"... Et de ceux dont il faut se 'garder'."
Avec Yôjimbô, Akira Kurosawa démontre à nouveau son affection pour le western. On peut même dire que sans la production de Warui yatsu hodo yoku nemuru après Kakushi-toride no san-akunin,
une reconversion du réalisateur dans ce genre "exotique" aurait pu être
évoquée. Il semble pourtant que l'inspiration du scénario soit à
chercher plutôt du côté du polar, Dashiell Hammett en particulier, que dans le High Noon de Fred Zinnemann. Quoiqu'il en soit, Kurosawa propose à travers Yôjimbô, sorti un an tout juste avant le premier volet de la saga Zatôichi,
une relecture assez radicale du jidaï geki et du film de samouraï en
particulier. Une des probables raisons qui en font l'une des œuvres les
plus citées de sa filmographie.
Se fiant à l'indication d'une branche jetée en l'air, le ronin Kuwabataké Sanjuro arrive à Manome, un village à proximité d'Edo où une redoutable guerre entre deux clans fait rage. D'un côté, celui dirigé par Seibei associé au marchand de soie Tazaemon ; de l'autre, son ex-bras droit, Ushi-Tora, défendeur des intérêts du brasseur de saké Tokuemon. A l'origine du conflit, la décision de Seibei de faire de son fils Yoichiro son successeur au détriment d'Ushi-Tora. Sanjuro
perçoit instantanément tout le parti à tirer de cet affrontement en
proposant ses services, après avoir démontré au cour d'un combat le
tranchant de ses arguments, successivement aux deux chefs de clans.
L'arrivée dans le village d'un inspecteur ne fera que différer la
poursuite des enchères pour s'assurer son précieux concours.
Toute la saveur du scénario, apparemment basique, de Yôjimbô
repose sur l'exclusion du trivial manichéisme et sur l'art de la
dissimulation. Le spectateur, convaincu que toute notion de bien a été
définitivement évacuée du récit, ne s'attend qu'à la victoire de l'un
des deux camps, celui qui aura payé, au prix fort, le recrutement de
l'opportuniste antihéros. Il sera, bien sûr, pris à contre-pied par une
tierce résolution. Cette conviction n'est, d'ailleurs, que relative, la
tonalité de comédie venant régulièrement jeter le doute sur le sérieux
de l'intrigue. Avec sa galerie de portraits (Inokichi, le frère d'Ushi-Tora, le géant à la massue...) qui semble tout droit sortie des cartoons et sa bande musicale, entre rumba et tcha-tcha, Yôjimbô tient, en effet, à la fois de la parodie et du drame épique. Superbe prestation de Toshirô Mifune, qui vaut à l'acteur le premier de ses deux prix d'interprétation à la Mostra de Venise, et de l'ensemble de la distribution. Avant Tsubaki Sanjûrô, la fausse suite du film tournée par Kurosawa, Mifune est opposé pour la deuxième fois (sur treize rencontres) à son excellent cadet Tatsuya Nakadai.
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