mardi 6 septembre 2005

La Femme de Gilles


"J'attends..."

Le troisième long métrage de Frédéric Fonteyne ne déroge pas à la règle implicite d'inspiration initiée avec Max et Bobo. C'est encore d'une histoire d'amour dont il est question dans La Femme de Gilles. Il ne s'agit, en revanche, plus d'un scénario original mais de l'adaptation du premier roman éponyme de l'auteur belge Madeleine Bourdouxhe, proche de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir, publié en 1937. Choix audacieux de la part du réalisateur, d'abord parce que la tonalité du film tranche assez nettement par rapport à celle du précédent. Ensuite, parce que le cinéaste évite d'avoir recours aux habituelles recettes employées dans cet exercice, balisé mais toujours délicat, de l'adaptation. Le résultat est, dans l'ensemble, plutôt réussi, grâce notamment à la qualité de la mise en scène et à la prestation des acteurs, Emmanuelle Devos, en logique tout premier lieu. Présenté à la Mostra 2004, dans la section "Orizzonti", le film a reçu le prix du C.I.C.A.E *.
Le nord de la France, dans les années 1930. Gilles travaille aux hauts-fourneaux de la ville pendant que son épouse, Elisa, s'occupe de leur deux filles et de la maison. Victorine, la petite sœur de cette dernière, vient souvent lui rendre visite pour aider et pour jouer avec ses nièces. Elisa, enceinte d'un troisième enfant, soupçonne une nouvelle complicité entre son mari et Victorine. Un soir, alors que Gilles se propose d'emmener sa belle-sœur au cinéma**, Elisa décide, de manière inopinée, de les accompagner. Un autre jour, laissant les jumelles à la maison, elle suit son époux lors d'une de ses sorties tardives mais en perd la trace à la sortie de la ville. C'est à l'occasion d'un bal, en marge d'une fête foraine, qu'Elisa comprend, d'abord en les voyant danser puis lorsqu'un cavalier de Victorine est agressé par Gilles, que celui-ci est épris de la jeune femme.
Placé, dès le générique, sous le signe de "Mon homme"*** interprété par Mistinguett, La Femme de Gilles et son personnage principal peuvent être définis comme un anti-Madame Bovary. Portrait de femme et d'épouse (exemplaire ?) appartenant à une génération révolue, dévouée corps et âme à son époux (le titre est symptomatique de cette identité dépendante), le film met assez bien en relief ce rêve d'une fusion amoureuse bafoué par la trivialité et la bêtise de l'homme. Frédéric Fonteyne nous fait partager, parfois moyennant quelques longueurs, le quotidien et les saisons d'Elisa de manière très linéaire. Pas de mise en perspective du récit par l'usage du flash-back ou de la narration en voix off, l'inexorable et extravagante progression dramatique, faiblement dialoguées, reposant principalement sur le hors-champ, l'affect et le non-dit, est à l'œuvre dans toute sa sécheresse jusqu'à sa conclusion, terrible et inattendue. Les aspects visuels et sonores sont soignés par la mise en scène tandis que l'omniprésente Emmanuelle Devos porte, presque à elle seule, toute l'intensité tragique du film. Un bien joli drame qui, malgré quelques maladresses, mérite assurément d'être vu.
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*Confédération Internationale des Cinémas d'Art et d'Essai Européens.
**un extrait de la bande sonore de La Kermesse héroïque du belge Jacques Feyder accompagne un long plan du trio. Son intrigue est une parfaite antithèse à celle du film.
***d'Albert Willemetz, Jacques-Charles et Maurice Yvain.

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