"Le onze de pique."
Sorti la même année que l'excellent C'eravamo tanto amati de Scola, doté de la même équipe de production et d'une partie de l'artistique, Profumo di donna est un des meilleurs opus du "maître de la comédie à l'italienne", Dino Risi. Première de ses deux adaptations de romans du Piémontais Giovanni Arpino, lauréat du prix Strega, ("Il Buio e il miele" dans le cas présent), le film appartient à ce que l'on peut qualifier de "cru sec et acide"
dans la production du réalisateur milanais. Venant immédiatement après
des œuvres plus faibles, il vaut surtout pour la prestation, la onzième
avec Risi, de Vittorio Gassman récompensé au Festival de Cannes 1975. Profumo di donna fut également sélectionné dans deux catégories des Academy Awards 1976 et désigné, la même année, meilleur film étranger au cours de la nuit des "César". Martin Brest en a fait un remake en 1992 grâce auquel Al Pacino, dans le rôle principal, reçut le premier et actuel seul "Oscar", sur huit nominations, de sa carrière.
L'incorporé Giovanni Bertazzi est recommandé par son commandant pour s'occuper, pendant sa semaine de permission, de l'ancien capitaine de cavalerie Fausto Consolo.
Celui-ci est un homme dans la force de l'âge, riche et désœuvré,
vivant seul avec sa vieille tante à Turin. Sanguin, presque toujours
agressif, il a perdu la vue et l'avant-bras gauche en manipulant une
bombe pendant des grandes manœuvres. Giovanni, rebaptisé pour l'occasion Ciccio, doit accompagner Fausto au cours d'un voyage à Naples passant par Gènes et Rome. Fausto,
qui taquine la bouteille, apprécie particulièrement le beau sexe et
emmène sa jeune ordonnance dans les quartiers chauds de ces villes. Chez
son ami le lieutenant Vincenzo, aveugle comme lui, il est remis en présence de la jeune Sara, amoureuse de lui depuis de longues années mais sans cesse éconduite. Mais qu'est venu, au juste, faire Fausto à Naples ?
Profumo di donna,
comme l'ouvrage dont il est tiré, est avant tout un portrait.
L'intrigue y est secondaire, laissant volontairement dans l'ombre les
motivations réelles de ce voyage vers le cœur de l'Italie, dans cette
citée fondée par la reine hermaphrodite Aristodemos il Malachio, grande
prêtresse du culte d'Aphrodite. Pour rester dans l'antiquité, le
personnage central de Fausto fait irrésistiblement penser au
philosophe cynique Diogène. Comme ce dernier, qui allumait des lanternes
en plein jour, l'ancien capitaine infirme se révèle bien plus lucide,
et donc amer et désabusé, que la plupart des voyants. Cette personnalité
complexe, cachant, sous sa force apparente, sa violence verbale, son
intransigeance*, son irrévérence à l'égard des conventions et son dédain
de la compassion dont il est l'objet, un profond désespoir et une
grande vulnérabilité, constitue l'essentiel de l'intérêt du film. Le
talent de Dino Risi
est d'avoir su la mettre en relief avec suffisamment de truculence et
de vérité pour qu'elle devienne attachante, voire émouvante. Si le film
demeure, dans une certaine mesure, actuel, la photographie de Claudio Cirillo a, en revanche, plutôt vieilli. Ses gros plans de la belle Agostina Belli font notamment penser à ceux des divas du cinéma muet. Vittorio Gassman
est remarquable dans la plupart des nombreuses scènes où il apparaît,
en particulier dans celle, à la fin du film, où il se confesse au jeune Ciccio.
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*la présence de séquences extraites de Dio perdona... Io no! de Giuseppe Colizzi n'est pas le simple fait du hasard !
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