mardi 28 octobre 2003

L'Espoir


« Ce fut une guerre d'hommes. Sans doute la dernière. » (André Malraux)

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Premier et unique film de l'écrivain, aventurier et ministre André Malraux, Espoir met en images son ouvrage paru sous le titre "L'Espoir" en décembre 1937. C'est une œuvre poétique plus que politique, qui s'inspire très concrètement de l'expérience de son auteur au sein des Brigades internationales qu'il a rejoint à la fin de l'année 1936, mais pour en faire une étrange parabole paradoxalement un peu désincarnée.
L'engagement de Malraux contre le fascisme ne date pas de la guerre d'Espagne. Celui qui s'était volontairement fait réformer en 1923 prend, dès 1933, la défense de Dimitrov, accusé de l'incendie du Reichstag, devant les membres de la première réunion de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires présidé par André Gide. La même année, son roman "La Condition humaine" reçoit le prix Goncourt. Il est proche, en effet, de ce que l'on qualifiait à l'époque de Gauche révolutionnaire ; il rencontre Trotski, Staline, Gorki, Eisenstein, et Pasternak entre 1933 et 1934. En 1935, il publie"Le Temps" qu'il dédie aux victimes du nazisme. Il retrouve également Eisenstein pour travailler à une adaptation cinématographique de "La Condition humaine".
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Malraux apporte son soutien au gouvernement Front populaire dès son élection en mai 1936 et, dès le coups d'état des militaires mené notamment par Franco et déclenché le 18 juillet, il intervient comme intermédiaire entre Léon Blum et Manuel Azaña, le président espagnol, pour la fourniture d'avions aux républicains. Puis il participe sur place, jusqu'en février 1937, à plusieurs opérations : combats aériens à la tête de l'escadrille España qu'il a organisée, bombardement d'une colonne nationaliste à Medellín et destruction d'un terrain d'atterrissage à Olmedo.
Le tournage du film commence en juillet 1938 à Barcelone, puis à Tarragone et dans la sierra de Montserrat. En janvier 1939 , l'équipe doit évacuer Barcelone, investie par les nationalistes (on ne les appelle pas encore des franquistes). Il leur faudra terminer le tournage en France (Joinville et Villefranche de Rouergue). Ce qui n'a pas pu être tourné est remplacé par des cartons, comme on le faisait à l'époque du muet. Le film sera projeté trois fois pendant l'été avant d'être censuré en septembre par Daladier, à la demande de Pétain, ambassadeur de France à Madrid sous le gouvernement nommé par Franco. Son interdiction ne sera levée qu'après la guerre, en 1945.
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Au delà d'une histoire vécue et personnelle, Malraux tente de dépeindre l'Histoire, celle du peuple espagnol dans une guerre fratricide. L'influence du cinéma russe est manifeste et il y a comme un avant-goût du néoréalisme qui sera l'apanage des films, italiens notamment, d'après-guerre. Mais il y a aussi une démarche symbolique, quasi métaphorique que l'on peut également qualifier de littéraire et qui donne un charme singulier à Espoir, renforcé par la surprenant partition de Darius Milhaud. L'auteur et réalisateur a voulu faire souffler, souvent maladroitement, un lyrisme qui a du mal à s'imposer. Les conditions de tournage et l'inexpérience font qu'il manque une certaine unité de ton. D'autre part, si le rapport de force est correctement traduit entre républicains et fascistes, on peut regretter que Malraux n'ait pas pu ou voulu souligner la cause essentielle de la défaite de la démocratie, à savoir la division au sein de la gauche au pouvoir puis résistante entre communistes et membres du parti ouvrier d'unification marxiste (P.O.U.M.). Cependant, la lucidité reste de mise et "l'espoir", évoqué par le titre, ne va pas sans une certaine ambiguïté tragique, en particulier dans cette scène de procession finale d'une foule, vêtue de noir, et le suicide annoncé du milicien allemand, grièvement blessé, qui demande un revolver.

vendredi 24 octobre 2003

Midway (la bataille de midway)


"Je veux ce quatrième porte-avions !"

Etonnant de penser que pendant que se déroulait cette bataille de Midway, se trouvait, sur place, un certain John Ford (qui y sera d'ailleurs blessé par l'ennemi) tournant un documentaire dont l'un des narrateurs n'est autre qu'Henry Fonda qui interprète, dans le film de Jack Smight, le rôle de l'amiral Nimitz.
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Winston Churchill a qualifié cette confrontation américano-japonaise, au large d'Hawaï, qui s'est déroulée du 4 au 7 juin 1942 de "plus grande bataille navale" de tous les temps. Elle est la conséquence directe de l'attaque de Pearl Harbor qui avait eu, notamment, pour effet de déséquilibrer le rapport de forces navales entre les deux pays. La supériorité nippone dans les airs est, en outre, manifeste grâce au nombre de portes-avions (10 contre 3 pour les US) et à la qualité des pilotes. Les Etats-Unis sont sur la défensive.
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Le film débute avec un raid de bombardiers américains sur des villes japonaises, dont Tokyo, en avril 1942. L'opération est davantage un " coup de bluff " qu'une réelle tentative de passer à l'offensive, mais elle prend, pour les deux camps, valeur de symbole. Côté américain, elle remonte le moral des combattants et de l'arrière, durement éprouvé après les défaites de Pearl Harbor et Bataan. Du côté japonais, elle frappe de stupeur l'opinion publique et dissipe les illusions de l'état-major impérial, qui comprend enfin, après s'être laissé enivrer par ses victoires, que la vraie guerre vient seulement de commencer. L'amiral Yamamoto, qui a inspiré le raid sur Pearl Harbor, comprend mieux que tout autre que l'attaque a été un échec politique et militaire. Se replier sur les territoires conquis, en laissant à l'US Navy le temps de se remettre du coup reçu serait une grave erreur. Pour vaincre les Etats-Unis avant que leur formidable puissance économique leur ait permis de redresser la situation, il faut contraindre leur flotte à livrer combat, lui opposer le gros de la marine impériale et l'écraser en une seule bataille.
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Ainsi naît l'idée d'une attaque contre Midway : isolée au centre du Pacifique, la prise de la petite ile de Midway permettrait aux japonais de menacer directement les iles Hawaii et la côte ouest des États-Unis. Logiquement - et c'est bien ce qu'espère Yamamoto - les américains lanceront donc toutes leurs forces dans la défense de Midway. Une opération de diversion menacant les Aléoutiennes, dans le Pacifique Nord, permettra ensuite de les diviser, en éloignant un ou deux portes avions. La flotte japonaise, entièrement mobilisée pour la circonstance, rassemble 200 bâtiments (8 porte-avions, 11 cuirassés, 13 croiseurs lourds et 11 croiseurs légers, 60 destroyers et de nombreux transports de troupes et ravitailleurs), emportant 600 avions, auxquels l'amiral Nimitz ne peut opposer que 76 navires, dont 3 portes-avions, et un peu plus de 300 avions, dont ceux basés à Midway.
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Midway est structuré en deux parties de durées quasiment égales : la première expose la mise au point des stratégies respectives des deux états-majors, sorte de partie d'échecs maritime à distance, avec la faculté de cacher certaines de ses pièces à l'adversaire. Elle réunit, également, dans une intrigue parallèle, le capitaine Matthew Garth (Charlton Heston) et son fils, Thomas, enseigne-pilote récemment affecté à Honolulu. La seconde partie met en scène la bataille elle-même, utilisant assez souvent des images d'archives ou d'autres films (cf critique DVD). Les vols de reconnaissance et les combats ou attaques aériens sont majoritaires. L'alternance, presque équilibrée, entre les points de vue américains et japonais est intéressante pour comprendre les enjeux de l'opération et l'évolution des situations.
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Assez peu connu du grand public, hormis peut-être pour son médiocre Airport 1975 qui précède Midway avec le même Heston ou pour ses réalisations de télévision, Jack Smight a réussi, au cours de sa carrière*, à changer de genre. Il a su maîtriser les moyens mis en jeu pour Midway et donner un certain souffle à son film de guerre, assez bien illustré musicalement, par la partition du très actif John Williams. Midway, malgré sa distribution prestigieuse, n'est pas un film d'acteurs (ce devait être, dans une première approche, un documentaire scénarisé). C'est le fait historique et l'action qui mobilisent toutes les attentions du metteur en scène. Heston, seul personnage de premier plan qui soit fictif, sort un peu (seulement un peu) du lot parce que le scénario en fait le centre de gravité du film et grâce à l'intrigue parallèle. Mais Henry Fonda apparaît moins souvent que Toshirô Mifune et James Coburn, Glenn Ford, Robert Mitchum et Robert Wagner font de la quasi figuration.
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*qui s'est interrompue en 1989 sur le plan professionnel et définitivement le 1er septembre dernier, date de son décès.

mercredi 22 octobre 2003

Petites coupures


"Vous avez une curieuse façon de vous soigner !"

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Sorti il y a huit mois sur les écrans, le troisième film du réalisateur Pascal Bonitzer (il est aussi scénariste et acteur) est moins convaincant que le précédent, Rien sur Robert (1999). Il n'a, d'ailleurs, attiré qu'un peu moins de 200 000 spectateurs en huit semaines d'exploitation, dont plus de la moitié en première semaine, avec 231 copies.
On n'entre, en effet, pas un instant dans cette histoire confuse, absconse et surtout sans intérêt, prétendument inspirée de "La divine Comédie" de Dante. Tout débute par cette conversation impromptue et risible entre l'épouse, Gaëlle (Emmanuelle Devos), et la maîtresse, Nathalie (Ludivine Sagnier), de Bruno (Daniel Auteuil) qui ne se connaissent pas. Cela se poursuit par cette mission, moins simple qu'il n'y parait, confiée à Bruno par son oncle Gérard (Jean Yanne), un maire communiste en campagne, de remettre une lettre à l'amant de sa propre femme. Sur place, il fait la connaissance d'une femme étrange (Kristin Scott Thomas), la belle-fille et épouse de l'amant en question (!!), dont il tombe amoureux. Abandonné par sa femme, Bruno se "précipite" sur la collaboratrice de son oncle (Pascale Bussières)...
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STOP ! Arrêtez le massacre ! Car s'en est un, ou plutôt un pur gâchis que de réunir une telle distribution au service d'un scénario aussi ridicule. De plus, Petites coupures est un de ces films dans lesquels on "voit" le dialogue, et c'est exaspérant parce que l'on ne sait pas à quoi se raccrocher (à moins qu'il ne faille, tout simplement, décrocher !). Et les quelques paysages de l'Isère, au petit matin, sont une modeste consolation. L'ancien critique des "Cahiers du cinéma" a bien du mal à atteindre le niveau de ses pairs (pères) Resnais et Chabrol. Son court parcours est plus proche de celui de son ancien collègue journaliste André Téchiné.
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Gâchis : c'est le mot qui vient spontanément à l'esprit en voyant Auteuil, Scott Thomas, Bussières, Sagnier et Yanne si mal employés, obligés de réciter des inepties. A cela s'ajoute le décalage entre une intrigue dénuée de sens et d'intensité dramatique et une musique d'inspiration symphonique, belle au demeurant, mais inutilement grandiose et pathétique.