"Ce jour-là..."
A quel genre Les Revenants, le premier film de Robin Campillo,
appartient-il ? Science-fiction ou fantastique ? Le fait que les
morts-vivants, à partir desquels naît et se noue l'intrigue, n'aient
rien de zombies, n'ayant gardé aucune séquelle des accidents à
l'origine, pour certains, de leur mort et, surtout, qu'ils ne fassent
apparemment montre d'aucune agressivité, l'exclut d'emblée de la
catégorie "horreur" chère à Romero.
Qu'ils sortent propres et bien habillés de leur cimetière plaide pour
la seconde solution. Et s'il n'était rien de tout cela, s'il n'entrait
dans aucune des catégories recensées du cinéma à part celle qui a choisi
de prendre ses distances vis-à-vis du récit ? Au risque de basculer
dans la parodie ou dans l'énigme. Mais oui, c'est bien sûr, Les Revenants, comme le passionnant 2001: A Space Odyssey et son symétrique Solyaris, est une œuvre énigmatique.
Un
beau jour d'été, les morts récents reviennent à la vie. Soixante-dix
millions à l'échelle de la planète, treize mille dans la petite commune
où vit Rachel. Surtout des personnes âgées auxquelles on verse à
nouveau leur pension de retraite. Mais aussi des adultes qui
retrouvent, pour la plupart, en sortant des centres d'accueil, leur
ancien travail et des enfants, comme Sylvain, décédé quatre ans
auparavant, qui retournent à l'école. Peu de choses différencient ces
revenants des vivants. Ils ne communiquent presque pas, frappés par une
espèce d'aphasie qui s'estompe cependant progressivement. Leur
température corporelle est plus basse que la normale, ce qui
expliquerait peut-être leur résistance aux infections. Et ils font
semblant de dormir la nuit, certains d'entre eux errant même dans les
rues de la ville ou se regroupant. Rachel redoute de reprendre contact avec Mathieu,
son ami disparu dans un accident de voiture. Mais les deux anciens
amants se croisent incidemment et, malgré les hésitations de la jeune
femme, redeviennent intimes.
Avec son pitch classique, proche de la série contemporaine The 4400, mais prenant à contre-pied, par son réalisme, le contenu narratif des Invasion of the Body Snatchers ou Night of the Living Dead, le premier long métrage du monteur des films de Laurent Cantet
a de quoi étonner et séduire. Cette surprise initiale ne fait,
naturellement, que renforcer l'attente du spectateur sur la suite des
événements. On se dit que l'apparente rigueur scientifique, voire
clinique, déployée pendant la phase d'analyse du phénomène va forcément
déboucher sur une révélation explosive, incroyable. Et puis le rythme se
cale sur celui, apathique, de ces revenants, quittant le champs
scientifique pour le psychologique. S'agirait-il alors, plus
trivialement pourrait on dire, d'une métaphore sur le chômage et les
exclus du système éducatif et social (le réalisateur n'a-t-il pas co-signé le scénario de L'Emploi du temps) ? Pas davantage. Il faut se faire une raison : Les Revenants
est l'un des rares films dans lesquels le climax se trouve dans
l'introduction ! Il n'est pas, pour autant, dénué de qualités et l'on
peut même être pris au jeu de cette fuite imprévisible du récit et de
l'ouverture (partiellement souterraine) de sa fin. Mais l'on est, peut-être aussi, passé à côté d'un excellent film.
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