Ceux qui ont vu le premier film de Wang Chao ne seront pas dépaysés par le suivant. La "Montgolfière d'or"* de l'édition 2004 du Festival des trois continents nantais flotte, en effet, aux mêmes altitudes et au-dessus d'étendues identiques. L'ancien assistant de Chen Kaige sur Jing ke ci qin wang propose, avec Ri ri ye ye,
une fable sur le destin et la culpabilité mêlant étroitement réalisme
documentaire et fiction allégorique et poétique. Le film n'est,
d'ailleurs, pas sans évoquer la tragédie théogonique d'Hésiode, "Les Travaux et les jours", le personnage central de Guangsheng
constituant un des éléments du mythe et le symbole d'une des
générations de l'histoire chinoise. Nous ne sommes pas très surpris de
voir Sylvain Bursztejn
coproduire le film, lequel, après s'être intéressé au cinéma de
l'Europe du Sud-est, semble s'être tourné vers le cinéma asiatique en
participant au financement de deux œuvres de réalisateurs chinois avant
celle de Chao.
Dans une région minière du nord de la Chine au paysage lunaire, non loin du fleuve Jaune, vivent Li Guangsheng, son maître, Zongmin, Wu Xiulian, l'épouse et A-Fu,
l'enfant, colosse attardé mental, de ce dernier. Les deux hommes
travaillent à la mine de charbon, les deux autres vendent leur
production potagère à Tianquan. La jeune femme du vieux maître devient
l'amante de Guangsheng qu'elle retrouve à la nuit tombée. Un
jour, une violente explosion se produit dans la mine ; l'apprenti, sorti
juste avant, en réchappe, pas Zongmin. Choqué, Guangsheng se reproche la mort de son maître et perd tout appétit sexuel. Il préfère se séparer de Xiulian et mettre toute son énergie au redémarrage de la mine qu'a décidé de lui louer le comité du parti. Bientôt, A-Fu, désormais orphelin, revient le trouver. Le père de celui-ci apparaît alors à Guangsheng, le chargeant de trouver une épouse à son fils.
Dans Ri ri ye ye, probablement plus que dans Anyang de yinger,
transparaît l'écrivain derrière le cinéaste. C'est pourtant,
paradoxalement, celui-ci qui était une adaptation de l'un de ses romans.
Le premier film de Wang Chao autorisé à être diffusé dans son pays d'origine est, en effet, plus introspectif, ressemblant en cela aux œuvres de Bresson, d'Antonioni ou de Bergman
que le réalisateur chinois admire. Avec ses plans fixes, laissant les
personnages entrer et sortir du champs déterminé, ses dialogues comptés
et la presque totale absence de bande musicale, Ri ri ye ye,
s'il peut indisposer le spectateur habitué aux produits formatés,
séduit par son épurement et par son formalisme. Au point que l'intrigue
puisse en devenir elliptique. Dans une classique structure en trois
actes, Chao
met en scène, sous une trame œdipienne de faute charnelle originelle
et de meurtre du père, le choc de trois Chine, celle de la Révolution
culturelle associée aux traditions ancestrales, celle de la transition
vers l'économie de marché, symbolisée par Guangsheng et celle qui tend à tirer le pays vers le modèle occidental personnifiée par la jeune Wang Hongmei. L'un des reproches majeurs que l'on peut formuler à l'égard du film est sa relative froideur (pas seulement atmosphérique !) qui frise l'ascétisme. Mais la réalisation est fort belle et les acteurs, pour la plupart non-professionnels (seul Liu Lei avait un second rôle dans Shiqi sui de dan che) sont convaincants.
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*entre autres prix.
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