avoir été trompé, il va profiter de la "filière" et devenir le proxénète de celle qu'il voulait épouser. Il devient également le vendeur officiel du fournisseur de New York, Santo. Un policier des narcotiques, Hotch fait pression sur Helen, accusée de vol par un de ses clients, pour faire tomber Santo. Pour cela, il doit arrêter Bobby.
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La caractéristique essentielle du film de Schatzberg est d'être presque documentaire, journalistique dans le traitement (impression renforcée par l'absence de musique, les nombreuses prises de vues au téléobjectif, la présence de bruits ambiants et la longue scène de préparation de la drogue). Ce parti pris de réalisme est toutefois handicapé par un manque de percussion, peut-être dû au dilettantisme évident du réalisateur. Les continuités sont floues (avec des changements de décors et des choix de plans troublants, une direction d'acteurs un peu lâche), la progression dramatique non maîtrisée et un peu saccadée et les psychologies pas assez fouillées. On est assez loin de la puissance d'oeuvres comme A Woman Under the Influence de Cassavetes ou My Name Is Joe de Ken Loach qui développent des thèmes assez proches, voire même Family Life du même Loach sorti le même année que Panic. Sur le thème précis de la drogue, les plus récents Requiem for a Dream ou Trainspotting sont bien plus intéressants et (parfois, hélas) efficaces. Schatzberg a pourtant réussit à rendre une atmosphère oppressante et obsédante et à montrer la perte progressive des pulsions de vie dans une enchaînement morbide terrifiant.
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Cette oeuvre constitue l'impulsion décisive avant le décollage (vertical) de la carrière d'Al Pacino, qui a déjà 31 ans. Francis Ford Coppola avoue avoir convaincu finalement la Paramount d'engager l'acteur pour The Godfather, tourné quelques mois après Panic in Needle Park, grâce à la projection d'une promo du film (si j'avais été producteur des studios, je ne lui aurais peut-être pas accordé son "passeport"*). Il est vrai qu'il a fait de son personnage de Michael Corleone tout à fait autre chose que celui de Bobby. Tony Montana du Scarface de De Palma lui est plus proche (shooté à l'héroïne comme son prédécesseur, Al s'en est-il souvenu, plus de dix ans plus tard ?). Pacino montre déjà ce que l'on appréciera ou détestera chez lui : un jeu décalé et "auditif"* qui n'a pas pas conservé les tics de l'underplaying de l'Actor's Studio qu'il a fréquenté, une réelle vivacité qui peut sauver certaines scènes mais aussi une propension au cabotinage (la marque des grands ? Nicholson est, de ce point de vue, comparable). Kitty Winn, contrairement à son partenaire, fait une camée crédible mais son jeu est monocorde. Membre du jury du Festival de Cannes (présidé par Michèle Morgan et dans lequel on trouvait Sergio Leone) j'aurais plus volontiers désigné Lea Massari pour Le Souffle au cœur ou encore Claude Jade pour Le Bateau sur l'herbe pour la "Palme de la meilleure actrice"). La carrière cinématographique de l'actrice, surtout marquée par ses participations sous les traits de Sharon Spencer des Exorcist, s'est, d'ailleurs, interrompue assez vite, Winn se consacrant, après 1978, au théâtre.
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*Al Pacino, dont je suis l'un des fans, est un acteur qui écoute plus qu'il ne voit ; ce qui peut le faire passer, parfois, pour hébété, voire davantage !