jeudi 8 septembre 2005

Sud pralad (tropical malady)


"... Sa proie et son compagnon."

Après Sud sanaeha, auquel il ressemble sur les plans structurel et atmosphérique, voici le nouvel O.F.N.I.* du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Etrange, voire fascinant, Sud pralad fonctionne selon le principe de rupture. Celle entre les deux personnages principaux du récit, celle dans les dimensions narratives, presque classique et réaliste d'abord, puis onirique ou fantastique. Enfin celle, singulièrement marquée, dans la construction même du film. C'est l'imaginaire du spectateur qui est sollicité en permanence, autorisant celui-ci à interpréter les situations et les événements, ce qui constitue une prise de risque démesurée dans le cinéma actuel mais, en même temps, un magnifique exercice de créativité pour ceux qui s'y prêtent. Quentin Tarantino aurait-il été de ceux-là ? Le jury qu'il présidait à Cannes en 2004 n'avait-il pas, en effet, décerné son prix (ex-æquo avec Irma P. Hall pour son interprétation dans The Ladykillers) à cette Bête là ?
Tong, originaire d'une région rurale en bordure de forêt, travaille dans une fabrique de pains de glace. Le jeune soldat Keng, qu'il a rencontré au cours d'une mission dans sa région, devient son ami, lui apprend à conduire sur son vieux camion citerne et, ensemble, ils passent d'agréables moments. Keng est amoureux de Tong ; celui-ci n'y est pas insensible. Keng repart avec son unité forestière. Sur le lieu de sa nouvelle affectation, un grand prédateur semble faire des victimes parmi le cheptel et les paysans. Fin de la première partie.
Débute alors une seconde partie, celle d'une traque réversible, absolument intrigante. Intitulée "La Voie de l'esprit" et inspirée de contes de Noi Inthanon, elle figure, à travers les personnages de Tong et de Keng, l'histoire d'un chaman khmer ayant la capacité de se changer en divers créatures, notamment en tigre. Pratiquement dénué de dialogue (à part la tirade, en forme d'avertissement, d'un macaque), cette partie fantasmatique, reposant sur les présupposés et les pulsions latentes qui l'ont précédé, est une expérience très singulière de cinéma. Cette Maladie tropicale, si l'on n'y prête pas garde, est bougrement contagieuse !

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