lundi 16 octobre 2006

Des Teufels General (le général du diable)


"... Comment voulez-vous être autorisé à partir sans être autorisé à être ici ?"

 - film - 44947_1
Des Teufels General est le premier des quatre films tirés des productions de l'auteur Carl Zuckmayer réalisés en trois ans par Helmut Käutner. Le co-scénariste de Josef von Sternberg sur Der Blaue Engel et "Prix Goethe" 1952 s'est inspiré de la vie du général Ernst Udet, as de la chasse aérienne allemande pendant la Première Guerre mondiale et bref successeur de Manfred von Richthofen, le 'Baron rouge', à la tête de la Justa en 1918. L'officier fut également le collaborateur de Leni Riefenstahl pour le tournage de films sur l'aviation. Même si le casting est constitué de bons acteurs, le film a des allures de véhicule promotionnel pour Curd Jürgens, récompensé la même année à Venise pour son interprétation dans Les Héros sont fatigués d'Yves Ciampi.
 - film - 44947_4
Berlin, 5 décembre 1941. Sortant d'une réunion politique, le général Harry Harras, responsable de l'office des techniques au sein du ministère de l'Aviation et directeur des approvisionnements de la Luftwaffe, se rend à une soirée organisée pour célébrer Fritz Eilers, le premier pilote décoré de la "Croix de diamant". En raison d'une série inquiétante de pertes d'appareils MO 128 dont le sabotage pourrait être la cause et de l'indépendance affichée par l'officier supérieur, celui-ci est surveillé par la Waffen-SS. Au cours de ces réjouissances arrosées et chantantes, Harras fait la connaissance et s'éprend de 'Diddo', la très jeune nièce de son amie Olivia venue lui demander un service. Il rencontre aussi, moins agréablement, le général de division Schmidt-Lausitz qui espère le convaincre de rejoindre la S.S. Face à son refus méprisant, celui-ci décide son arrestation par l'entremise de la Gestapo.
 - film - 44947_7
Le choix de la date à laquelle s'ouvre le film n'est pas anodin, accordant au passage un sursis d'environ un mois au personnage principal par rapport à son inspirateur. Le 5 décembre marque, en effet, précisément le début de la contre-offensive soviétique sur le front de l'Est et précède de quelques jours les déclarations de guerre réciproques entre l'Allemagne et l'Italie d'une part et les Etats-Unis, frappés à Pearl Harbor le 7 du mois, de l'autre. On ne peut pas encore parler de tournant historique, mais le dérèglement progressif du régime nazi est déjà en marche. Certains Allemands commencent à comprendre que le discours officiel cache en réalité une volonté de puissance hégémonique et meurtrière*. Cette prise de conscience est également celle du général Harry Harras qui vivait jusque là sa nouvelle guerre avec le romantisme hédoniste autorisé par son prestige et par la protection d'Hermann Göring*.
 - film - 44947_9
Des Teufels General a conservé l'essentiel de sa théâtralité originelle. Bavard, le scénario ne révèle pourtant qu'assez tardivement les réels enjeux de l'intrigue. La mise en scène, dans l'ensemble assez conventionnelle, installe néanmoins quelques ambiances dignes du film noir. Probablement à l'apogée de sa carrière nationale avant d'être bientôt sollicité par les productions internationales, Curd Jürgens est brillant et sobre à la fois. A ses côtés, ce sont surtout les femmes qui se mettent en évidence. Marianne Koch, que l'on retrouvera chez Leone, sera récompensée par l'équivalent germain de nos "César". Eva Ingeborg Scholz tient lieu de femme fatale avec une splendide impertinence tandis que sa sœur, Erica Balqué, également assistante-réalisatrice de Käutner, incarne avec talent la conscience malheureuse de son personnage tragique.
___
*Hermann Göring, désigné dauphin du führer en juin 1941, est le grand architecte de la "solution finale". En septembre, les Juifs âgés de six ans et plus sont contraints de porter une étoile jaune ; en novembre, les chambres à gaz d'Auschwitz entrent funestement en activité.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire