dimanche 3 août 2003

Adolphe


"Malheur à qui, dans les bras de la maîtresse qu'il vient d'obtenir, prévoit qu'il pourra s'en détacher."

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Tiré du court roman éponyme de Benjamin Constant, lequel s'inspire beaucoup de sa propre vie sentimentale, Adolphe décrit les amours de celui-ci avec Ellenore, la compagne d'un Comte, ami de son père, et mère de deux enfants. Dans ce personnage féminin, et bien que Constant s'en défende dans sa préface, on peut discerner les visages mêlés de quelques femmes qui ont compté dans sa vie. A la fois proche et libre par rapport au texte, le film de Benoît Jacquot est, comme l'ouvrage, une sorte d'autopsie de la relation amoureuse entre un homme qui séduit par défi et vanité et une femme qu'il oblige à sortir de ses convenances (un peu à la manière de Julien Sorel et de Mme de Rênal du "Rouge et le Noir").
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Mais contrairement au (en contradiction avec le) roman qui est un quasi huit-clos, Benoît Jacquot utilise la veine romantique en plaçant ses personnages dans des paysages superbes. Enfin l'ouvrage s'intéresse essentiellement à la psychologie d'Adolphe et ne nous permet de connaître son amoureuse qu'à travers ce qu'il en pense. Le film équilibre les rôles entre Adolphe et Ellenore, en faisant peut-être la part belle à cette dernière.
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Le film fait, bien sûr, penser à Barry Lyndon de Kubrick à la fois par ses aspects littéraires et picturaux. Mais, Adolphe, en hésitant entre ces deux dimensions artistiques (le chef opérateur, Benoît Delhomme, s'est beaucoup inspiré des peintures d'Ingres et d'Hammershoi), en oublie presque d'être une œuvre cinématographique. Erreur que n'a pas commise Kubrick. Le rythme est lent, l'essentiel de la narration est faite en voix off et la seconde partie est très épistolaire. Autant le dire, on voit passer le temps. Certaines scènes sont presque ridicules (en particulier celle du "je ne suis pas celle que vous croyez" qui précède le duel ou encore celle du désir d'Ellenore, seule dans son lit dans la dernière partie du film).
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Enfin l'interprétation est sans relief. Autour des acteurs principaux (la très belle mais transparente Adjani, le pâle Stanislas Merhar à l'expression unique et au jeu sans plus de variété) qui accaparent l'écran dans un dialogue formel pour ne pas dire précieux mais parfois inaudible, on sauvera Jean Yanne en Comte lucide et humain et François Chattot dans le rôle de l'ambassadeur de France en Pologne. A noter que le fils d'Ellenore/Adjani n'est autre que son propre fils, Gabriel-Kane Day-Lewis. Le thème musical est uniformément le très beau "In Modo d'una Marcia" du "Quintette en mi bémol majeur, pour piano et cordes Op. 44" de Robert Schumann, ce qui tend à prouver que les ambiances ne changent pas dans le film. C'est aussi une forme d'emprunt à la couleur sonore de Barry Lyndon qui était rythmé par la "Sarabande de la suite pour clavecin n° 11" de Georg Friedrich Haendel.

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Une dernière chose encore : la citation exacte du roman est : "Malheur à l'homme qui, dans les premiers moments d'une liaison d'amour, ne croit pas que cette liaison doit être éternelle." (p.47 de l'édition de poche)

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