mardi 13 septembre 2005

Les Revenants


"Ce jour-là..."

A quel genre Les Revenants, le premier film de Robin Campillo, appartient-il ? Science-fiction ou fantastique ? Le fait que les morts-vivants, à partir desquels naît et se noue l'intrigue, n'aient rien de zombies, n'ayant gardé aucune séquelle des accidents à l'origine, pour certains, de leur mort et, surtout, qu'ils ne fassent apparemment montre d'aucune agressivité, l'exclut d'emblée de la catégorie "horreur" chère à Romero. Qu'ils sortent propres et bien habillés de leur cimetière plaide pour la seconde solution. Et s'il n'était rien de tout cela, s'il n'entrait dans aucune des catégories recensées du cinéma à part celle qui a choisi de prendre ses distances vis-à-vis du récit ? Au risque de basculer dans la parodie ou dans l'énigme. Mais oui, c'est bien sûr, Les Revenants, comme le passionnant 2001: A Space Odyssey et son symétrique Solyaris, est une œuvre énigmatique.
Un beau jour d'été, les morts récents reviennent à la vie. Soixante-dix millions à l'échelle de la planète, treize mille dans la petite commune où vit Rachel. Surtout des personnes âgées auxquelles on verse à nouveau leur pension de retraite. Mais aussi des adultes qui retrouvent, pour la plupart, en sortant des centres d'accueil, leur ancien travail et des enfants, comme Sylvain, décédé quatre ans auparavant, qui retournent à l'école. Peu de choses différencient ces revenants des vivants. Ils ne communiquent presque pas, frappés par une espèce d'aphasie qui s'estompe cependant progressivement. Leur température corporelle est plus basse que la normale, ce qui expliquerait peut-être leur résistance aux infections. Et ils font semblant de dormir la nuit, certains d'entre eux errant même dans les rues de la ville ou se regroupant. Rachel redoute de reprendre contact avec Mathieu, son ami disparu dans un accident de voiture. Mais les deux anciens amants se croisent incidemment et, malgré les hésitations de la jeune femme, redeviennent intimes.
Avec son pitch classique, proche de la série contemporaine The 4400, mais prenant à contre-pied, par son réalisme, le contenu narratif des Invasion of the Body Snatchers ou Night of the Living Dead, le premier long métrage du monteur des films de Laurent Cantet a de quoi étonner et séduire. Cette surprise initiale ne fait, naturellement, que renforcer l'attente du spectateur sur la suite des événements. On se dit que l'apparente rigueur scientifique, voire clinique, déployée pendant la phase d'analyse du phénomène va forcément déboucher sur une révélation explosive, incroyable. Et puis le rythme se cale sur celui, apathique, de ces revenants, quittant le champs scientifique pour le psychologique. S'agirait-il alors, plus trivialement pourrait on dire, d'une métaphore sur le chômage et les exclus du système éducatif et social (le réalisateur n'a-t-il pas co-signé le scénario de L'Emploi du temps) ? Pas davantage. Il faut se faire une raison : Les Revenants est l'un des rares films dans lesquels le climax se trouve dans l'introduction ! Il n'est pas, pour autant, dénué de qualités et l'on peut même être pris au jeu de cette fuite imprévisible du récit et de l'ouverture (partiellement souterraine) de sa fin. Mais l'on est, peut-être aussi, passé à côté d'un excellent film. 

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