"Mes rêves sont différents des tiens. Je ne peux pas cesser de penser que dans l'univers, il doit y avoir mieux que l'homme."
Depuis Le Voyage dans la Lune
qui inaugura le cinéma de fiction et celui de science du même nom, le genre a connu ses titres phares : Metropolis
en 1927 qui demeure un modèle, avant de prendre son essor, aux Etats-Unis, dans les années 1950 avec Destination Moon
et The Day the Earth Stood Still
. L'ambiance de guerre froide (et le risque atomique),
le début de la conquête spatiale favorisent tous les fantasmes
interplanétaires et redoutables. L'année 1968 consacre une œuvre
essentielle à plus d'un titre : 2001: A Space Odyssey
mais sa complexité à la fois formelle et thématique vont faire du Planet of the Apes
de la même année, une réalisation plus consensuelle et populaire.
Inspiré plus qu'adapté de l'ouvrage de Pierre Boulle
qui avait déjà connu un succès cinématographique avec son Pont de la rivière Kwai
, le film est une belle métaphore sur le "règne humain", une première contribution de militantisme pacifiste et, avant le Soylent Green
de Richard Fleischer
avec lequel il partage l'acteur principal, écologique. La réussite se mesurant, aussi, aux sequels, on peut raisonnablement dire que le film de Franklin J. Schaffner
(qui constitue aussi le vrai démarrage de sa carrière au cinéma) en est une. Quatre suites officielles (qui font la part belle aux singes)
se sont succédées, réalisées par trois metteurs en scène différents,
avant que le petit écran ne s'empare de l'idée pour deux séries. Le
retour dans les salles obscures s'est opéré avec le remake récent de Tim Burton
.
Au résumé proposé sur la fiche-film, et contrairement au récit originel de Pierre Boulle
*,
il faut ajouter et préciser que l'équipe du vaisseau n'est constituée
que d'astronautes dont une femme qui meurt pendant le voyage**.
L'atterrissage en catastrophe intervient le 25 novembre 3978 sur une
planète réputée en orbite autour d'une étoile dans la
constellation d'Orion, à quelques 320 années-lumière de la Terre. Blessé
à la gorge au cours de la partie de chasse à l'homme organisée par les
gorilles, Taylor (Charlton Heston
)
ne peut pas parler pendant la première partie de son séjour chez les
singes, ce qui le fait passer, malgré ses talents d'imitation, pour un
humain "ordinaire". Ce n'est qu'au terme de sa tentative infructueuse de
fuite qu'il prononcera la désormais célèbre formule : "Get your stinking paws off me, you damned dirty ape (ne me touchez pas avec vos sales pattes, maudits singes)"
qui le range définitivement parmi les curiosités et réelles menaces
pour la population simiesque. Menace car les plus âgés des
orangs-outangs, ceux qui ont reçus l'enseignement du fondateur et
législateur de la civilisation, connaissent le potentiel et l'histoire
destructeurs de l'homme, attestés par la séquence finale.
Outre d'être une parabole sur le racisme et l'égocentrisme de l'homme, le film de Schaffner
joue sur les figures mythiques du cercle et de la symétrie. Le trajet visible accompli par Taylor (désert-civilisation-désert, sans parler, bien sûr de celui effectué à plus grande échelle)
emprunte la forme circulaire. Comme si l'histoire, non maîtrisée, était
un éternel retour, thématique chère aux philosophes antiques et à ceux
du XIXe siècle. Symétrie car, outre d'inverser les rôles
dominants-dominés, ce qui constitue l'originalité patente du récit, les
trois astronautes connaissent un sort qui les renvoie à leur
contraire*** : Dodge, le pur scientifique, trouve la mort sans qu'elle puisse servir ses recherches, Landon, le héros qui cherche l'immortalité, l'esprit le plus brillant de sa promotion, finit lobotomisé et Taylor,
l'idéaliste amer un peu mystique qui a fuit la Terre pour trouver un
monde meilleur, est condamné à parcourir un univers post-apocalyptique
sans que l'on soit certain qu'il puisse y jouer le rôle de découvreur ou
de pionnier qu'il semble affectionner.
La fin du film (que l'on doit à la version du scénario de Rod Serling
),
qui n'avait pas les faveurs de l'auteur du roman, mais qui passionna la
production puis plusieurs générations de spectateurs, est un de ses
atouts essentiels, comme le choc occasionné par l'image soudaine et brutale de ce singe-cavalier qui crée la stupéfaction chez Taylor,
comme le ferait une vision cauchemardesque qui sortirait brusquement du
mouvement et du flou. Le reste du film est globalement moins inquiétant
que ne le sera le remake de Burton
qui, lui-même, n'atteint pas l'ambition qu'il s'était ou qu'il aurait
dû se fixer. C'est, paradoxalement, la cinématographie, sans effets
spéciaux, et surtout la bande originale qui pallient cette relative
faiblesse en terme d'ambiance. La photographie de Leon Shamroy
, un vieux routier qui avait collaboré avec Lang
, Kazan
ou Henry King
, est belle, abusant du flare qui commençait à être en vogue à l'époque (rappelez-vous la série Kung Fu
) et jouant avec des angles acrobatiques de prises de vues.
Le score du génial Jerry Goldsmith
, deuxième (après The Stripper
)
des sept collaborations du compositeur avec le réalisateur, vaut, à
lui seule, le déplacement. Il a donné, avec ses étranges arrangements
d'inspiration sérielle et percussifs, la vraie substance à la forte
personnalité du film. Charlton Heston
a rendu, en grande partie, le projet de Arthur P. Jacobs possible, imposant son réalisateur de War Lord
, Schaffner
(dans lequel jouait déjà Maurice Evans
, ici remplaçant Edward G. Robinson
sous le masque du Dr. Zaius).
L'acteur principal trouve un rôle qui ne se démarque pas vraiment de ce
que l'on connaît de sa filmographie. A noter, pour conclure, l'exploit
que constituait pour l'époque la réalisation des costumes et maquillages
dont une telle qualité n'avait pas été encore atteinte par l'industrie
cinématographique.
___





Inspiré plus qu'adapté de l'ouvrage de Pierre Boulle






Au résumé proposé sur la fiche-film, et contrairement au récit originel de Pierre Boulle


Outre d'être une parabole sur le racisme et l'égocentrisme de l'homme, le film de Schaffner

La fin du film (que l'on doit à la version du scénario de Rod Serling







Le score du génial Jerry Goldsmith







*le personnage principal du livre est un journaliste. La civilisation imaginée par Boulle
est technologiquement très avancée ; pour des raisons de coûts, Schaffner
a choisit une cité primitive.


**choix scénaristique plutôt regrettable qui évite, notamment, à
Taylor, le héros du film, un choix (cornélien ?) entre l'égale ou
l'inférieure.
***cf dialogue de début du film entre Taylor et Landon
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