Que ceux (et ils sont tr(op)ès nombreux1) qui n'ont pas reçu l'hivernale et singulière carte postale envoyée au cours de l'été dernier par Martin McDonagh lèvent la main ! Et se repentent. Car ils sont passés, sans probablement même le savoir, à côté d'un premier long métrage particulièrement original, drôle et surtout attachant. Le genre de buddy movie que l'on apprécie de (re)voir entre amis ou, paradoxalement, seul lorsque le blues parvient à nous saisir. Avec In Bruges (sur les rails de Six Shooter déjà avec Brendan Gleeson, court métrage honoré il y a presque trois ans par les Academy Awards), le dramaturge britannique d'origine irlandaise démontre qu'il possède un talent au moins aussi affirmé que son cadet Matthew Vaughn. Présenté en première au Sundance Film Festival 2008, cette production du duo Graham Broadbent-Peter Czernin (Piccadilly Jim) est citée dans trois catégories, dont celle de la meilleure comédie, des prochains Golden Globes.
A la suite d'un contrat au dramatique et perturbant dégât collatéral, les deux tueurs à gages Ray et Ken sont expédiés par leur patron Harry Waters pour quinze jours de vacances forcées à Bruges. Si Ken en profite pour faire du tourisme culturel, son jeune et peu expérimenté collaborateur irlandais ne se résout pas aisément à cet exil dans la trop étrangère et paisible cité médiévale flamande. Tout à la fois impulsif et déprimé, Ken commence toutefois à cesser de ronchonner lorsqu'il obtient un rendez-vous avec la jolie Chloé, rencontrée sur le tournage d'un film. Pendant son absence, Ken reçoit l'attendu appel téléphonique de Waters, assorti d'une mission... nettement moins prévisible.
Tout en faisant une astucieuse référence au Touch of Evil de Welles, Martin McDonagh ne cache pas l'influence qu'ont exercé sur lui des cinéastes comme Martin Scorsese ou Quentin Tarantino. Si In Bruges, évoquant volontiers le "The Dumb Waiter" du récent disparu Harold Pinter, ne rivalise pas avec Casino, Goodfellas et Reservoir Dogs, voire Pulp Fiction en terme... d'occurrence et de fréquence du vocable "f.ck"2, il constitue sans aucun doute l'une des meilleures surprises du cinéma en 2008. Spirituel et grave, simple et ingénieux, In Bruges, certes moins jubilatoire (et "f.cké" !) que le The Big Lebowski des frères Coen3, peut aussi bien se voir comme un pur et bon divertissement que comme une saisissante métaphore du purgatoire (remarquable scène au Groeningemuseum) ne se prenant évidemment pas trop au sérieux. Cette réussite cinématographique repose également et enfin sur la qualité d'interprétation, du formidable Dublinois Brendan Gleeson en premier lieu, de son compatriote Colin Farrell et de Ralph Fiennes qui donnent souvent à leur personnage des accents de dessin animé, et aux solides seconds rôles réunis par McDonagh. Si vous persistez à bouder ce film, cela sera alors forcément... par masochisme !
___
1. vous n'avez été qu'un peu plus de 127 000 à l'accueillir fin juin 2008 en salles, environ 336 000 au total au terme de sept semaines d'exploitation.
2. respect. 398 (2,24/mn), 300 (2,07), 269 (2,72) et 265 (1,72) contre "seulement" 126 (1,18) ! pour le film de McDonagh.
3. dont les bandes originales ont souvent été également composées par le New-yorkais Carter Burwell.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire