"Quelquefois, hélas ! la conscience humaine supporte un
fardeau d'une si lourde horreur, qu'elle ne peut s'en décharger que dans
le tombeau."
(in "L'Homme des Foules", "Nouvelles Histoires extraordinaires" d'E.A. Poe)

Comme pour La Chute de la maison Usher
, Roger Corman
revisite la littérature d'Edgar Allan Poe
pour en faire autre chose. En choisissant "Morella" et "La vérité sur le cas de M. Valdemar" tirés des "Histoires extraordinaires" et "Le chat noir" extrait des "Nouvelles Histoires extraordinaires", le réalisateur s'intéresse à la mort et au phénomène de "revenance" (néologisme quasi obligatoire). L'unité narrative ne saute pas aux yeux, notamment à cause de la présence du "chat noir", mais nous allons essayer de mettre en avant ce point commun.



Dans "Morella", dont l'atmosphère et la thématique sont très proches de La Chute de la maison Usher
,
une malédiction, proférée au moment d'un décès, va frapper un
descendant. Dans l'oeuvre, le père n'aime pas son épouse et voue une
passion à sa fille. Corman
inverse la situation ; dans les deux cas, l'épouse __revient__
à la place de la fille pour se venger de l'époux, ce qui est quasiment
un non-sens ou une absurdité dans la cohérence du film (à moins qu'il ne s'appuie sur la trahison).



Pour "Le chat noir",
la subtilité du thème est plus grande. Traité sur le mode de la
comédie, le scénario débute tardivement dans le déroulement de la
nouvelle. On ne voit ni complicité entre le personnage principal et le
chat, ni pendaison de celui-ci. Et il invente un personnage d'amant
absent de l'oeuvre et, par conséquent, un double meurtre là où il n'y en
avait qu'un. La notion de "revenance" n'est, hélas, pas apparente à
l'écran comme elle l'est dans le texte. Car le narrateur, dans sa
confession, affirme : "Demain, je serai mort". C'est donc une forme de __retour__ anticipé qui est (aurait été), ici, opérée.
Plus proche de l'œuvre, "La vérité sur le cas de M. Valdemar" met en avant une discipline en vogue à l'époque où écrit Poe
,
le mesmerisme. Cette méthode, conceptuellement proche de l'hypnose,
permettait d'éviter la souffrance aux patients. L'expérience est tentée
sur un homme à l'article de la mort et permet de contrôler son esprit
une fois décédé. La souffrance infligée va se retourner contre le
praticien avec le bref ''réveil'' du mort.

La dimension sexuelle, caractéristique des films du genre, n'est pas oubliée, bien au contraire. Inceste, adultère et désir (viol) sont les catalyseurs des drames qui se nouent.
Nous ne reviendrons pas, en détail, sur la mise en scène, nous vous renvoyons à la critique de La Chute de la maison Usher
qui donne des éléments d'analyse critique qui s'appliquent également à
ce film. Quelques particularités méritent, toutefois, d'être soulignées :
l'utilisation d'incrustation d'image dans "Morella", la déformation de l'image pour évoquer le délire éthylique dans "Le chat noir", la transformation de la voix dans "La vérité sur le cas de M. Valdemar".


Vincent Price
, omniprésent, est tout aussi convaincant en Locke, Fortunato ou Valdemar, étonnamment drôle dans le deuxième rôle. On retrouve avec plaisir Peter Lorre
, deux ans avant sa disparition, qui donne au personnage de Montresor Herringbone une bonhomie trouble (!) et inquiétante. Autre géant du cinéma d'épouvante ou de mystère, Basil Rathbone
, par sa seule silhouette, crée en "mesmeriste" fou de désir Carmichael, un malaise décisif. Il faut dire que la beauté de "l'objet" de sa convoitise, Debra Paget
dans son antépénultième film, est susceptible de réveiller les sens d'un mort !




Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire