samedi 25 avril 2009

Kontroll


"Comment sortir d'ici, Béla ?"

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Avant de tourner aux Etats-Unis deux thrillers indépendants, Nimród Antal, né en Californie, avait écrit et réalisé un surprenant et très réussi premier long métrage dans le pays de ses ancêtres où il était parti vivre dès l'âge de dix-huit ans. Comédie noire (et souterraine !!) aux accents parfois fantastiques, Kontroll se révèle être une première œuvre étonnamment aboutie, ne manquant ni d'arguments ni de charme, au moins suffisamment pour emporter la décision du jury du "Prix de la jeunesse" cannois en 2004. Programmé sur une chaîne cryptée en début d'année, le film pourra désormais être découvert par le plus grand nombre grâce à sa diffusion en vidéo.
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Jeune homme solitaire, sauf lorsqu'il pratique au sein d'une petite équipe le contrôle de billets des voyageurs, Bulcsú vit, travaille et dort même dans les couloirs ou stations du métro de Budapest. Lui et ses étranges camarades sont en particulier confrontés aux mortelles agressions perpétrées par un inconnu dissimulé par une capuche, poussant les usagers sur la voie au moment de l'arrivée d'une rame. Ou celles, moins dangereuses, d'un individu surnommé "Bip-Bip" en raison de la vitesse avec laquelle il échappe régulièrement à ses victimes contrôleurs. Bulcsú doit aussi faire face à l'hostilité de Gonzo, le chef d'une équipe concurrente. La rencontre avec une passagère costumés en ours mais sans ticket ne le laisse pour une fois pas indifférent.
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Dédié par Nimród Antal à son père, Kontroll se montre tout à la fois intelligent, original et attachant malgré les sporadiques pulsions violentes de son intrigant scénario. Même s'il partage quelques fugaces points communs avec le stylisé Subway de Luc Besson, cette production hongroise apparaît en tout cas moins datée et plus captivante que la française. Bien rythmé et interprété, notamment par Sándor Csányi et Lajos Kovács (aperçu entre autres chez Wenders) qui réussissent à créer, dans une ambiance sombre et un peu claustrophobique, une authentique empathie pour leur personnage, le film d'Antal séduit également par ses climats et son graphisme visuel. Il serait dommage de rater ce métro !

Irresistible


"Rien n'est jamais complètement disparu."

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Quatrième film (inédit en France comme les précédents) écrit et réalisé par l'Australienne Ann Turner, Irresistible s'immisce dans un filon*, celui de l'obsession morbide et funeste, creusé plus de deux décennies auparavant par Play Misty for Me, la première réalisation de (et avec) Clint Eastwood. Emmenée par un trio d'acteurs plutôt prestigieux et cosmopolite, lui aussi inédit, cette coproduction était pourtant restée jusque-là relativement confidentielle jusqu'à son passage international sur le support vidéo... initié dès avril 2006.
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Illustratrice d'ouvrages à succès, Sophie Hartley est progressivement gagnée par la sournoise idée d'intrusions répétées dans son domicile, attestée par la disparition de plusieurs objets, et d'une possible mise en danger de sa famille et de son couple. Son époux Craig croit lui plutôt à un trouble passager lié au perturbant décès de la mère de Sophie et à la délicate pression exercée par l'éditrice de celle-ci pour obtenir rapidement la série de dessins promise. Il semble également disqualifier le rôle improbable que pourrait jouer Mara, une nouvelle et jolie collaboratrice de son cabinet d'architecte après que les deux femmes se soient rencontrées lors d'une soirée organisée dans la luxueuse demeure de cette dernière.
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Drame psychologique et familial, Irresistible peine à opérer une attraction aussi forte que le laisserait supposer son titre. La réalisation ne parvient en particulier pas à donner à ce scénario à tiroirs une saveur et une intensité suffisante. Longueurs, insuffisances ou errements narratifs détournent peu à peu l'attention et finalement l'intérêt du spectateur. Lequel ne peut les reporter sur la prestation d'acteurs dont l'interprétation apparaît au mieux convenue, au pire plate, voire maladroite. Ou bien qu'il ne puisse résister à la pertinente envie de (re)voir le plus attrayant des films ci-dessous ou, mieux, leur modèle : Vertigo !
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Aparecidos (les disparus)


"Comment peut-on haïr autant ?"

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Depuis au moins une dizaine d'années, le cinéma latino-espagnol s'impose, au côté de son équivalent asiatique comme l'un des plus actifs et inventifs dans les domaines du fantastique et de l'horreur. Dans le sillage du Mexicain Guillermo del Toro, du Basque Alex de la Iglesia, ou des Catalans Jaume Balagueró et Juan Antonio Bayona, Paco Cabezas vouait à ces genres son premier long métrage. Tourné en Argentine au cours de l'été 2006, sélectionné hors compétition au 15e Fantastic'Arts de Gérardmer (année du sacre d'El Orfanato et de REC), Aparecidos est un film à la fois étrange et complexe, assurément intéressant.
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Buenos Aires 12 août 2001. Pablo et sa sœur aînée Malena de Luca sont venus spécialement de Barcelone pour décider l'interruption de l'assistance respiratoire de leur père Gabriel, cliniquement mort selon son médecin et ancien collègue le dr Lehrmann, et régler la question du testament. La jeune femme n'a aucune sympathie pour l'homme que sa mère a mystérieusement quitté alors qu'elle était encore une enfant ; son jeune frère ne l'a lui jamais vraiment connu. Dans la table de chevet du mourant, Pablo trouve une montre et une vieille photo sur laquelle posent le couple et leur fille devant la modeste maison qu'ils habitaient sur l'archipel de la Terre de feu.
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Il réussit à convaincre Malena de s'y rendre avec le vieux break laissé par leur père dans le parking de l'hôpital. Lors d'une halte sur la route, Pablo aperçoit une jeune fille occupée à tenter de dégager quelque chose du passage de roue arrière gauche du véhicule. En l'aidant, il découvre un carnet très endommagé contenant des photos instantanées. Mais l'inconnue a disparu. Le document relate dans le détail le meurtre d'un couple et de leur fille commis le 23 juillet 1980 dans la chambre 206 de l'hôtel "Atlantide", établissement où Pablo intrigué décide de s'arrêter. A l'heure exacte du crime, celui-ci semble se reproduire à l'identique... plus de vingt ans plus tard.
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Road movie, peuplé de fantômes et encombré de secrets (de famille), délibérément produit en Argentine pour sa rusticité (et la beauté de certains de ses paysages), Aparecidos ne peut laisser indifférent. L'enthousiasme du cinéaste, les enjeux politiques transversaux du scénario et le talent spontané de ses deux interprètes principaux, en particulier celui de Ruth Díaz, compensent assez largement les quelques maladresses ou incohérences factuelles et le caractère un peu touffu de la narration. La jeune actrice offrant une prestation très différente de celle dans El Calentito, la comédie musicale de Chus Gutiérrez qui l'a révélée. L'intention (implicite ?) de Paco Cabezas étant visiblement moins d'effrayer trivialement le spectateur que de susciter et d'agiter en lui, certes parfois au forceps et dans un certain désordre, diverses émotions. Objectif atteint !

The Heiress (l'héritière)


"... No matter what comes."

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Entré au National Film Registry (Bibliothèque du Congrès) en 1996, The Heiress reste sans aucun doute, avec The Best Years of Our Lives qui le précède de trois ans, comme l'une des meilleures réalisations de William Wyler au cours de la décennie 1940. Cette première adaptation de la pièce de Ruth et Augustus Goetz créée* en septembre 1947 au Biltmore Theatre de New York, elle-même tirée du roman publié en 1880 "Washington Square" d'Henry James, constitue également le premier film tourné par le cinéaste d'origine allemande pour la Paramount. Nommé dans huit catégories des Academy Awards 1950, The Heiress recevait quatre "Oscars"** dont celui de la meilleure actrice, le second obtenu par Olivia de Havilland en quatre ans.
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Dans sa luxueuse demeure du 16 Washington Square à New York, le dr Austin Sloper désespère de voir sa fille, dépourvue selon lui des qualités dont il pare volontiers sa défunte épouse, trouver un conjoint. Timide et sans conversation, Catherine préfère broder ou s'occuper de tâches domestiques plutôt que de fréquenter les jeunes gens de son âge. Lors d'une fête organisée chez sa tante Elizabeth à l'occasion des fiançailles de sa cousine avec Arthur Towsend, Catherine fait la connaissance du cousin de celui-ci, le séduisant Morris, de retour d'un long séjour en Europe. Le jeune homme, sans ressources ni situation, lui fait rapidement une cour assidue, encouragée par Lavinia Penniman, la sœur veuve et romantique du dr Sloper. Une relation bientôt désapprouvée fermement par ce dernier, ne voyant en Morris qu'un simple coureur de dot.
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Inspiré à Henry James par le récit d'un mariage similairement mal assorti, "Washington Square" mettait déjà l'accent sur la relation déséquilibrée père-fille et sur ce jeu à trois (voire quatre) de sentiments figurés et cachés. Sollicité par Olivia de Havilland pour porter au cinéma la pièce à succès donnée à Broadway, William Wyler la mettra en scène avec classicisme et efficacité, offrant en particulier, lors de quelques uns des nombreux et divers face à face, de réels moments d'intensité dramatique. A la demande du studio, le couple de dramaturges modérèrent quelque peu la noirceur intéressée du personnage de Morris Townsend, le troisième tenu au cinéma par le jeune et déjà remarqué Montgomery Clift. Aux côtés du Britannique Ralph Richardson, titulaire du rôle lors de sa reprise à Londres, la sœur aînée de Joan Fontaine, récente héroïne tragique chez Mitchell Leisen et Anatole Litvak, offre une interprétation à sa mesure, à la fois intériorisée et expressive. Wyler adaptera, trois ans plus tard, une autre pièce signée par les Goetz, Carrie avec Laurence Olivier et Jennifer Jones. Enfin Julie Harris et Farley Granger, puis Jennifer Jason Leigh, Albert Finney et Ben Chaplin tourneront respectivement en 1961 et 1997 de nouvelles versions du roman et/ou de la pièce.
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*avec Wendy Hiller (Catherine), Basil Rathbone (le dr Sloper) et Peter Cookson (Morris Townsend) dans les rôles principaux.
**meilleurs décors, costumes et musique.