mardi 13 avril 2010

On the Bowery


"... The saddest and the maddest street in the world."

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Ingénieur chimiste destiné à rejoindre l'entreprise textile familiale, Lionel Rogosin décide d'embrasser, au milieu des années 1950, des idéaux humanistes. Son premier objectif consiste alors à réaliser un film contre l'apartheid. A titre d'apprentissage et sans doute influencé par les travaux de Robert Joseph Flaherty, il tourne On the Bowery, une saisissante fiction documentaire prenant pour décor le quartier de New York(1) situé entre St James Place, Cooper Square et la 3rd Avenue. "Grand prix" de la catégorie à la Mostra 1956 et récompensé par un BAFTA 1957, il est l'année suivante en compétition aux Academy Awards avant d'entrer, en 2008, au National Film Registry.
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Ray revient du Jersey après un emploi précaire dans les chemins de fer. Dans le bar du quartier de Bowery où il est venu prendre une bière, il accepte de payer un verre à un individu déjà croisé avant de rejoindre la table que celui-ci occupe avec trois compères et d'y offrir une tournée de vin. Démuni, il suit le conseil de Gorman, le dernier d'entre eux : vendre un des vêtements qu'il possède dans sa valise. Avec les quelques pièces obtenues, les deux indigents éclusent jusque tard dans la nuit plusieurs débits de boissons. Ray, bientôt incapable de résister plus longtemps à la fatigue et à l'ivresse, doit se reposer à même le trottoir. Son comparse en profite pour lui voler sa valise grâce à laquelle il parvient à obtenir une nuitée.
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Récit dramatisé mais qui conserve néanmoins sa totale vraisemblance, On the Bowery constitue un témoignage particulièrement frappant sur les effets collectifs de la misère et de l'alcoolisme. Ce quartier, situé à cinq minutes à pied de l'affairiste Wall Street (en passant sous Brooklyn Bridge) et réputé au XIXe siècle pour ses nombreux music-halls, était devenu, à partir des années 1920, emblématique de la pauvreté et de la criminalité à New York. Lionel Rogosin(2) capte cette réalité, grâce à des acteurs pour la plupart involontaires et anonymes, dans sa plus sèche crudité. L'ambition du film, sa vocation sociale, voire même politique au sens noble des termes et sa tonalité (plus proche de "L'Assommoir" d'Emile Zola que de celle de The Lost Weekend de Billy Wilder) expliquent assurément l'accueil qu'il a et continue de recevoir. Un salutaire appel à la clairvoyance et sans doute à l'action, mû par le cinéma, comme celui lancé près d'un demi-siècle plus tard par Marc Singer avec son souterrain Dark Days, récompensé notamment par le public en 2000 à Sundance.
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1. situé au sud de Manhattan, entre Chinatown et Little Italy. La rue à l'origine de son appellation suivait le tracé de l'ancienne route menant à la ferme de Pieter Stuyvesant, tirant son nom du mot néerlandais bouwerij : ferme. C'est là qu'émergèrent des artistes comme Patti Smith, Blondie, The Ramones ou Talking Heads et le courant punk.
2. dont John Cassavetes disait qu'il était "probablement le meilleur documentariste de tous les temps."

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