dimanche 25 septembre 2005

Les Temps qui changent


"On ne peut pas posséder quelqu'un sans lui faire du mal."

Trois ans après Loin, son antépénultième opus, André Téchiné retourne à Tanger pour y planter le décor des Temps qui changent, son nième drame, à tendance romantique dans le cas présent. Le film est construit à partir d'un scénario écrit avec Pascal Bonitzer, lequel a déjà collaboré à six reprises avec le réalisateur, et Laurent Guyot croisé sur Tous les garçons et les filles de leur âge. Pour composer son couple vedette, Téchiné fait appel à Catherine Deneuve, actrice principale de cinq de ses précédents films et à Gérard Depardieu, le partenaire d'Isabelle Adjani dans Barocco près de vingt ans auparavant. Au-delà de l'anecdotique nouvelle rencontre, la septième, de deux figures emblématiques du cinéma français, dont les carrières s'essoufflent assez sensiblement, la vraie question que pose Les Temps qui changent est de savoir si l'on retrouve, ici, le niveau qualitatif des œuvres du cinéaste du début de la décennie précédente, celui de Ma saison préférée ou des Roseaux sauvages notamment.
Antoine Lavau dirige la construction, dans la zone franche de Tanger, d'un ambitieux centre audiovisuel. Le chantier a du retard. Au cours d'une inspection du site, Antoine est surpris par un éboulement de terre. Son arrivée, quelques semaines plus tôt dans la ville marocaine, dissimule en réalité un objectif secret, celui de revoir et de séduire Cécile, son premier amour auquel il n'a jamais cessé de penser depuis plus de trente ans. Celle-ci, modeste animatrice de radio, est depuis mariée en secondes noces à Nathan, un médecin marocain plus jeune qu'elle. Samy, leur fils unique vivant à Paris, est en vacances chez eux, accompagné de son amie Nadia et du jeune fils de cette dernière. Le couple formé par Samy et Nadia sert en réalité de tendre façade à l'amitié particulière qui unit le premier à Bilal, marocain connu à Paris et revenu au pays. Nadia, à l'équilibre psychologique précaire, souhaite, de son côté, rencontrer sa sœur jumelle Aïcha, perdue de vue depuis six ans.
L'un des principaux reproches que l'ont peut faire au dernier film d'André Téchiné est de n'être qu'une évocation*. A l'image de celle, à peine esquissée, relative à la ville septentrionale du Maroc, Les Temps qui changent ne parvient pas à donner de l'intensité à la double intrigue dramatico-sentimentale sur laquelle il repose. Même la figure symbolique du double (gémellité du personnage féminin secondaire, ambivalence du personnage de Samy) n'est pas développée, relevant davantage du motif décoratif littéraire que d'un nécessaire atout narratif. L'hésitation, chez le réalisateur, entre fiction roman(tique)esque et réalisme documentaire s'impose à la vision du film, altérant, de manière évidente et réciproque, les qualités spécifiques de chacun des genres. L'impression est renforcée par le style de réalisation de Téchiné privilégiant l'assemblage, à travers un montage brut et heurté, de séquences fortes au détriment de la fluidité globale. Les interprètes, s'ils parviennent ponctuellement à faire naître un peu d'émotion, ne sont pas véritablement convaincants et l'on a trop souvent le désagréable sentiment, à l'écoute des dialogues, de lire le script. Doit-on craindre que les temps aient effectivement changé pour Téchiné ?
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*dont l'une des significations est associée aux sortilèges, un des thèmes abordés dans le film.

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