"... Comment voulez-vous être autorisé à partir sans être autorisé à être ici ?"
Des Teufels General est le premier des quatre films tirés des productions de l'auteur Carl Zuckmayer réalisés en trois ans par Helmut Käutner. Le co-scénariste de Josef von Sternberg sur Der Blaue Engel et "Prix Goethe"
1952 s'est inspiré de la vie du général Ernst Udet, as de la chasse
aérienne allemande pendant la Première Guerre mondiale et bref
successeur de Manfred von Richthofen, le 'Baron rouge', à la tête de la Justa en 1918. L'officier fut également le collaborateur de Leni Riefenstahl
pour le tournage de films sur l'aviation. Même si le casting est
constitué de bons acteurs, le film a des allures de véhicule
promotionnel pour Curd Jürgens, récompensé la même année à Venise pour son interprétation dans Les Héros sont fatigués d'Yves Ciampi.
Berlin, 5 décembre 1941. Sortant d'une réunion politique, le général Harry Harras,
responsable de l'office des techniques au sein du ministère de
l'Aviation et directeur des approvisionnements de la Luftwaffe, se rend à
une soirée organisée pour célébrer Fritz Eilers, le premier pilote décoré de la "Croix de diamant". En raison d'une série inquiétante de pertes d'appareils MO 128
dont le sabotage pourrait être la cause et de l'indépendance affichée
par l'officier supérieur, celui-ci est surveillé par la Waffen-SS. Au
cours de ces réjouissances arrosées et chantantes, Harras fait la connaissance et s'éprend de 'Diddo', la très jeune nièce de son amie Olivia venue lui demander un service. Il rencontre aussi, moins agréablement, le général de division Schmidt-Lausitz
qui espère le convaincre de rejoindre la S.S. Face à son refus
méprisant, celui-ci décide son arrestation par l'entremise de la
Gestapo.
Le
choix de la date à laquelle s'ouvre le film n'est pas anodin, accordant
au passage un sursis d'environ un mois au personnage principal par
rapport à son inspirateur. Le 5 décembre marque, en effet, précisément
le début de la contre-offensive soviétique sur le front de l'Est et
précède de quelques jours les déclarations de guerre réciproques entre
l'Allemagne et l'Italie d'une part et les Etats-Unis, frappés à Pearl
Harbor le 7 du mois, de l'autre. On ne peut pas encore parler de
tournant historique, mais le dérèglement progressif du régime nazi est
déjà en marche. Certains Allemands commencent à comprendre que le
discours officiel cache en réalité une volonté de puissance hégémonique
et meurtrière*. Cette prise de conscience est également celle du général Harry Harras
qui vivait jusque là sa nouvelle guerre avec le romantisme hédoniste
autorisé par son prestige et par la protection d'Hermann Göring*.
Des Teufels General
a conservé l'essentiel de sa théâtralité originelle. Bavard, le
scénario ne révèle pourtant qu'assez tardivement les réels enjeux de
l'intrigue. La mise en scène, dans l'ensemble assez conventionnelle,
installe néanmoins quelques ambiances dignes du film noir. Probablement à
l'apogée de sa carrière nationale avant d'être bientôt sollicité par
les productions internationales, Curd Jürgens est brillant et sobre à la fois. A ses côtés, ce sont surtout les femmes qui se mettent en évidence. Marianne Koch, que l'on retrouvera chez Leone, sera récompensée par l'équivalent germain de nos "César". Eva Ingeborg Scholz tient lieu de femme fatale avec une splendide impertinence tandis que sa sœur, Erica Balqué, également assistante-réalisatrice de Käutner, incarne avec talent la conscience malheureuse de son personnage tragique.
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*Hermann Göring, désigné dauphin du führer en juin 1941, est le
grand architecte de la "solution finale". En septembre, les Juifs âgés
de six ans et plus sont contraints de porter une étoile jaune ; en
novembre, les chambres à gaz d'Auschwitz entrent funestement en
activité.
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