"... Plus digne."
Disparu il y a sept mois, Kihachi Okamoto est, avec Kenji Misumi et Tomu Uchida, l'un des maîtres incontestés du chambara. Samurai, sorti la même année que Ken ki et annonçant son probable chef-d'œuvre, Dai-bosatsu tôge, constitue une des pièces majeures de sa filmographie. Le réalisateur signe ici, à partir d'un scénario de Shinobu Hashimoto (Shichinin no samurai, Seppuku), lui-même inspiré du roman "Samurai Nippon" de Jiromasa Gunji, une authentique tragédie shakespearienne
plus qu'un réel film d'action. Mais le résultat est tout proche de la
perfection. Le contenu dramatique, quoiqu'un peu complexe, est puissant,
la mise en scène et la distribution sont remarquables.
17 janvier 1860, aux abords de la résidence du Shôgun à Edo. Trente trois membres du clan Mito, parmi lesquels Hoshino leur chef, assistent, devant la porte Sakurada, à l'entrée des dignitaires invités à un banquet en l'honneur du jeune Iémochi, le quatorzième Shôgun. Ii Naosuké, le seigneur d'Hikoné et ministre-conseiller du souverain n'apparaît pas. Réuni dans la maison de thé Sagami,
le clan Mito ne peut que constater l'échec de sa tentative d'assassinat
du personnage le plus influent de l'empire et l'auteur de la répression
d'Ansei dont il a été l'une des principales victimes. Ii Naosuké a probablement été averti et le traître doit être découvert. Les soupçons se portent sur Niiro Tsuruchiyo, un rônin du clan Bishu qui aspire, par tous les moyens, à devenir samouraï et sur le progressiste Kurihara Einosuké du clan Matsudaïra dont le train de vie ne correspond pas à ses ressources officielles.
Dès la courte scène d'exposition qui précède un étonnant générique, Kihachi Okamoto
fixe la tonalité de son film. Nous allons assister, malgré une
apparence classique, à une œuvre résolument originale, dans le fond et
dans la forme. Comme dans Dai-bosatsu tôge qu'il précède d'un peu plus d'un an, Samurai,
sur fond d'intrigues, de chaos politiques et de perte des valeurs,
illustre la fin de la caste des samouraïs à travers les deux personnages
de Niiro et Kurihara. Le film utilise l'investigation
menée à leur sujet, qui constitue le cœur du récit, pour approfondir
leur psychologie et les opposer. Le premier, sans paternité officielle,
est attaché à une tradition prestigieuse mais moribonde quand le second
entrevoit et souhaite promouvoir la transition vers une nouvelle ère
pour son pays. Niiro, solitaire malmené par son destin, est farouchement égocentrique ; Kurihara, en bon père de famille, s'exprime naturellement à la première personne du pluriel.
Mais Okamoto
sublime une narration déjà passionnante, dans laquelle va se nouer un
drame œdipien, par une maîtrise de la mise en scène faisant de Samurai un modèle. Si l'on n'y prête peu attention, le film ressemble, formellement, aux Yojimbo et Tsubaki Sanjûrô de Kurosawa.
Mais le soin apporté à la réalisation crée un profond plaisir visuel
et, surtout, un second niveau de lecture, plus symbolique celui-là, à
l'intrigue. A titre d'exemple, soyez particulièrement attentifs à la
manière dont il filme et cadre la filature de la belle-sœur de Kurihara
en milieu de métrage ou, encore, à la puissance graphique du combat
final. Est-il nécessaire d'évoquer la qualité des comédiens ? Pour ne
pas avoir l'air de négliger ce chapitre, soulignons l'absence de seconds
rôles puisque tous les acteurs, même lorsque leur participation est
courte, offrent une prestation de premier plan.
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