"... Il est encore plus beau quand il se cache."
Qui aurait imaginé voir Alain Cavalier, le réalisateur de La Chamade et du Plein de super, porter à l'écran, près de trente ans après Maurice de Canonge, la vie de Thérèse Martin dite Ste Thérèse de Lisieux ? Ceux qui se souviennent que cet ancien assistant de Louis Malle,
initialement formé en Histoire, avait commis deux premiers films assez
peu consensuels, c'est le moins que l'on puisse dire. Et, de façon plus
anecdotique, ceux qui se rappellent que, dans la comédie de 1976, l'un
des quatre occupants du break contraint ses compagnons à prendre la
direction de Milly-Lamartine pour assister... à une messe. Thérèse n'est pas un film religieux ou sur la religion. Il a peu de chose en commun avec les biographies de Bernadette d'Henry King ou de Jean Delannoy
et rien avec la récente et impudente fresque d'un acteur devenu un
réalisateur peu inspiré. Le film mérite amplement l'excellent accueil
qu'il reçut à sa sortie en salles, souligné par un "Prix du jury" à Cannes en 1986 et par six "César" (sur dix nominations, dont meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur espoir féminin) l'année suivante.
Thérèse Martin,
orpheline de mère et fille préférée de son père, est une adolescente
gaie et ouverte. Elle est convaincue de sa vocation et désire avec
ardeur entrer au couvent des carmélites comme ses deux sœurs aînées. Le
ciel lui a donné, selon elle, un signe. Elle a prié pour que Pranzzini,
le meurtrier de trois femmes, dont une gamine de douze ans, se repente
et elle a été exaucée. Son jeune âge est cependant un obstacle et elle
ne doit qu'à une audience auprès du pape de pouvoir finalement entrer au
Carmel. Elle s'accommode, sans difficulté, des rigueurs de sa nouvelle
existence mais elle affronte avec moins de facilité la maladie puis la
mort de son père et ses propres hémorragies pulmonaires. Thérèse meurt de tuberculose en 1897 ; elle est canonisée en 1925.
Il y a, probablement, deux manières de voir Thérèse.
Celle qui consiste à ne voir que le message chrétien et l'appréciation
dépendra alors des convictions du spectateur, fasciné par cette dévotion
suprême ou heurté par cette passion fortement teintée de morbidité. Et
celle qui privilégie dans cette évocation la dimension humaniste,
centrée sur le recherche de transcendance d'une jeune fille (le titre du film est, en ce sens, très explicite) idéaliste et fervente (et non fanatique !).
Faut-il voir dans cette quête d'absolu l'un des symptômes
avant-coureurs de la fin d'un siècle ? La question reste posée. Mais ces
couples, apparemment contradictoires, qui animent le film, la
souffrance et la désincarnation, la solitude (ou l'isolement) et la communauté, la "société secrète" et la république (couple mis en relief par une amusante tirade), l'ordre et la transgression ont de quoi nous interpeller. Alain Cavalier
a incontestablement fait le meilleur choix de réalisation que l'on
puisse espérer pour un tel sujet. Théâtrale, voire picturale, sans
excès, découpée en plusieurs dizaines de courts ou moyens tableaux et
remarquablement photographiée (par Philippe Rousselot*), la mise en scène est, en effet, très réussie. Et, ce qui ne gâte rien, l'ancienne élève du Conservatoire Catherine Mouchet, qui débutait au cinéma avec ce rôle principal délicat, est, quoique bien entourée,... souveraine.
___*auquel on doit, entre autres, Dangerous Liaisons, La Reine Margot, Big Fish et le tout récent Charlie and the Chocolate Factory.
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